Il sera difficile d’être rentable avant plusieurs mois, estiment les restaurateurs

L’heure du premier service a sonné, lundi, dans les salles à manger du Québec, après une fermeture d’un mois. Bien que restaurateurs et distributeurs se réjouissent de la reprise des activités, plusieurs propriétaires, qui s’attendent à un début plus « mollo », calculent ne pas pouvoir renouer avec la pleine rentabilité avant plusieurs mois, puisque des restrictions les obligent à réduire de moitié leur capacité d’accueil.

Pour la plupart des régions du Québec, il s’agit d’une troisième réouverture en deux ans. Encore cette fois-ci, la pénurie de main-d’œuvre s’ajoute aux difficultés.

« C’est certain que les enjeux au niveau de la rentabilité sont là. On paie 100 % des coûts fixes, même si on est à 50 % de capacité », rappelle Benjamin Chèvrefils, vice-président du Groupe ZIBO ! (restaurants ZIBO ! et Vertigo), dont les 10 établissements sont situés dans la grande région de Montréal.

« Oui, ça va être mollo », admet M. Chèvrefils, ajoutant dans la foulée qu’il souhaitait tout de même ouvrir le plus rapidement possible. « Si le gouvernement arrête de jouer au yo-yo et qu’il nous laisse ouverts, je pense que quand les terrasses vont rouvrir, on devrait être capables d’atteindre la rentabilité. Le nerf de la guerre, c’est d’arrêter de fermer, ouvrir, fermer, ouvrir. »

On n’est pas faits pour ouvrir à 50 %. Ce matin [lundi], on avait des restaurants pleins. Tu refuses des clients au premier matin.

Pierre-Marc Tremblay, propriétaire et président du conseil d’administration de Pacini

À l’Association Restauration Québec (ARQ), le vice-président aux affaires publiques et gouvernementales, Martin Vézina, rappelle lui aussi qu’une capacité d’accueil réduite ne diminue pas tous les coûts dans la même proportion. « Le loyer va rester le même, peu importe le nombre de chaises. En cuisine, on va essayer de garder l’ensemble du personnel pour ne pas le perdre. Les cuisiniers sont une denrée rare. À 50 %, c’est sûr que c’est très difficile d’être rentable, ajoute-t-il. On va essayer d’arriver à coûts nuls. Il y a des restaurants que leur carnet de réservations pour la Saint-Valentin est assez plein, mais il y a une limite de capacité, donc ça se remplit plus vite. »

Selon M. Vézina, certains restaurateurs peuvent « arriver à être profitables » grâce aux livraisons et aux commandes pour emporter.

« Ça nous aide beaucoup », confirme Peter Mammas, président de Foodtastic, groupe qui possède notamment La Belle et la Bœuf, les rôtisseries Benny, Au Coq et Fusée. Il affirme par ailleurs que, avec les mesures sanitaires actuelles, son groupe atteindra 80 % de son chiffre d’affaires. Il y a bien sûr les plats à emporter, mais M. Mammas affirme également que traditionnellement, ses salles à manger n’étaient jamais pleines en début de semaine et que ce sont surtout les jeudis, vendredis et samedis à 50 % de capacité qui font une différence.

« C’est sûr que c’est plus facile [quand on fait des commandes pour emporter] », croit également Josée Vaillancourt, directrice des communications du Groupe St-Hubert. « Mais ce n’est jamais aussi rentable que d’avoir une salle à manger pleine. »

Attablés au restaurant, les clients sont davantage portés à s’offrir des extras : entrée, verre de vin, dessert. « C’est ça qui devient intéressant pour les restaurateurs. »

Elle souligne néanmoins que le rappel des employés permettant à tout le monde « de se remettre dans le bain » compte parmi les points positifs de cette réouverture.

Début lent chez les distributeurs

Du côté des distributeurs, le téléphone a évidemment recommencé à sonner depuis que le gouvernement Legault a donné le feu vert aux restaurateurs. Cette fois-ci, toutefois, les choses semblent se faire plus en douceur. « C’est la moins violente des trois réouvertures », soutient Guillaume Dubois, président régional du distributeur Sysco Grand Montréal. Son entreprise compte au Québec plus de 3000 clients dans le secteur de l’hôtellerie, de la restauration et des institutions (HRI).

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Guillaume Dubois, président régional du distributeur Sysco Grand Montréal

« Il y a eu une augmentation notable du volume des demandes des restaurateurs, assure-t-il, mais je dirais que c’est la moins grande augmentation qu’on a eue. »

Lors des dernières ouvertures, Sysco avait enregistré une hausse d’environ 20 % à 25 % des commandes, alors que cette fois, elles ont augmenté de 10 % à 20 %. Les produits frais et les aliments destinés à la préparation des déjeuners sont particulièrement demandés.

« En restauration, après les Fêtes et jusqu’au mois de mars, c’est la période la moins occupée, précise M. Dubois pour expliquer un retour aux activités plus tranquille. Et il y a certains restaurateurs qui ont décidé de repousser leur réouverture. La saison haute de la restauration commence au mois de mai. »

Martin Vézina, de l’ARQ, mise lui aussi sur la saison estivale, à condition que le gouvernement procède à certains allègements et permette que l’on ajoute des tables. « Si on opère avec un modèle à 50 % de capacité, oui, ça va être long avant de revenir à une rentabilité. L’inflation alimentaire va continuer pendant combien de temps ? Est-ce qu’on va avoir encore des troubles avec la chaîne d’approvisionnement ? Est-ce qu’on va avoir assez d’employés pour avoir la capacité de générer les ventes requises ? Il y a des inconnues qui demeurent. »