Des années de travail ont disparu dans l’explosion du Centre de valorisation de l’aliment, à Sherbrooke

La production de l’entreprise Les Grenailles ne se résume plus qu’à un sac de granola, laissé dans la voiture de l’une des propriétaires la semaine dernière en raison d’un surplus. Du côté du Domaine Bergeville, ce sont plusieurs milliers de bouteilles, dont plusieurs millésimes, qui ne seront jamais ouvertes.

En plus des pertes de revenus et des dangers pour la survie des entreprises concernées, l’explosion survenue à Sherbrooke au Centre de valorisation de l’aliment (CVA), qui a fait cinq blessés, laisse plusieurs entrepreneurs sous le choc.

Selon La Tribune, deux des cinq personnes blessées dans l’explosion de mercredi ont été transférées dans des instituts pour grands brûlés. On ne craindrait plus pour leur vie. Au moment de publier, il n’a pas été possible de connaître l’état de santé des trois autres victimes.

Pendant ce temps, des organismes spécialisés dans le développement économique ainsi que des confrères de l’industrie agroalimentaire s’organisent pour les aider à se remettre sur les rails. Une campagne de sociofinancement est même en train de s’organiser.

PHOTO MAXIME PICARD, LA TRIBUNE

En plus des pertes de revenus et des dangers pour la survie des entreprises concernées, l’explosion survenue à Sherbrooke au Centre de valorisation de l’aliment (CVA), qui a fait cinq blessés, laisse plusieurs entrepreneurs sous le choc.

« Je suis rentré au travail à 7 h. J’ai commencé à sentir des odeurs. J’étais en train de préparer des commandes et, tout d’un coup, j’ai été propulsé cinq, six mètres plus loin avec un congélateur sur les jambes. Le plafond n’existait plus. »

C’est en ces mots que Massimo Conti, propriétaire de Naturellement Pasta, l’une des 14 entreprises qui louaient un local de façon permanente au CVA, raconte les évènements survenus mercredi matin. « J’ai tout perdu », ajoute celui qui s’en est tiré avec des douleurs au dos. « Physiquement, ça va. Moralement, je n’ai pas encore digéré ce qui s’est passé. »

« Tout notre stock était là », raconte Alexandra Arès Bruneau, copropriétaire de l’entreprise Les Grenailles, dont le ton en dit long sur sa tristesse.

On avait notre local où on ensachait et stockait nos matières premières. On avait le granola, prêt à partir en commande.

Alexandra Arès Bruneau

Elle n’était pas sur place lors de l’explosion. Les mercredis matins, Mme Arès Bruneau et ses deux partenaires ne sont pas en production.

Avant mercredi, Les Grenailles se portait bien. « On commençait à s’imaginer pouvoir en vivre. »

Eve Rainville et Marc Théberge, propriétaires du Domaine Bergeville, qui se spécialise dans le vin mousseux, ne se trouvaient pas non plus sur les lieux. Ce sont toutefois leurs milliers de bouteilles qui ont écopé. « On avait un local là-bas spécifiquement pour le vieillissement de nos vins, explique Mme Rainville. Tout le millésime 2020 était là et une bonne partie du millésime 2019 ainsi que notre vin mousseux rouge. »

« Ce sont des vins qu’on était censés aller chercher dans quelques semaines et qu’on allait dégorger [en éliminer les lies et les dépôts] au printemps et à l’été pour les vendre en partie cette année, enchaîne-t-elle. C’est une perte de revenu irremplaçable. Ce raisin-là ne reviendra jamais. » Le vignoble, qui vend environ 40 000 bouteilles par année, n’a toutefois pas perdu toute sa production.

Reprendre les activités

Encore sous le choc, les entrepreneurs interrogés n’étaient toutefois pas prêts à abandonner leur entreprise. « Notre problème, c’est l’espace », relève Eve Rainville.

« Ça n’existe pas, un autre CVA qui est vacant », se désole Alexandra Arès Bruneau.

Sherbrooke Innopole, organisme paramunicipal de développement économique, s’active actuellement pour venir en aide aux entrepreneurs touchés. « On a mis en place une cellule de crise pour prendre contact avec les entreprises, s’enquérir des gens et s’assurer qu’ils puissent reprendre leurs activités », assure le directeur général, Sylvain Durocher.

Trouver des espaces réfrigérés pour recevoir les commandes compte parmi les besoins les plus criants, souligne-t-il.

Jonathan Bélanger, président de Maturin, comme à la ferme, s’affaire en ce moment à trouver des partenaires pour organiser une campagne de sociofinancement. L’homme à la tête de l’épicerie en ligne vendant exclusivement des produits provenant de fermes et de transformateurs québécois compte deux fournisseurs parmi les entreprises touchées : Le Gars du Lac – dont le propriétaire est grièvement blessé – et Naturellement Pasta.

« On va tout mettre en place pour que ces entreprises relancent leurs activités, sinon la plupart d’entre elles ne pourront jamais revoir le jour, s’inquiète M. Bélanger. Ce sont des entreprises familiales qui nourrissent des familles d’ici. Il faut absolument leur donner un coup de main. On a vu la flambée des prix en alimentation. Si on perd 14 producteurs, ça va mettre encore plus de pression sur les prix. »

Avec La Tribune

Centre de valorisation de l’aliment (CVA)

  • Fondation : novembre 2019
  • 14 entreprises étaient des locataires permanents
  • Des espaces de cuisine et d’entrepôt étaient également loués
  • En tout, une cinquantaine d’entreprises gravitaient autour du CVA
  • Propriétaire : Ashley Wallis
  • Superficie : 25 000 pi2