(New York) Un nouvel accord sur la faillite du laboratoire Purdue, accusé d’avoir alimenté la crise des opiacés aux États-Unis, a été conclu jeudi avec les États encore réticents, la famille possédant le groupe acceptant de verser jusqu’à 6 milliards de dollars.

Cet accord, qui doit encore être approuvé par un juge des faillites, prévoit toujours une certaine immunité pour les membres de la controversée famille Sackler. Mais il relève le montant qu’ils acceptent de payer.

TRANSMISSION DES AUDIENCES, CONGRÈS AMÉRICAIN, VIA ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Cette image tirée de la télédiffusion des audiences du Congrès américain montre David Sackler, un membre de la famille qui possède Purdue Pharma, témoignant par vidéo le 17 décembre 2020.

Une précédente version du plan de faillite, présentée l’été dernier, avait été rejetée par neuf États.

L’accord, arguaient-ils, ne permettait pas aux victimes de se faire entendre et d’éventuellement porter plainte contre les Sackler au civil. Les membres de la famille peuvent toujours faire l’objet de poursuites pénales.

Pour convaincre les États récalcitrants, la famille Sackler a finalement accepté de payer au moins 5,5 milliards de dollars sur 18 ans et jusqu’à 6 milliards de dollars en fonction de la vente des activités du laboratoire à l’étranger.

Elle avait jusqu’à présent proposé de verser 4,3 milliards, en plus de 225 millions déjà payés au ministère de la Justice.

« Cet accord est à la fois important et insuffisant », a réagi le procureur du Connecticut, qui s’était opposé au premier plan.

Mais l’État « ne peut pas bloquer ce processus indéfiniment dans la mesure où les victimes et les autres États attendent une résolution », a-t-il ajouté.

Audience publique

D’autres entreprises ont été accusées d’avoir alimenté la crise des opiacés et la flambée d’overdoses qu’elle a entrainée : plus de 500 000 morts aux États-Unis en vingt ans.

Mais il est reproché à Purdue d’avoir été le premier laboratoire à pousser le corps médical à sur-prescrire l’Oxycontin à partir des années 90, tout en connaissant le pouvoir addictif de ce puissant anti-douleur.  

Le laboratoire s’était déclaré en cessation de paiements en septembre 2019 pour solder l’avalanche de litiges à son encontre et avait alors accepté de plaider coupable.  

Révisé plusieurs fois, le plan de faillite prévoit que l’entreprise Purdue en elle-même ferme ses portes d’ici 2024 aux États-Unis au profit d’une nouvelle entité gérée par une fiducie.  

Outre la vente d’OxyContin à des fins « légitimes », elle doit fournir, gratuitement ou à prix coûtant, des médicaments anti-overdose et des traitements contre la dépendance aux opiacés.

Le plan de faillite interdit également aux membres de la famille Sackler de s’impliquer dans toute autre activité liée aux opiacés.

Une juge américaine avait invalidé en décembre ce plan, estimant que le juge des faillites qui avait entériné l’accord en septembre n’avait pas l’autorité pour empêcher d’éventuelles futures poursuites au civil contre les membres de la famille.  

Purdue a fait appel et la procédure va suivre son cours, sans empêcher a priori le nouvel accord d’être mis en œuvre.

Dans un message joint à l’accord, la famille Sackler rejette une nouvelle fois toute responsabilité juridique, estimant que ses membres « ont agi conformément à la loi sous tous ses aspects ».  

Ils y disent toutefois « regretter sincèrement » que l’OxyContin « ait de façon inattendue fait partie de la crise des opiacés », rare reconnaissance publique du potentiel rôle du médicament dans la crise sanitaire.

La famille, un temps réputée pour ses dons philanthropiques, a aussi accepté de ne pas s’opposer au retrait de son nom des bâtiments ou bourses qu’elle a aidé à financer.

Des institutions comme le célèbre Metropolitan Museum of Art de New York, désireuses de couper les ponts avec un symbole sulfureux, avaient déjà effacé le nom de la famille de plusieurs galeries.

Le médiateur nommé début janvier pour conduire les négociations entre les différentes parties a aussi fortement encouragé le juge des faillites à forcer la famille à participer à une audience publique au cours de laquelle pourraient s’exprimer des victimes ou leurs proches.

De nombreuses procédures liées à la crise des opiacés ont été lancées et, après plusieurs années de pourparlers, et parfois des procès, parviennent peu à peu à des résolutions.  

Le fabricant de médicaments Johnson & Johnson (J & J) et trois grands distributeurs, McKesson, AmerisourceBergen et Cardinal Health, ont ainsi récemment accepté de verser 24,5 milliards de dollars en tout pour mettre fin aux poursuites à leur encontre.