(Paris) « Tout va bien » : après une année 2020 calamiteuse, les géants du pétrole et du gaz engrangent à nouveau de plantureux bénéfices, qui doivent profiter aux actionnaires, mais aussi, promettent-ils, à la transition énergétique.

Plusieurs grands groupes ont publié leurs résultats ces derniers jours, avec de gros profits pour BP (4,7 milliards de dollars), Shell (5,7 milliards de dollars) ou encore Total (3,3 milliards de dollars).

Ce dernier a fait même mieux qu’au premier trimestre de 2019, avant la crise.

« Total est déjà revenu à son rythme de résultats élevés comme avant la crise », a souligné son PDG Patrick Pouyanné dans le quotidien Sud Ouest. « Tout va bien », a-t-il résumé.

Le norvégien Equinor a de son côté dévoilé ses « meilleurs résultats trimestriels depuis 2014 ».

Ces entreprises reviennent pourtant de loin après une année 2020 exceptionnellement mauvaise.  

Les cinq plus grandes compagnies privées du monde (BP, Chevron, ExxonMobil, Shell et Total) avaient cumulé des pertes nettes de 77 milliards de dollars l’an dernier, y compris des charges comptables.

Pour passer le cap, elles avaient annoncé programmes d’économies et baisse des investissements ainsi que, pour certaines, des suppressions d’emplois.

Les marchés pétroliers s’étaient effondrés à cause de la pandémie de COVID-19 qui a ralenti l’activité économique et quasiment mis à l’arrêt certains secteurs d’activité comme le transport aérien. Les cours avaient même été brièvement négatifs.

Ils se sont depuis nettement repris avec les perspectives économiques plus optimistes et l’avancée de la vaccination. Le baril de Brent de la mer du Nord évolue actuellement à un peu plus de 67 dollars.

« Ce sont des niveaux de cours rentables et les solides résultats des compagnies pétrolières ne sont pas surprenants », estime Michael Tamvakis, professeur à la Business School (anciennement Cass) de Londres. « Pour le moment, elles ont survécu à la tempête ».

Dividendes et transition

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit un rebond de la demande mondiale de 5,7 millions de barils par jour (mb/j) cette année, pour atteindre 96,7 mb/j. Elle avait plongé de 8,7 millions de barils l’an dernier.

Les analystes de Goldman Sachs ont prédit cette semaine un baril à 80 dollars dans les six prochains mois. Ils attendent aussi « un rebond significatif de la demande mondiale de pétrole », citant la vaccination et la reprise attendue des voyages aériens.  

Avec ce retour à une meilleure fortune, les « supermajors » n’oublient pas de choyer leurs actionnaires.

Shell annonce ainsi une hausse de son dividende au premier trimestre, par rapport au quatrième trimestre, après avoir décidé de le réduire au plus fort de la crise sanitaire pour la première fois depuis les années 1940.  Equinor également augmente le sien.

BP pour sa part va reprendre ses rachats d’actions au deuxième trimestre afin de récompenser ses actionnaires, après avoir été contraint de baisser le montant du dividende en 2020.  

Mais les sociétés assurent que cela ne remet pas en cause leurs investissements dans la transition énergétique.

« Notre travail est de montrer que l’on peut faire les deux sur la durée », a souligné le directeur général de BP, Bernard Looney.

« Nous pouvons assurer la transition de BP vers l’avenir et en même temps - pas à la place - assurer des retours en argent compétitifs pour nos investisseurs », a-t-il assuré.  

Les entreprises du secteur, essentiellement les européennes, se préparent en effet à un monde dans lequel le pétrole va jouer un rôle moindre en raison des efforts pour limiter le réchauffement climatique.  

Elles cherchent ainsi à se diversifier, notamment dans l’électricité d’origine renouvelable. Leurs objectifs n’ont d’ailleurs pas été affectés par la crise et les coupes dans les programmes d’investissements.

Total avait ainsi sanctuarisé ses dépenses dans ces domaines au moment de faire des économies et a multiplié les rachats depuis le début de l’année.

Encore jeudi, Total a annoncé son entrée dans un projet d’éolien en mer de 640 mégawatts en construction à Taïwan.

La pression pour le changement est forte, venant de la société civile, mais aussi des investisseurs, et les anciennes compagnies pétrolières se présentent désormais plus volontiers comme des entreprises du secteur « énergétique » au sens plus large.  

« La question fondamentale de la transition énergétique n’a pas disparu et quelques bons ou mauvais résultats ne changeront pas leur stratégie de long terme », estime Michael Tamvakis.

« Ces résultats vont probablement leur donner un peu d’air, de la confiance et les capitaux nécessaires pour continuer dans leurs stratégies de transition », selon lui.