Alors que le gouvernement Legault travaille sur un plan qui viserait à exiger le passeport vaccinal pour entrer à la Société des alcools du Québec (SAQ) et à la Société québécoise du cannabis (SQDC), plusieurs autres commerçants pensent qu’ils seront les prochains sur la liste. Cette possibilité est toutefois considérée comme étant « difficilement applicable » par le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD).

« J’ai l’impression que c’est la prochaine étape. Je pense que c’est juste une question de temps », affirme Anne Lespérance, propriétaire des boutiques de vêtements Belle et Rebelle et Ananas & Bananas, à Montréal.

En conférence de presse la semaine dernière, le premier ministre du Québec, François Legault, n’a pas caché son intention de trouver des mesures visant à convaincre les non-vaccinés de relever leur manche.

Bien qu’elle ait l’intention de se conformer à cette nouvelle restriction, si Québec l’impose, Mme Lespérance affirme que celle-ci viendra alourdir la tâche des commerçants, grandement affectés par la pénurie de main-d’œuvre. Elle souhaiterait que l’on trouve le moyen de cibler directement les gens qui n’ont pas reçu de vaccin plutôt que de mettre en place des mesures qui, selon elle, « pénalisent tous les autres ».

« Comme pas mal toutes les décisions du gouvernement, ça incombe aux entreprises de se démerder du jour au lendemain quand les annonces tombent, juge-t-elle. Un commerce, c’est un peu plus compliqué. Les gens vont et viennent. Des fois, les gens rentrent pour trois minutes et ressortent. »

Sur le Plateau Mont-Royal, Manon Gauthier, vice-présidente du magasin de chaussures Tony Pappas, estime que si la nouvelle mesure entre en vigueur, elle sera plus facile à gérer à cette période-ci de l’année, puisqu’il y a moins d’achalandage en janvier et février. Par contre, au printemps, les files d’attente risquent de s’allonger, prévient-elle.

De son côté, le président du CCCD pour le Québec estime que la vérification du passeport vaccinal est une responsabilité beaucoup trop lourde pour de jeunes travailleurs qui, postés à la porte, devraient affronter des clients parfois mécontents.

« Ce sont des employés qui devront expliquer ça aux clients, rappelle Michel Rochette. On mettrait tout ça dans les mains de quelques employés à qui on demanderait, sans outil particulier autre que leur téléphone personnel, de gérer les passeports vaccinaux. Les commerçants, présentement, sont à bout de souffle pour maintenir à flot juste assez de personnel pour gérer l’approvisionnement et un service à la clientèle minimal. S’ajoutent à ça les files d’attente que les employés doivent gérer. »

M. Rochette note aussi que toute la notion de commerce essentiel – où les consommateurs ne seraient pas tenus de montrer patte blanche – sera difficile à définir. « Quels commerces vont être considérés comme essentiels ou non ? J’imagine que [le gouvernement] ne pourrait pas étendre cette obligation-là aux commerces d’alimentation. »

Le CCCD discute régulièrement avec Québec depuis le début de la pandémie. Michel Rochette est toutefois demeuré discret sur la teneur de ces échanges. Que s’est-il dit à propos du passeport vaccinal ? « Les messages que [j’envoie] maintenant ont assurément été donnés au gouvernement », a-t-il répondu.

Au Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), le directeur général Jean-Guy Côté ne serait pas surpris lui non plus que le gouvernement impose le passeport aux clients de certains magasins, ce qui viendrait amplifier le problème de main-d’œuvre. Il rappelle qu’il y a actuellement plus de 25 000 postes à pourvoir dans le secteur au Québec. « On n’est pas mal dans les limites supérieures », dit-il.