Ses clients l’appellent Wong et lui, il sourit tout le temps. Depuis bientôt 10 ans, Wei Hua Wang est propriétaire de l’épicerie-dépanneur située en plein cœur du village du conteur Fred Pellerin. Parcours fascinant d’un immigrant chinois qui croit au potentiel des régions.

(Saint-Élie-de-Caxton) « Quand je suis arrivé au Québec à l’âge de 28 ans, se souvient-il, un ami m’a dit que c’était la meilleure chose à faire, m’acheter un dépanneur. »

C’est ainsi que « Wong » a acquis non pas une, mais bien deux épiceries de village en Mauricie, où il s’est établi avec femme et fille après avoir obtenu sa citoyenneté canadienne.

Au bout d’un certain temps, il les a revendues pour en acheter deux autres, cette fois à Saint-Élie-de-Caxton et à Charette, le village voisin.

  • Wei Hua Wang dit aimer le contact humain avec les clients.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Wei Hua Wang dit aimer le contact humain avec les clients.

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    Wei Hua Wang dit aimer le contact humain avec les clients.

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Les choses allaient plutôt bien jusqu’à ce qu’un incendie ravage, dans la nuit du 29 juillet 2019, l’épicerie de Charette.

« Je venais d’investir plus de 250 000 $ là-dedans et tout s’est envolé en fumée, dit-il en soupirant. J’avais le choix entre prendre le chèque de la compagnie d’assurance ou rebâtir. »

À moins d’imprévus, la nouvelle épicerie ouvrira ses portes en avril au terme de travaux qui auront duré plus d’un an, en temps de pandémie où les coûts de main-d’œuvre et de matériaux ont explosé de plus de 30 %.

« J’en ai pour environ un million [de dollars] dans cette bâtisse, avec les pompes à essence, évalue-t-il. J’ai bien peur que je vais passer ma vie à travailler pour rembourser mon prêt à la banque, mais il y a pire, j’ai la santé et j’aime le monde, qui a l’air de bien m’aimer aussi. »

Il s’est d’ailleurs fait un devoir d’acheter auprès des fournisseurs de la région. « C’est ma façon d’exprimer ma solidarité envers ceux qui sont mes voisins, mes clients », tient-il à souligner.

Un village sans épicerie, sans station d’essence, c’est un village fantôme. C’est important qu’on se tienne debout si on veut conserver nos villages, avec des commerces.

Wei Hua Wang

Des semaines de 100 heures

Son histoire n’est pas tellement différente de celle des immigrants asiatiques qui sont devenus propriétaires d’une petite épicerie ou d’un dépanneur aussitôt arrivés sur le sol québécois. À la différence que l’immigrant chinois, aujourd’hui âgé de 41 ans, a choisi de s’installer en région plutôt qu’à Montréal.

« J’ai essayé de vivre dans la grande ville, mais ça n’a duré qu’un mois et demi, évoque-t-il en souriant. Je voulais vivre à la campagne. En Mauricie, je me suis senti accepté et apprécié dès le tout début. »

Pour la petite histoire, mentionnons que dans son « ancienne vie » en Chine, le commerçant travaillait pour une firme en télécommunications.

« J’avais un bon boulot, un bon salaire, souligne-t-il. Nous avions une fille et nous voulions avoir d’autres enfants. Mais à l’époque, ce n’était pas possible dans mon pays d’origine. »

« Nos deux garçons sont nés ici, nous sommes heureux d’être au Québec, mais on pense souvent à notre famille qui vit là-bas », relève Wei Hua Wang.

Il ne veut surtout pas se plaindre de son sort, mais il concède que sa vie se résume à « travail, travail, travail ! » depuis qu’il exploite ses deux épiceries-dépanneurs.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Wei Hua Wang et sa conjointe, Ting Ting, font équipe.

« Je fais des semaines de 100 heures, calcule-t-il tout en s’affairant à remplir les étagères dans les allées étroites de son épicerie de la rue Principale avec l’aide de Ting Ting, sa conjointe et complice. Je ne prends jamais de vacances, sauf une fois par année pour aller visiter ma famille à Taizhou [à environ 700 kilomètres de Shanghai]. »

Il ajoute :

Les gens pensent que les immigrants deviennent riches en achetant un dépanneur. Ils ne savent pas les efforts qu’on met pour faire un peu de profits, et là encore, on doit se battre contre les grandes surfaces.

Wei Hua Wang

Et des efforts, le couple en a fait à la douzaine depuis son arrivée dans la région. « Quand on a eu notre premier dépanneur, se souvient Ting Ting, sourire aux lèvres, je ne parlais pas un mot de français. Vous pouvez imaginer le défi que j’avais à bien servir mes clients quand ils venaient acheter un paquet de cigarettes d’une marque en particulier ! »

Depuis, elle a appris la langue parlée par ses clients francophones, qui ne manquent pas de la complimenter pour la qualité de son vocabulaire. Comme quoi…