Pour la première fois depuis le lancement du projet de la Romaine, en 2009, Hydro-Québec annonce une augmentation de sa capacité de production pour faire face à une augmentation sans précédent de la demande d’électricité.

Le Québec aura besoin de 100 térawattheures d’électricité de plus d’ici 2050 pour réaliser ses objectifs climatiques. C’est plus de 50 % de plus que la capacité actuelle d’Hydro-Québec (165 TWh), constate le plan stratégique pour les quatre prochaines années publié mercredi par la société d’État.

« La transition énergétique, ça veut dire qu’il faut accueillir à notre table des gens qui consomment aujourd’hui de l’énergie fossile », a illustré la présidente-directrice générale d’Hydro-Québec, Sophie Brochu. La province aura besoin de plus en plus d’électricité, qui coûtera plus cher et qu’il faudra consommer autrement, a-t-elle résumé lors du lancement de ce plan qui marque une rupture avec le passé de la société d’État.

« La donne a changé », affirme Hydro-Québec, qui cesse de faire la promotion de son énergie abondante et peu coûteuse. Il n’y aura plus d’énergie disponible pour les cryptomonnaies, a précisé Sophie Brochu. L’électricité québécoise devra être allouée aux meilleurs projets possibles.

L’électricité est en forte demande et répondre à cette demande coûtera plus cher aux Québécois, prévoit la société d’État. Les nouveaux approvisionnements en électricité coûtent 11 cents le kilowattheure, comparativement à 3 cents le kilowattheure pour la production existante, rappelle le document.

Pour minimiser les hausses de tarifs à venir, Hydro-Québec veut doubler son objectif d’efficacité énergétique, à 8 térawattheures, ce qui est l’équivalent de la production des installations de la Romaine. « La Romaine, c’est un investissement de 6 milliards et c’est ça qu’on évite avec l’efficacité énergétique », a souligné la PDG.

Pour y parvenir, Hydro-Québec étendra la tarification variable à toute sa clientèle. La structure tarifaire sera modifiée en conséquence. « Il va falloir changer nos habitudes, mais on va aider nos clients à le faire », a précisé Sophie Brochu.

Produire 5000 mégawatts de plus

La société d’État prévoit accroître sa capacité de production de 5000 mégawatts au cours des prochaines années. Plus de la moitié de cette électricité supplémentaire, soit 3000 mégawatts, proviendra de parcs éoliens, dans lesquels Hydro-Québec est prête à investir directement, parce que ses coûts de financement sont plus bas que ceux des promoteurs privés, ce qui limite l’effet de ces nouveaux approvisionnements sur les tarifs d’électricité.

« On veut se constituer une banque de projets éoliens pour pouvoir les actionner au besoin selon l’évolution de la demande », a précisé Sophie Brochu.

Les installations hydroélectriques existantes d’Hydro-Québec seront modernisées et équipées de technologies plus performantes qui augmenteront leur production de 2000 mégawatts au cours des prochaines années.

Des investissements supplémentaires seront nécessaires pour réaliser ces projets. Hydro-Québec prévoit que ses investissements annuels passeront de 3,7 milliards actuellement à 5 milliards par année au cours des prochaines années.

Ces 5000 mégawatts supplémentaires seront loin de suffire à l’augmentation de la demande prévue à l’horizon 2050, mais c’est du travail pour plusieurs années, a expliqué Sophie Brochu. « On en a pour plusieurs années et, d’ici là, on va voir comment la demande évolue », a-t-elle dit. Des technologies qu’on n’imagine même pas aujourd’hui pourraient devenir des solutions pour répondre aux besoins, estime-t-elle.

Par ailleurs, Hydro-Québec n’écarte pas la construction de nouvelles centrales hydroélectriques à plus long terme, soit après 2026. Une mise à jour du potentiel hydroélectrique qui reste à développer s’impose, selon Hydro, puisque « nous pourrions avoir besoin de nouvelles capacités de production hydroélectrique à l’avenir ».

Par ailleurs, les visées internationales du plan stratégique précédent ont disparu. « On n’est plus du tout là-dedans, a affirmé Sophie Brochu au sujet des projets d’expansion internationale de son prédécesseur. On a déjà tellement à faire chez nous. »

Hydro-Québec est plutôt en quête d’acquisitions et de partenariats dans les réseaux voisins pour augmenter son expertise et multiplier les occasions d’échange d’énergie.

Le plan stratégique 2022-2026 mise sur la réalisation des deux contrats d’exportation à long terme avec le Massachusetts et New York. La société d’État prévoit aussi le maintien de sa rentabilité actuelle, soit quelque 4 milliards de profit net par année.

Une hausse des tarifs de 3 %

Si le gouvernement décide de plafonner à 3 % la hausse des tarifs d’électricité en 2023, Hydro-Québec s’adaptera, mais une telle hausse ne suffira peut-être pas à compenser l’augmentation de ses coûts.

« L’inflation se répercute de différentes manières, a expliqué la PDG d’Hydro-Québec. Il y a les salaires, le coût de l’acier, de l’aluminium et le coût des investissements. » Ce n’est pas un impact sur une seule année. Une hausse de 3 % en 2023, cela peut être suffisant, dit-elle, ou pas. « En fait, je ne sais pas, il faut regarder le futur avec humilité. »

Le gouvernement québécois cherche une solution pour empêcher que les tarifs d’électricité qu’il a alignés sur l’indice des prix à la consommation (IPC) en 2019 ne bondissent de plus de 5 % en 2023 en raison d’une flambée de l’inflation. Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a évoqué la possibilité de plafonner la hausse de l’an prochain à 3 %.

Sophie Brochu a rappelé que la Régie de l’énergie examinerait les coûts de service d’Hydro-Québec en 2025 et que, s’il s’avérait que ces coûts avaient été surestimés, elle pourrait les réduire. « Il va y avoir un regard neutre sur les coûts d’Hydro-Québec en 2025, a-t-elle dit. À la Régie, ce n’est pas une question de négociations, c’est une question de faits. »

En attendant, « on va laisser les équipes travailler » pour estimer l'effet de l’inflation sur les activités de l’organisation, avance Sophie Brochu. « Ce qui est important, pour un service public, c’est de faire la démonstration qu’on fait les bonnes dépenses aux bons endroits. »

En savoir plus
  • 2,6 %
    Les tarifs d’électricité augmenteront de 2,6 % le 1er avril prochain. Cette hausse équivaut à l’IPC moyen au Québec entre septembre 2019 et septembre 2020.
    Hydro-Québec