L’abandon du projet d’achat de Transat par Air Canada a été annoncé vendredi, ouvrant la voie à Pierre Karl Péladeau, dont l’intérêt pour le voyagiste montréalais persiste.

Le grand patron de Québecor a fait savoir vendredi que sa proposition présentée le 22 décembre dernier était « toujours valide » et qu’elle comportait des conditions qu’il souhaitait lever « rapidement » afin de soustraire Transat de l’« état d’incertitude dans lequel le voyagiste montréalais se trouve depuis plusieurs mois ».

Le 22 décembre, Pierre Karl Péladeau avait soumis à titre personnel, par l’entremise de sa société de gestion MTRHP, une proposition en argent équivalente à 5 $ par action (environ 190 millions de dollars).

L’homme d’affaires soutient que « par le maintien d’un Air Transat indépendant », son offre assure un « marché concurrentiel au bénéfice des consommatrices et des consommateurs québécois et canadiens ».

Le mois dernier, la direction de Transat avait indiqué qu’elle analysait différentes options et qu’elle se préparait à toute éventualité advenant l’échec de la transaction avec Air Canada.

« Il ne faut pas s’inquiéter. Beaucoup de travail se fait en coulisses. Nous avons un plan B et un plan C », avait dit le PDG de Transat, Jean-Marc Eustache, en marge de la présentation des résultats de début d’exercice du transporteur aérien.

Appelé à réagir vendredi, le porte-parole de Transat, Christophe Hennebelle, a dit que le plan B était la poursuite des activités de manière autonome. « Le plan C est de forger une alliance et, dans le plan C, il y a Pierre Karl Péladeau, [entre autres]. Les options sont multiples », précise-t-il en rappelant que tant que l’accord avec Air Canada était en place, Transat « n’avait pas la possibilité de discuter avec qui que ce soit ».

Besoin de financement

Outre une alliance avec un partenaire, dit Christophe Hennebelle, la priorité est de mettre en place le financement dont Transat a besoin. Transat a souligné avoir besoin d’au moins un demi-milliard pour traverser l’année.

Nous sommes confiants, car nos discussions avec le gouvernement du Canada sont à un stade avancé. La première cible est le crédit d’urgence aux grands employeurs, mais également l’aide sectorielle.

Christophe Hennebelle, porte-parole de Transat

L’autre point important pour Transat, ajoute-t-il, est de préparer la reprise opérationnelle.

Jean-Marc Eustache avait notamment dit à l’occasion de l’assemblée des actionnaires en décembre que le regroupement avec Air Canada était la meilleure alliance possible. Il avait ajouté que si cette alliance devait ne pas fonctionner, il faudrait en trouver une autre, et qu’une alliance ne pouvait se faire qu’avec quelqu’un du métier puisqu’il s’agit d’un métier complexe.

Transaction abandonnée

Air Canada et Transat avaient conclu une entente au prix de 13 $ par action en juin 2019, bonifiée deux mois plus tard à 18 $ par action, puis révisée en forte baisse à 5 $ par action en octobre dernier, après que la pandémie eut plongé le secteur du transport aérien dans la crise.

Les actionnaires de Transat avaient accepté en décembre dernier l’offre à 5 $ l’action d’Air Canada (en argent ou en échange d’une action de Transat par 0,2862 action d’Air Canada).

L’action de Transat a terminé la dernière semaine à 5,49 $ à la Bourse de Toronto.

L’acquisition de Transat par Air Canada était conditionnelle à l’approbation de divers organismes de réglementation, notamment la Commission européenne.

« Pour remplir cette condition clé, Air Canada a offert et bonifié un ensemble de mesures correctives allant bien au-delà des efforts commercialement raisonnables exigés d’Air Canada de la convention d’arrangement et de ce que la Commission européenne a traditionnellement accepté dans des affaires de fusion de sociétés aériennes précédentes », a indiqué Air Canada vendredi dans un communiqué.

À la suite des récents pourparlers, il est devenu évident que la Commission européenne n’approuvera pas l’acquisition selon l’ensemble des mesures correctives actuellement offert.

Extrait du communiqué d'Air Canada

Après réflexion, Air Canada dit avoir conclu que le fait d’offrir d’onéreuses mesures correctives supplémentaires – qui pourraient ne pas conduire à une approbation de la Commission européenne – compromettrait considérablement sa capacité à soutenir la concurrence internationale et aurait des répercussions négatives notamment sur ses clients et sur ses perspectives, au moment où elle se rétablit et se reconstruit des contrecoups de la pandémie.

Pierre Karl Péladeau ne s’est pas étonné de la tournure des évènements. « Par l’achat de Transat, étant un concurrent direct pour la très grande majorité des trajets transatlantiques et des destinations soleil, Air Canada aurait accaparé plus de 60 % du marché, un seuil inacceptable qui aurait privé les consommatrices et les consommateurs de la concurrence sur le plan des tarifs. »

Air Canada versera ainsi à Transat 12,5 millions en frais de résiliation.

Le feuilleton Transat-Air Canada en 10 temps

16 mai 2019 : Transat convient d’une période d’exclusivité de négociations de 30 jours pour son acquisition par Air Canada sur la base d’un prix de 13 $ par action.

27 juin 2019 : Le conseil d’administration de Transat accepte l’offre d’achat au prix de 13 $ par action.

11 août 2019 : Air Canada bonifie son offre à 18 $ par action.

27 mars 2020 : Le Bureau de la concurrence du Canada se montre défavorable à la transaction et craint une augmentation des prix pour les voyageurs et une diminution des services.

10 octobre 2020 : Air Canada révise son offre à la baisse pour la faire passer à 5 $ par action.

15 décembre 2020 : Une assemblée des actionnaires de Transat a lieu. Ces derniers approuvent dans une proportion de 91 % la vente à Air Canada. Avant l’assemblée, la direction de Transat révèle avoir reçu une autre proposition jugée inférieure.

12 janvier 2021 : Transat précise qu’une proposition de Pierre Karl Péladeau pour acquérir Transat a été faite au prix de 5 $ par action, mais qu’elle ne prévoit pas un financement suffisant pour couvrir les besoins en fonds de roulement de Transat en 2021, évalués à 500 millions.

11 février 2021 : Le fédéral donne son accord à la transaction entre Transat et Air Canada.

15 février 2021 : Air Canada ne reporte pas la date butoir entourant la conclusion de la transaction avec Transat. Celle-ci peut ainsi être abandonnée à tout moment.

2 avril 2021 : Air Canada et Transat annoncent l’abandon de la transaction.