L’engouement pour les jets d’affaires, qui a permis à Bombardier d’accélérer son redressement, s’est aussi reflété sur la paye globale des hauts dirigeants de l’avionneur québécois, qui a totalisé près de 21 millions (17,3 millions US), l’an dernier.

À elles seules, les primes en espèces pour les cinq principaux dirigeants de la multinationale ont totalisé 7,2 millions en 2021 – année où l’entreprise a continué de bénéficier de la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), programme mis sur pied par Ottawa afin d’aider les entreprises touchées par la crise sanitaire.

« Le solide rendement dégagé par Bombardier pour l’exercice a donné lieu à des paiements incitatifs à court terme supérieurs aux cibles », écrit l’entreprise dans la circulaire de sollicitation envoyée à ses actionnaires en vue de son assemblée annuelle prévue le 5 mai.

Les émoluments des patrons de la multinationale tiennent compte de nombreux éléments, comme le salaire de base, les primes en espèces ainsi que les attributions fondées sur des options, notamment.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

Au premier coup d’œil, les émoluments des patrons de Bombardier semblent avoir doublé par rapport à 2020. Toutefois, le président et chef de la direction Éric Martel, arrivé en poste le 6 avril 2020, et le chef de la direction financière Bart Demosky, embauché le 1er décembre de la même année, n’ont pas été rémunérés pour un exercice complet. Cela vient fausser les données.

L’an dernier, M. Martel a eu droit à des primes en espèces d’environ 2,5 millions.

« Le [comité de rémunération] n’a pas pris en compte l’incidence des subventions reçues dans le cadre du programme de la SSUC », fait valoir la circulaire.

Selon son rapport annuel pour l’exercice financier ayant pris fin le 31 décembre dernier, Bombardier a touché 143 millions US en subventions salariales au Canada et aux autres endroits dans le monde où elle était admissible à ce type d’aide financière.

La société est loin d’être la seule à avoir versé des primes en espèces à ses cadres après avoir bénéficié de la SSUC, souligne Yan Cimon, du département de management de l’Université Laval. En matière de perception de la part du public, ce n’est pas « idéal » d’agir de la sorte, selon le professeur.

« C’est clair que cela touche une corde sensible, dit M. Cimon. Mais en même temps, si ces primes permettent de retenir des cadres de talent, c’est important pour la création de valeur à long terme. »

Attentes dépassées

L’entreprise a considéré deux principaux facteurs pour évaluer la performance de sa haute direction : le résultat avant intérêts, impôts et amortissement (RAIIA) ajusté ainsi que les flux de trésorerie disponibles.

Bombardier a fait bonne figure dans les deux cas. Son RAIIA a plus que triplé pour atteindre 640 millions US l’an dernier, tandis que l’entreprise a généré des liquidités de 100 millions US. En 2020, Bombardier avait puisé 1,9 milliard US dans ses réserves.

L’avionneur a néanmoins terminé l’exercice 2021 avec une perte ajustée de 326 millions US, ou 15 cents US par action. Les revenus ont fléchi de 6 %, à 6,1 milliards US.

Les détails entourant la rémunération des dirigeants de l’entreprise sont dévoilés alors que les négociations semblent tendues avec quelque 1800 salariés québécois représentés par l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA).

Selon le syndicat, l’employeur refuse toutes les demandes salariales des travailleurs et exigerait des « reculs importants » de « plusieurs millions », selon un bulletin que La Presse a pu consulter.

Mercredi, M. Martel avait estimé que la sortie de l’AIMTA était prématurée, puisque Bombardier n’avait pas encore présenté ses offres. Les 1800 employés sans contrat de travail depuis le 4 décembre dernier sont répartis entre l’usine d’assemblage du Challenger à Dorval et l’usine montréalaise située dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

En juillet dernier, les activités de l’usine de Downsview à Toronto avaient été perturbées par un débrayage de quelques jours. Bombardier était parvenue à s’entendre avec Unifor, qui représentait environ 1200 salariés qui assemblent la famille d’avions Global.

Dans le cadre de son assemblée annuelle, Bombardier proposera à ses actionnaires de voter en faveur d’une résolution pour procéder à un regroupement d’actions ordinaires de classe B d’un ratio entre dix pour une et trente pour une.

Selon l’avionneur, l’objectif est de « ramener le nombre d’actions ordinaires de Bombardier en circulation à un niveau comparable à celui d’entreprises ayant une valeur boursière similaire et dont les actions sont négociées » à la Bourse de Toronto.

La valeur boursière de l’entreprise oscille autour de 3,5 milliards.

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  • 12
    Le carnet de commandes de Bombardier totalisait 12,2 milliards à la fin décembre, en hausse de 14 % sur un an.
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