Endossé par GM et BASF, la filière batteries québécoise a le vent dans les voiles

L’arrivée de General Motors (GM) et du géant allemand BASF dans la filière batteries fait rêver Québec, qui veut convaincre les géants de l’automobile de venir assembler l’élément principal de la batterie des véhicules électriques sur le sol québécois.

Avec la construction de deux usines de matériaux pour cathode – composante névralgique de la batterie au lithium-ion –, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, estime avoir les outils en main pour séduire un fabricant de cellules d’envergure, ce qui n’a pas encore été fait.

« Je pense que l’on va peut-être pouvoir convaincre des compagnies américaines que ce sont des batteries (les cellules) qu’elles devraient exporter du Québec plutôt que les cathodes », a-t-il confié, lundi, en entrevue téléphonique avec La Presse.

Avec le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, M. Fitzgibbon a confirmé le projet d’au moins un demi-milliard de dollars de GM et de la sud-coréenne Posco Chemicals à Bécancour, qui créera 200 emplois. Vendredi dernier, BASF annonçait un projet similaire dans le Centre-du-Québec.

« L’annonce de BASF est vraiment intéressante », dit Michel Jébrak, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM. « Ils ambitionnent 10 % du marché des produits pour les cathodes. »

Le parc industriel et portuaire de Bécancour est l’endroit privilégié par le gouvernement Legault pour développer la filière électrique.

Les cathodes sont considérées comme le pôle positif de la batterie et leurs composants représentent environ 40 % du coût d’une cellule, selon GM. Les anodes constituent le pôle négatif d’une batterie au lithium-ion.

BASF et GM arriment l’écosystème québécois à la chaîne d’approvisionnement nord-américaine, selon MM. Fitzgibbon et Champagne, qui promettent que d’autres « bonnes nouvelles sont à venir ». Les deux ordres de gouvernement affirment être en discussion avec des celluliers.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Ce qui est nouveau, c’est que l’on s’insère dans une chaîne d’approvisionnement nord-américaine où nous n’étions pas. Croyez-moi […], c’est assez complexe. Ces nouvelles-là [BASF et GM] font le tour du monde.

François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

La stratégie de Québec ambitionne d’attirer des acteurs de toutes les étapes, de la mine au module de batteries.

Du pain sur la planche

Les spécialistes des cellules s’établissent généralement à proximité des usines exploitées par les grands constructeurs automobiles. Même si le Québec n’abrite aucune usine d’assemblage de véhicules, M. Fitzgibbon n’a pas jeté l’éponge.

« Je n’ai pas renoncé à ce que l’on puisse faire des cellules pour le marché américain, dit-il. Transporter une cellule du Québec, je vais argumenter que l’on peut faire cela de façon efficace. »

Présidente-directrice générale de Propulsion Québec, Sarah Houde abonde dans le même sens. Elle estime que BASF et GM sont les « chaînons manquants » pour permettre au Québec d’être un « joueur critique » dans le créneau des cellules.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec

Il y a une proximité avec l’Ontario et le Michigan. Il y a une masse critique de voitures produites dans ces deux régions, et nous sommes proches. Une cellule, ce n’est pas une matière dangereuse, on peut la transporter.

Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec

À plus petite échelle, il pourrait y avoir des projets pour les créneaux des véhicules commerciaux (autobus urbains et camions) ainsi que récréatifs (motoneiges et motomarines), où le Québec est très présent, affirme M. Fitzgibbon.

Deux celluliers ont jusqu’à présent mis leurs cartes sur la table. Britishvolt, dont l’antenne canadienne est dirigée par l’ex-premier ministre québécois Philippe Couillard, privilégie déjà Bécancour pour son projet.

« Pour un fabricant de batteries, tout développement allant dans le sens d’un écosystème […] est une nouvelle positive », a-t-il indiqué dans un courriel à La Presse.

Stromvolt, établie en Ontario, considère aussi le Centre-du-Québec pour l’usine qu’elle souhaite construire.

Prêts-subventions

GM, Québec et Ottawa ont été avares de détails à propos du soutien financier qui sera accordé au géant américain. M. Fitzgibbon a expliqué que, pour des projets « structurants », le gouvernement Legault pourrait financer de 20 à 25 % du projet – jusqu’à 125 millions – par l’entremise de prêts-subventions. Ottawa devrait opter pour une approche similaire, selon M. Champagne.

Si certains objectifs sont atteints, notamment en matière de création d’emplois, une partie du prêt se transformera en subvention. Ce modèle avait été retenu pour l’usine de batteries et le centre d’innovation construits par la Compagnie électrique Lion à Mirabel, dans les Laurentides.

L’usine de GM et Posco servira à répondre aux besoins du géant de Detroit. BASF pourra vendre ses cathodes à une clientèle plus diversifiée.

« Nous aurons l’occasion de prendre de l’expansion et nous espérons [avoir l’occasion] d’en parler », a affirmé le président et directeur général de GM Canada, Scott Bell, qui participait à l’annonce en visioconférence.

La construction de l’usine de GM et Posco devrait s’amorcer cette année, et la production devrait commencer en 2025. Les matériaux seront destinés à électrifier trois modèles en particulier : la camionnette Chevrolet Silverado et les VUS GMC Hummer et Cadillac Lyriq.

François-Philippe Champagne au sujet de…

L’usine canadienne de Moderna

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Stéphane Bancel, PDG de Moderna

Le géant pharmaceutique Moderna n’a toujours pas indiqué où il implantera son usine canadienne de vaccins, convoitée par le Québec et l’Ontario. « Ça avance très bien, j’ai parlé au président-directeur général [Stéphane Bancel] la semaine dernière », a dit le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, interrogé lundi. « Je dirais que le Québec est en bonne position. » Celui-ci n’a pas voulu aller plus loin. Moderna s’est inscrit au Registre des lobbyistes du Québec la semaine dernière, pour solliciter un éventuel appui financier de Québec.

L’ombre de la Russie sur l’achat de Sunwing par WestJet

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA

L’oligarque russe Alexeï Mordachov contrôle 34 % du géant allemand TUI, qui possède 49 % de Sunwing.

La possibilité que le plus riche des oligarques russes devienne indirectement actionnaire de WestJet si l’achat de Sunwing se concrétise préoccupe le gouvernement Trudeau. La transaction doit « définitivement » être scrutée de près, selon M. Champagne. « C’est sûr que cela demande de porter une attention particulière », a-t-il dit. La Presse a révélé qu’Alexeï Mordachov contrôle 34 % du géant allemand TUI, qui possède 49 % de Sunwing. L’homme d’affaires est visé par des sanctions dans l’Union européenne, mais pas au Canada.

La flambée du prix de l’essence

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser le prix à la pompe.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait exploser le prix à la pompe. « J’ai saisi le Bureau de la concurrence pour leur demander de mettre des équipes en place pour s’assurer qu’il n’y ait pas de collusion », a affirmé M. Champagne. Le prix à la pompe a franchi le seuil symbolique des 2 $ dans certaines stations-service de Montréal, le week-end dernier.

Avec La Presse Canadienne

Pas de BAPE en vue

General Motors entend commencer la construction de son usine de cathodes d’un demi-milliard de dollars d’ici la fin de l’année, un échéancier serré. Les projets industriels de cette envergure sont d’habitude soumis au regard inquisiteur du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), ce qui prend du temps. En conférence de presse, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a indiqué que le travail fait en amont sur la caractérisation des terrains du parc industriel de Bécancour facilitait ce mode de réalisation en accéléré. Au cabinet du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, on précise que l’usine de cathodes de GM ne sera probablement pas assujettie au BAPE en raison de sa capacité de production.
Au BAPE, on mentionne qu’il existe 38 catégories de projet assujetties au Règlement relatif à l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement de certains projets. «C’est le ministère de l’Environnement qui est responsable de l’application de la procédure d’évaluation et d’examen lorsqu’un projet y est assujetti. Cette procédure exige de l’initiateur la réalisation d’une étude d’impact environnemental et c’est après que cette étude ait été jugée recevable par le ministère de l’Environnement que le BAPE entre en jeu», explique-t-on au BAPE.

André Dubuc, La Presse

En savoir plus
  • 2002
    GM avait fermé son usine d’assemblage de Boisbriand à l’été 2002. Avec son usine de matériaux de cathode, le géant américain revient au Québec.
    10
    Le plan du gouvernement Legault prévoit des investissements pouvant atteindre 10 milliards pour développer la filière batterie.
    GOUVERNEMENT DU QUÉBEC