« Celle-là, je ne la comprends pas. C’est une mauvaise décision. C’est un non-sens, c’est injuste, c’est arbitraire, ce n’est pas appuyé par la science », a lancé sans détour Paul-André Goulet, propriétaire de 10 magasins Sports Experts, à la suite de la décision du gouvernement d’imposer, à partir du 24 janvier, le passeport vaccinal aux clients des commerces de plus de 1500 m⁠2, dont ceux d’enseignes comme Canadian Tire, Costco ou Walmart.

Également déçues par cette annonce, les associations représentant l’industrie du commerce de détail se sont toutefois dites soulagées que les plus petits magasins soient épargnés par cette nouvelle règle. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain appuie toutefois cette initiative. Les épiceries et les pharmacies n’auront pas, de leur côté, à demander le passeport vaccinal aux consommateurs.

Aucun représentant de Canadian Tire, Costco ou Walmart n’a rappelé La Presse pour commenter la situation. Dans le cas de M. Goulet, ce sont 9 de ses 10 magasins qui « tombent en VaxiCode ». « Là, on va se retrouver avec des non-vaccinés qui vont nous dire qu’ils n’ont plus de manteau d’hiver et que ça leur en prend absolument un. On va leur dire qu’ils n’ont pas le droit d’entrer, mais s’ils vont dans un plus petit magasin, là, ils vont avoir le droit. C’est totalement inéquitable. Il n’y a aucun raisonnement économique derrière ça. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Paul-André Goulet, propriétaire de 10 magasins Sports Experts

Paul-André Goulet appréhende le mécontentement de certains clients à l’égard de cette mesure. Pour y faire face, il devra engager des gardiens de sécurité chargés de « gérer les cas problèmes ». M. Goulet, qui a plusieurs fois rappelé son incompréhension, a également du mal à s’expliquer pourquoi on s’attaque aux grandes surfaces, « sachant que plus le magasin est grand, plus on est capable d’avoir de la distanciation [physique], d’avoir une meilleure aération ».

À ce sujet, David Larivière, vice-président exécutif des magasins de meubles et d’électroménagers Germain Larivière, avait le même questionnement. Dans ses trois magasins qui font entre 7800 m⁠2 et 11 600 m⁠2, il y a rarement 100 clients à la fois. « Ce n’est pas comme une épicerie. On n’a pas de grandes heures d’affluence, illustre-t-il. On ne va pas chaque semaine s’acheter un nouveau set de salon. »

« Arbitraire »

Du côté des quincailleries, ce sont environ 120 centres de rénovation sur un total de 820 qui seront tenus de scanner le code QR de leurs clients, selon les chiffres de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT). Certains magasins Home Hardware, Rona et BMR seront notamment touchés par cette mesure.

« On trouve que c’est arbitraire, peu importe où [le gouvernement] trace la ligne, affirme également Richard Darveau, président et chef de la direction de l’AQMAT. Sur quelle base, sur le plan scientifique, le gouvernement se dit qu’à partir de 1500 m⁠2, c’est pire ? On n’est pas dans la science, on est dans la politique. »

Selon lui, les risques de propagation pourraient augmenter pendant que les clients font la queue en attendant de montrer leur passeport. « C’est là que va se créer la contagion, car il faudra les faire attendre. »

« On a des inquiétudes sur la gestion des files d’attente et sur la pression mise sur le personnel, a pour sa part affirmé Michel Rochette, président pour le Québec du Conseil canadien du commerce de détail. Ce qu’on aurait souhaité, c’est que les commerces ne servent pas à envoyer un signal aux non-vaccinés. »

Jusqu’à la toute dernière minute, Jean-Guy Côté, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, espérait également que le gouvernement revienne sur son idée de passer par les magasins pour inciter les non-vaccinés à relever leur manche. « Mais là, l’enjeu va être technologique. Il va falloir trouver des appareils pour scanner [les passeports]. C’est la prochaine étape. »

Selon un article paru dans Le Journal de Montréal, la Société des alcools du Québec, qui imposera le passeport vaccinal à partir du 18 janvier, enverra des appareils dans ses succursales afin de permettre aux employés de vérifier le passeport des clients.