Dénonçant une entente dans le cadre d’une action collective contre Uber Eats « qui n’apporte rien aux membres » et qui prévoit notamment des honoraires d’avocats « injustifiés » de 63 500 $ sur 200 000 $, six étudiants en droit de l’Université de Montréal tenteront ce vendredi d’obtenir son annulation en cour.

La coordonnatrice du groupe, Marie-Ève Maillé, croit que le juge va donner raison aux étudiants. « L’entente est à ce point mauvaise que le juge n’aura pas besoin de réfléchir longtemps. Elle doit être rejetée. Il est le défenseur des intérêts des membres qui sont absents dans une action collective. »

Au cabinet Lambert Avocat, le pilote de ce dossier, MJimmy Ernst Jr. Lambert, n’a pas souhaité répliquer à ces assertions. « Nous ne pouvons légalement commenter l’entente », a-t-il fait valoir par courriel.

Deux dossiers en un

Uber Eats fait face à deux demandes d’action collective au Québec, déposées en décembre 2020 et en juillet 2021 au nom d’une consommatrice, Fay Leung. Les deux causes au nom des milliers d’utilisateurs québécois d’Uber Eats ont été regroupées.

Mme Leung reprochait essentiellement deux pratiques à Uber Eats. Dans une offre de deux pour un, elle a constaté que les frais de 10 % étaient appliqués avant que le prix ne soit réduit de moitié. Elle a ainsi payé 2,40 $ en frais de service sur une livraison de 11,99 $.

Elle a par ailleurs dénoncé le fait que des frais qui n’apparaissaient pas au moment de commander étaient ajoutés à la toute fin du processus. « Le montant des frais de livraison n’était jamais annoncé clairement avant de passer à la caisse », peut-on lire dans sa requête.

Ces deux actions collectives n’ont pas eu à être autorisées par un juge de la Cour supérieure, une entente ayant été conclue en novembre dernier entre Uber Eats et le cabinet Lambert Avocat. Elle a été déposée en cour le 22 décembre. Le juge Pierre-C. Gagnon, de la Cour supérieure, a fixé l’audience pour son approbation ce vendredi 9 h 30.

Dans cette entente, Uber accepte de verser une somme de 55 000 $ en crédit Uber à des organismes de bienfaisance choisis par l’entreprise ; 81 900 $ vont au Fonds d’aide aux actions collectives. Enfin, 63 500 $ servent à payer les avocats représentant le groupe « pour couvrir leurs honoraires, taxes et débours sous réserve de l’approbation de la Cour et des ajustements qui pourraient être requis ».

« Entente à rabais »

Rien n’est prévu pour les utilisateurs d’Uber Eats, note Marie-Ève Maillé. Elle est par ailleurs la seule du groupe d’étudiants de l’Université de Montréal à ne pas recourir aux services de cette entreprise.

C’est ce qu’on peut qualifier d’entente au rabais pour Uber Eats. C’est une entente qui va donner mauvaise presse à l’action collective, alors que c’est un véhicule formidable d’accès à la justice et de dissuasion des comportements répréhensibles des [entreprises].

Marie-Ève Maillé

Dans l’avis d’intention de contestation du règlement de 10 pages rédigé par les étudiants, on dénonce plusieurs irrégularités, notamment le fait qu’on n’a pas évalué les probabilités de succès de l’action collective, que les organismes de bienfaisance seront contraints de recourir aux services d’Uber Eats sous forme de crédits et que les honoraires de 63 500 $, soit 31,75 % du montant total, paraissent « injustifiés ».

On note par ailleurs que la réclamation initiale était de 50 $ par membre. Or, si on se fie au paiement total accepté par Uber de 200 000 $, « le groupe ne serait composé que de 4000 membres [alors qu’ils] se comptent sans aucun doute par dizaines de milliers ».

Ce n’est pas un hasard si la contestation de l’entente regroupe des étudiants en droit : ils en ont fait un exercice appliqué auquel a collaboré dès leur départ leur professeure Catherine Piché. « On était tous les six inscrits dans un séminaire sur les actions collectives cet hiver, raconte Mme Maillé. Quand un collègue et moi avons voulu mener cette contestation, c’est la prof qui est intervenue pour donner un élan. On a eu congé de devoirs pour trois semaines… Ç’a été une excellente façon d’apprendre. »