(Washington) Qatar Airways a passé lundi une mégacommande à Boeing de la version cargo de son nouveau gros-porteur 777X, sur lequel le constructeur mise pour défendre ses positions dans le secteur du fret face à Airbus, ainsi que de son avion-vedette, le 737-MAX.

La compagnie, qui a officialisé cet accord à l’occasion d’une visite de l’émir du Qatar à la Maison-Blanche, s’est engagée à acheter 34 777-8 Freighter et a posé une option sur 16 appareils supplémentaires.  

Le contrat vaut plus de 20 milliards de dollars au prix catalogue et représente la plus grosse commande jamais reçue par le constructeur pour des avions destinés au fret.

Qatar Airways a aussi signé lundi une lettre d’intention portant sur la commande de 25 monocouloirs 737 MAX dans sa version la plus grande, le 737-10, assortie d’une option pour 25 appareils supplémentaires. L’engagement s’élève à près de 7 milliards de dollars au prix catalogue, souvent plus élevé que le prix réel payé par les clients après négociations.

L’annonce marque une déconvenue pour Airbus, en conflit ouvert avec la compagnie qatarie qui lui reproche des défauts sur ses A350 passagers.  

Qatar Airways a cloué au sol une partie de sa flotte de A350 en raison d’une dégradation de la surface des fuselages et poursuit Airbus en justice pour obtenir réparation.  

Le constructeur a répliqué vertement en annulant récemment un contrat portant sur 50 monocouloirs A321neo.  

Airbus a aussi lancé l’été dernier une version cargo de son A350 en espérant mieux concurrencer Boeing sur le marché du transport de marchandises.  

Le constructeur européen, qui laissait jusqu’à présent les coudées franches à son concurrent et ses B747, B767 et B777, a reçu 11 commandes fermes et 11 intentions d’achat à ce stade.

Bouffée d’air

Pour Boeing, il s’agit d’une bouffée d’air.  

La commande de 50 versions cargo du 777X « représente deux années pleines sur les chaînes de production », a souligné son directeur général, Dave Calhoun, à l’occasion de la cérémonie de signature à la Maison-Blanche.  

Elle devrait soutenir plus de 35 000 emplois aux États-Unis et apporter 2,6 milliards de dollars par an à l’économie américaine le temps du contrat. Les premières livraisons sont prévues pour 2027.

La version cargo du 777X, qui sera construite à l’usine d’Everett dans l’ouest des États-Unis, « répondra à un besoin important dans la chaîne d’approvisionnement », a-t-il aussi souligné.

L’avion pourra voler jusqu’à 8167 kilomètres et transporter jusqu’à 118 tonnes, en utilisant moins de carburant que des appareils actuellement en service.

Il représente pour Boeing le premier lancement d’un avion commercial en bientôt cinq ans et un coup de pouce au programme du 777X, le plus gros biréacteur au monde lancé en 2013.

Les premières livraisons des versions passagers de l’appareil étaient initialement prévues en 2020, mais ont été repoussées à plusieurs reprises et sont désormais attendues fin 2023.

L’accord annoncé lundi inclut d’ailleurs la conversion de 20 des 60 commandes de 777X passées par Qatar Airways.  

Boeing a certes vu ses livraisons commencer à se redresser en 2021 après deux années de disette liées aux déboires de son avion-vedette, le 737 MAX, et à la pandémie.  

Mais il doit aussi gérer la suspension des livraisons du long-courrier 787 Dreamliner, en proie depuis l’été 2020 à des problèmes de production, qui lui a coûté jusqu’à présent 5,5 milliards de dollars.  

En lançant une version cargo du 777X, Boeing tente de profiter de l’actuelle envolée du fret aérien, porté par la montée en puissance du commerce en ligne et la congestion dans le transport maritime.  

Ce segment constitue une source de revenus bienvenue alors que les commandes de gros avions de passagers sont sinistrées par l’épidémie de COVID-19 et la chute des vols internationaux.

Boeing a enregistré en 2021 un nombre record de commandes pour des avions-cargos, nouveaux ou convertis.  

Lancer une version cargo d’un appareil encore en développement, le 777X, est toutefois très inhabituel, relève Richard Aboulafia, spécialiste du secteur aéronautique pour le cabinet AeroDynamic. Boeing « envoie peut-être le mauvais message » en suggérant que le groupe pourrait se concentrer plus sur cette version cargo, avance-t-il.