Arrêt temporaire, diminution du nombre de publications et réduction du nombre de pages : les prospectus produits par les quincailleries ont fait l’objet de nombreux changements et de remises en question depuis le début de la pandémie. Mais qu’ils soient en version papier ou numérique, ils sont là pour de bon, assure-t-on dans l’industrie.

La semaine dernière, les adeptes de la rénovation qui souhaitaient connaître les promotions de BMR en consultant son prospectus ont dû chercher longtemps. L’entreprise n’en a produit aucun, tant en version papier que sur le web. Une situation qui n’a rien d’anormal, selon Jonathan Gendreau, vice-président, stratégie et développement réseau, de BMR. S’il assure qu’il n’a jamais été dans les habitudes de l’entreprise – division de Sollio Groupe Coopératif – d’en publier hebdomadairement, il admet qu’ils sont moins nombreux depuis la dernière année que par le passé. M. Gendreau a toutefois refusé de fournir le nombre de publications pour 2019 et 2020.

C’est juste [de dire] que, cette année, il y a un petit peu moins de circulaires papier à cause de ce qu’on appelle la chaîne logistique. C’est absolument vrai.

Jonathan Gendreau, vice-président, stratégie et développement réseau, de BMR

Les difficultés d’approvisionnement et les pénuries d’articles, notamment causées par la fièvre de la rénovation et du jardinage, donnent en effet du fil à retordre aux quincailleries qui ne veulent pas annoncer de promotions pour un produit que les clients ne retrouveront pas une fois au magasin, faute d’en avoir en quantité suffisante.

« La circulaire, c’est un média qui demande beaucoup de préparation, on peut parler de cycles de trois à six semaines de production, reconnaît Jonathan Gendreau. Donc, quand on a à jouer avec des niveaux d’inventaires, c’est beaucoup moins agile que le web. La circulaire nous permet moins d’agilité en termes de changement de promotion de dernière minute », poursuit-il, ajoutant que BMR conserverait tout de même son prospectus papier, puisqu’il donne des résultats. L’entreprise, qui a publié un prospectus le 1er avril, en avait également imprimé un pour le 18 mars.

Du côté des centres de rénovation Patrick Morin, on indique avoir cessé la publication de prospectus au début de la pandémie, mais qu’actuellement, les publications papier et numérique avaient repris.

La fin du papier

Or, c’est justement ce manque de flexibilité caractérisant les versions papier qui a notamment convaincu Canac, en pleine pandémie, d’investir uniquement dans la publicité en ligne. L’entreprise a d’abord cessé sa publication papier en mars 2020 pour éviter de stimuler les ventes et d’attirer les gens en magasin.

« Plus le temps passait, plus la pandémie était difficile à prédire, rappelle Patrick Delisle, directeur marketing de Canac. Il n’y avait pas de logique, avec les ventes, les besoins, les inventaires. Ça devenait très difficile de produire des circulaires, ne serait-ce que pour produire certaines aubaines ou des nouveautés. Ça faisait que des circulaires, c’était pratiquement impensable d’en faire imprimer. »

Finalement, l’entreprise a décidé d’abandonner le papier et de se concentrer sur le numérique, virage qu’elle avait commencé à amorcer près d’un an avant la pandémie, indique M. Delisle.

Selon lui, la version web donne beaucoup plus de flexibilité à l’entreprise en ces temps où les quincailleries sont devenues les magasins de prédilection de bien des consommateurs.

C’est le jour et la nuit. Avant, on pouvait parler de deux semaines, où on avait les mains menottées.

Patrick Delisle, directeur marketing de Canac

Et maintenant, les changements peuvent être faits à la dernière minute, comme ç’a été le cas la semaine dernière, où trois pages ont été enlevées en raison d’un fort achalandage la fin de semaine précédente, raconte-t-il. En un an, le lectorat consultant le prospectus en ligne de Canac a doublé.

Selon Richard Darveau, président et chef de la direction de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction, la pandémie a été l’occasion pour de nombreuses enseignes de remettre en question la pertinence d’un prospectus papier.

« Avec le papier, tu es pris avec un cycle de production trop lent, croit-il. Il y a l’approvisionnement, qui fluctue, et la concurrence, qui ajuste ses prix continuellement. »

Régime minceur

D’ailleurs, l’imprévisibilité de la crise sanitaire a eu un effet sur le nombre de pages des prospectus, qu’ils soient numériques ou en papier. « Il y a moins de pages, mais ç’avait commencé avant la COVID-19, précise M. Gendreau. Tout ce qui est article d’importation asiatique, c’est certain que la chaîne logistique est un peu moins fiable, on en met moins dans notre circulaire. On met beaucoup plus de produits locaux. »

« On est habitués à avoir des 24, 28, 32 pages avec un cahier patio de 16 pages », indique pour sa part Patrick Delisle. « Présentement, on fait des circulaires de 8, 10, 12 pages maximum. Des fois, on coupe 3 pages 24 heures à l’avance. On n’a pas le choix parce qu’il y a des catégories qu’on voudrait annoncer et, la semaine d’après, il y a des ruptures de stock. Ça va vite. »

Selon un article publié par l’AQMAT, Patrick Morin a également réduit le nombre de pages de son prospectus. Actuellement, des marques comme Canadian Tire et Rona impriment toujours un feuillet publicitaire.

Du côté des supermarchés, Maxi avait abandonné le papier en mai 2020, mais la circulaire a commencé à réapparaître à l’automne. « Nous visons à éliminer la circulaire papier et à faire un virage numérique, mais on doit être à l’écoute des clients, a écrit Geneviève Poirier, porte-parole de Loblaw, dans un courriel envoyé à La Presse. Présentement, nous ciblons les foyers qui reçoivent la circulaire imprimée dans le publi-sac, en fonction de la disponibilité de l’internet haute vitesse dans les différentes régions, des concentrations de population et des profils démographiques. Pour le reste de la province, elle est distribuée à l’occasion, de façon sporadique. »