Laurent Ferreira arrive aux commandes de la Banque Nationale avec un certain nombre de défis à relever. Il sera possiblement en poste pour les huit à dix prochaines années, et son empreinte commencera à se faire sentir bientôt.

Celui qui a officiellement pris la relève de Louis Vachon en novembre dernier entend diriger dans un esprit de continuité à un moment où le secteur bancaire se transforme et que la pandémie accélère certains changements.

Le rôle d’un chef d’entreprise étant notamment de déterminer le potentiel de croissance des revenus à long terme, Laurent Ferreira précisera les orientations stratégiques de la Banque Nationale le 10 janvier, lorsqu’il prendra la parole à l’occasion de la conférence annuelle des chefs de direction des banques canadiennes organisée par RBC Marchés des Capitaux.

Le PDG de 51 ans discutera du plan d’affaires de l’organisation pour les trois années à venir. Il devrait notamment être question des investissements que l’organisation doit faire à l’interne pour renforcer l’« expérience employé » et la culture d’entreprise, et des investissements en technologies dans une optique d’accélération de la transformation numérique des activités (processus, services clients, etc.).

Le nouveau patron devrait aussi discuter de certains vecteurs de croissance, dans le secteur commercial, par exemple, ainsi qu’en gestion de patrimoine.

Du côté environnemental, la Banque Nationale a certainement le défi de rendre plus vert son portefeuille de prêts. L’organisation n’est toujours pas immunisée contre un nouveau choc qui pourrait secouer le secteur de l’énergie.

Les prêts de la banque aux entreprises du secteur pétrole, gaz et pipelines comptent aujourd’hui pour environ 2,4 % de l’ensemble du portefeuille de prêts. L’exposition directe de l’institution financière à cette industrie se chiffre à 4,3 milliards de dollars.

La banque ne finance pas les grandes entreprises des sables bitumineux, mais plutôt les entreprises de l’écosystème leur fournissant la quincaillerie.

Historiquement, les nouveaux PDG de banques mettent leurs équipes en place à leur arrivée. Laurent Ferreira voudra assurément s’entourer en fonction du plan stratégique qu’il entend exécuter.

En début de mandat, un PDG veut généralement faire sa marque et établir son leadership.

Les gestes que Laurent Ferreira fera en 2022 aideront à comprendre dans quelle direction il souhaite orienter la banque.

Est-ce qu’il voudra réaliser des acquisitions et des investissements ou boucler des transactions ? Son prédécesseur Louis Vachon en a annoncé plusieurs durant sa présidence. Même relativement petites, certaines transactions peuvent marquer l’imaginaire (la banque est notamment devenue actionnaire du Groupe CH durant la présidence de Louis Vachon).

L’évolution de la relation avec les entreprises de technologies financières sera intéressante à suivre. Un investissement majeur de plus de 100 millions a été réalisé l’été dernier dans la fintech montréalaise Flinks.

C’est le plus important investissement du portefeuille de capital de risque de l’institution financière québécoise. Sous le précédent régime, la Banque Nationale a aussi élargi un partenariat avec Lending Club et augmenté sa participation à 100 % dans Credigy, deux autres fintechs.

À l’international, la Banque Nationale a effectué plusieurs investissements dans les marchés émergents ces dernières années. Une banque au Cambodge est devenue propriété de la Banque Nationale à 100 %. Sous la direction de Laurent Ferreira, il faut s’attendre à ce que la banque se départe finalement de ses investissements en Afrique, et peut-être aussi de ceux en Mongolie, qui ne sont pas considérés comme « centraux » dans la stratégie internationale.

L’organisation a pris une stratégie bien différente de celle des autres grandes banques en se tournant vers les pays émergents. L’idée était de saisir une occasion de croissance.

L’achat d’une banque au Cambodge n’a pas été effectué pour que la Banque Nationale devienne une banque internationale présente dans de nombreux pays, mais pour s’inspirer du modèle de la banque super régionale très concentrée sur le Québec et certains secteurs et régions du Canada. L’objectif avoué avec Louis Vachon était de répliquer ce modèle super régional dans des territoires étrangers connaissant une forte croissance.

Il faut s’attendre à ce que Laurent Ferreira apporte une approche différente. Au lieu de parler d’une banque super régionale très concentrée sur le Québec et certains secteurs et régions du Canada, des clients commerciaux de la banque ont déjà commencé à l’entendre parler d’une banque pancanadienne avec des assises fortes au Québec.

S’il ne faut pas décoder une intention d’ouvrir des succursales partout au pays, il faudra voir comment la banque peut faire mieux au pays dans les niches où elle a acquis une expertise, sur le plan agricole, notamment.

Il faudra également voir comment le service aux particuliers va se redéfinir. Si les succursales demeurent très importantes dans le modèle d’affaires de la banque, l’aspect transactionnel a beaucoup moins d’importance aujourd’hui.

Une occasion d’affaires se présente avec l’« open banking », et la Banque Nationale voudra en profiter. Bien organisée, la Nationale pourrait aller chercher des clients chez les concurrents en passant à l’offensive.

L’« open banking » fait référence à un système bancaire ouvert donnant le pouvoir au consommateur, qui aura ainsi accès à plusieurs offres bancaires pour un même service. Pour renouveler une hypothèque, par exemple, une banque pourra faire une offre en voyant qu’une échéance hypothécaire arrive. Le fédéral est en réflexion sur le contexte réglementaire entourant l’« open banking ».