(Montréal) S’il accepte le regroupement proposé entre Rogers et Shaw, Ottawa doit exiger en retour la cession de Freedom Mobile, demande Québecor, qui pourrait bien s’intéresser à cette entreprise afin d’élargir ses activités à l’extérieur du Québec dans le secteur du sans-fil.

Autrement, estime le président et chef de la direction du conglomérat, Pierre Karl Péladeau, il y aurait un retour à la « case départ » après 15 ans d’efforts déployés par le gouvernement fédéral pour tenter de favoriser l’émergence d’un quatrième joueur à l’échelle nationale.

L’homme d’affaires témoignait mercredi devant des députés qui poursuivaient leurs audiences sur la transaction de 26 milliards qui verrait Rogers racheter Shaw Communications et Freedom Mobile — le quatrième concurrent dans certains marchés aux côtés des principaux joueurs comme Bell, Rogers et Telus.

Cette transaction combinerait également les deux plus grands opérateurs de câblodistribution au pays.

Selon M. Péladeau, la vente de Freedom Mobile doit s’accompagner des « conditions nécessaires à l’exploitation d’un réseau sans fil », soit la détention du spectre, des ententes d’itinérance et le partage des tours de télécommunications, notamment.

« Vous avez les moyens législatifs et le devoir de protéger vos électeurs afin qu’ils puissent bénéficier d’un environnement concurrentiel », a fait valoir l’actionnaire de contrôle de Québecor devant les parlementaires.

Un regroupement des activités de Rogers et Shaw — établie à Calgary — aurait peu de répercussions au Québec, où Vidéotron incarne le quatrième joueur dans la téléphonie sans fil avec une part de marché estimée à environ 20 %.

Interrogé à savoir si le conglomérat québécois pourrait être intéressé par Freedom Mobile, l’homme d’affaires a rappelé qu’en 2008, son entreprise souhaitait bâtir un réseau national et qu’elle avait déjà eu des discussions avec « certains opérateurs » à ce sujet.

« J’aurais tendance à dire que si nous étions intéressés en 2008, nous sommes certainement le candidat, avec la surface financière et l’expérience, ainsi que l’expertise, que ce soit au niveau des télécommunications ou de la commercialisation (pour répondre aux) critères nécessaires afin d’avoir du succès », a dit M. Péladeau.

Depuis l’annonce de la transaction entre Rogers et Shaw, certains analystes ont estimé que Québecor pourrait être intéressée à Freedom Mobile advenant une cession forcée de cette entreprise. Cogeco Communications, Eastlink et Xplornet ont également été identifiés comme potentiels prétendants.

« Ces transactions offriraient une solution aux autorités réglementaires pour éviter de voir l’industrie se consolider avec trois acteurs », avait notamment souligné l’analyste Jeff Fan, de la Banque Scotia, dans une note publiée à la suite de l’annonce.

Québecor a déjà été propriétaire de licences de spectre sans fil à l’extérieur de la province. Elles avaient été vendues en 2017 à Rogers et Shaw dans le cadre de transactions distinctes, qui signalaient que le conglomérat n’allait pas procéder à une expansion pancanadienne dans le sans-fil.

Les critiques du rachat des activités de câblodistribution, de l’internet et de sans-fil de Shaw par Rogers soutiennent que le Canada a besoin d’avoir plus de concurrents dans l’industrie, et non d’en voir disparaître. L’accord proposé fait face à une vive opposition, notamment de la part de groupes de consommateurs, d’universitaires et de clients, depuis son annonce.

Lundi, devant les élus, les chefs de la direction de Rogers et Shaw avaient fait valoir que chaque consommateur allait bénéficier du regroupement de leurs deux entreprises, qui doivent être plus grandes pour être plus concurrentielles. Joe Natale et Brad Shaw avaient affirmé que leur projet permettrait aux compagnies de se concentrer sur la construction d’une nouvelle génération de réseaux en cette période de course pour un service sans fil et internet plus rapide dans les régions rurales ainsi que dans certains secteurs urbains du pays.