(Londres) Le géant pétrolier britannique BP a dévoilé mardi des bénéfices bien meilleurs qu’attendu, faisant grincer des dents syndicats, ONG et opposition politique au Royaume-Uni en pleine flambée des factures énergétiques des consommateurs.

Grâce à la reprise économique et l’envolée du prix des hydrocarbures, le bénéfice net part du groupe ressort à 7,6 milliards de dollars, contre une perte colossale de 20,3 milliards en 2020 à cause du choc de la pandémie de COVID-19.

Le chiffre d’affaires a, lui, bondi de 49 % sur un an à 157,7 milliards de dollars d’après un communiqué mardi.

« 2021 a montré que BP faisait ce que nous avions dit que nous ferions : afficher une bonne performance tout en nous transformant », a assuré le directeur général Bernard Looney, cité dans le communiqué, qui a présenté en parallèle un plan d’accélération de la transition énergétique du groupe.

Son concurrent Shell avait dévoilé la semaine dernière des bénéfices impressionnants pour 2021 à 20,1 milliards de dollars, faisant monter les appels à une taxe exceptionnelle au Royaume-Uni sur les géants pétroliers pour aider les ménages modestes face à une inflation galopante. BP et Shell s’y opposent.

« Ces bénéfices sont une gifle pour les millions de gens qui redoutent leur prochaine facture d’énergie », a fustigé Greenpeace mardi. « BP et Shell empochent des milliards grâce à la crise des prix du gaz […] Ces mêmes entreprises sont responsables d’amener notre monde plus près de la catastrophe climatique », a dénoncé l’ONG écologiste.

« Se serrer la ceinture »

Le syndicat Unite, quant à lui, souligne qu’au Royaume-Uni, le plafond des prix énergétiques pour les consommateurs modestes a « bondi de 54 % et les compagnies sont contentes, car seuls les consommateurs doivent se serrer la ceinture ».

Il fait valoir qu’en France, « les hausses des factures d’électricité ont été plafonnées à 4 % et EDF doit passer une charge de 7 milliards de livres pour que les gens ordinaires ne voient pas leur facture s’envoler ».

Tout au long de 2021, le secteur pétrolier a bénéficié de la montée des prix du brut, tombés jusqu’en territoire négatif au printemps 2020.

Ils sont repassés au-dessus du seuil de 90 dollars le baril en janvier, dopés notamment par les tensions géopolitiques autour de l’Ukraine.

Dans son plan de transformation dévoilé mardi, BP dit vouloir devenir une entreprise intégrée d’énergie avec cinq moteurs de croissance : bioénergie, magasins dans ses stations-service, chargement de véhicules électriques, énergies renouvelables et hydrogène.

La pétrolière prévoit de « réduire les émissions de gaz polluants provenant de ses opérations de 50 % d’ici 2030 contre 30 à 35 % visés auparavant, à horizon 2050 ».

Elle veut également augmenter la part de ses investissements dans les activités de transition à plus de 40 % d’ici 2025 et vise environ 50 % d’ici 2050.

BP vise aussi « la neutralité carbone sur tout le cycle de vie des produits qu’il vend d’ici 2050 » alors que jusqu’à présent il comptait « sur une réduction de 50 % de leur intensité d’émissions ».

Demi-teinte

Le géant pétrolier a annoncé il y a deux ans qu’il comptait atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, mais a toutefois prévenu qu’il restait focalisé sur son « portefeuille de pétrole et de gaz sur la prochaine décennie ».

Dans son communiqué mardi, BP rappelle ainsi le lancement d’un nouveau projet offshore en Angola (Platina), « le septième gros projet lancé cette année ».

Les majors pétrolières soutiennent que leurs activités traditionnelles d’hydrocarbures sont essentielles pour financer la transition énergétique.

Les ONG écologistes ont eu une réaction en demi-teinte. « La science du climat a montré qu’il ne devrait y avoir aucun nouveau projet de développement de pétrole et gaz pour rester dans la limite de 1,5 degré d’une hausse dangereuse de température », fait valoir Friends of the Earth dans un communiqué.

« Nous devons réformer notre système énergétique pour mettre fin à notre dépendance au gaz et au pétrole » en accélérant l’investissement dans les renouvelables et l’efficience énergétique, ajoute l’ONG.

Greenpeace, de son côté, reconnait que BP est « le plus ambitieux des géants pétroliers » pour sa transition « mais il n’est plus possible de résoudre ce problème une entreprise à la fois. […] Les gouvernements doivent intervenir », estime-t-il.

Le premier ministre britannique ne semble pas sur cette ligne. Concernant une éventuelle taxe exceptionnelle, un de ses porte-parole s’est contenté de dire mardi que les entreprises « ayant de bons résultats paieraient plus d’impôts » sur le revenu ou sur les sociétés.

« Le secteur du pétrole et gaz va continuer à jouer un rôle important pendant la transition » énergétique et « investit dans les technologies propres […] dont nous avons besoin pour parvenir à la neutralité carbone », a ajouté ce porte-parole.