(Calgary) Le regroupement du Chemin de fer Canadian Pacifique (CP) et de Kansas City Southern promet une amélioration du service pour les expéditeurs canadiens, mais l’impact sur les volumes de pétrole brut transporté par chemin de fer sera atténué, ont estimé lundi des observateurs.

L’accord de prise de contrôle de 25 milliards US annoncé dimanche relierait les réseaux ferroviaires du Canada et du nord des États-Unis du Canadien Pacifique aux routes du sud des États-Unis et du Mexique de KCS. Le seul chevauchement significatif serait à Kansas City, dans le Missouri, où les chemins de fer partagent une gare de triage.

Dans un message publié dimanche sur Twitter, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a affirmé que l’accord était une victoire pour la capacité d’exportation de pétrole brut de l’Ouest canadien dans la foulée de l’annulation du projet d’oléoduc Keystone XL. Toutefois, un exportateur de longue date de pétrole brut par chemin de fer dit qu’il ne s’attend pas à ce que la transaction fasse une grande différence.

« La majeure partie du pétrole acheminé vers le marché hors de l’Ouest canadien est acheminée par le Canadien National plutôt que par le Canadien Pacifique », a souligné John Zahary, chef de la direction d’Altex Energy, une société de Calgary qui transporte environ 40 000 barils par jour de pétrole principalement par l’entremise de son terminal ferroviaire de Lashburn, en Saskatchewan, situé sur une voie ferrée du CN.

« La ligne principale du CN passe par Edmonton, tandis que la ligne principale du CP passe par Calgary — et la majeure partie de la production de pétrole dans l’Ouest canadien se trouve dans la partie nord des provinces. »

Il a ajouté que le système actuel, dans lequel les wagons sont déplacés d’un chemin de fer à un autre pour atteindre leur destination, fonctionnait bien, mais qu’il y aura probablement des gains d’efficacité pour les expéditeurs qui ont accès au CP, puisqu’ils seront désormais en mesure d’utiliser un seul chemin de fer pour acheminer du pétrole brut de l’Ouest canadien vers les complexes de raffinage américains de la côte du Golfe.

Les chiffres des exportations canadiennes de brut par chemin de fer ont été volatils dans la dernière année, les expéditions ayant atteint un record de 412 000 barils par jour en février 2020, avant de chuter à un creux de huit ans à 39 000 barils par jour en juillet. En décembre, les expéditions ont atteint en moyenne 190 000 barils par jour.

L’entente annoncée ce week-end, qui prévoit la création d’un nouveau chemin de fer appelé Canadian Pacific Kansas City (CPKC) entraînera une diversification de la clientèle au chapitre des secteurs d’activité et de la géographie, a écrit l’analyste Walter Spracklin, de la Banque Royale, dans un rapport.

« Le niveau d’exposition aux marchandises que Kansas City Southern apporterait au CP est remarquable, et représente environ 70 % des revenus de la KCS, mais seulement 36 % pour le CP », a-t-il écrit.

« De même, la répartition géographique de l’ajout des flux de revenus américains et mexicains de KCS au CP permet, à notre avis, une meilleure répartition géographique en réduisant l’exposition du CP au Canada, le faisant passer de 76 % à 53 %, et augmentant sensiblement son exposition aux États-Unis (de 24 % à 33 %) et au Mexique (de 0 % à 14 %). »

L’analyste Jason Seidl, de Cowan Equity Research, a dit croire, lors d’une entrevue, que l’accord profiterait aux expéditions de pétrole brut par chemin de fer, mais que le plus grand avantage pour les expéditeurs canadiens serait l’amélioration générale des options de service et de routes vers les États du sud et le Mexique.

« Cette combinaison devrait générer une croissance de la clientèle en Amérique du Nord, des gains d’efficacité dans les nouvelles routes à une seule ligne, une augmentation de la portée du marché et des synergies notables », a-t-il affirmé.

Approbation requise aux États-Unis seulement

Les actions du CP ont chuté lundi à la Bourse de Toronto, pendant que celles de Kansas City Southern ont avancé à la Bourse de New York.

Le titre de CP a glissé de 23,26 $, soit 4,9 %, à 451,01 $, tandis que celui de KCS a augmenté de 36,13 $ US, soit 16 %, à 260,29 $ US.

En vertu de l’accord, les actions de Kansas City Southern doivent être évaluées à 275 $ US par action, ce qui représente une prime de 23 % par rapport à leur cours de clôture de vendredi, ont annoncé les sociétés dans un communiqué de presse conjoint.

Les actionnaires de KCS recevront 0,489 action du CP et 90 $ US en espèces pour chacune de leurs actions ordinaires de KCS. La société qui en verra le jour sera détenue à 75 % par les actionnaires de CP Rail.

La fusion doit être approuvée par le Surface Transportation Board, une agence de réglementation fédérale américaine, pour aller de l’avant, ont indiqué les dirigeants. Selon eux, aucune approbation réglementaire n’est requise au Canada et au Mexique.

Les sociétés estiment que la fusion entraînera une croissance annuelle des revenus de 800 millions US dans les trois ans suivant la réception de l’approbation réglementaire américaine, attendue vers la mi-2022.

Ils s’attendent également à réaliser des économies annuelles de 180 millions US sur les coûts liés à l’efficacité énergétique, à l’administration, à la location d’équipement, aux installations, aux technologies de l’information et aux licences, mais ne prévoient aucune réduction nette de la main-d’œuvre.

Le siège social mondial de la société fusionnée restera à Calgary, tandis que Kansas City abritera son siège social américain.

L’entreprise née de la fusion exploiterait plus de 32 100 kilomètres de voies ferrées au Canada, aux États-Unis et au Mexique, emploierait environ 20 000 travailleurs et générerait des revenus totaux d’environ 8,7 milliards US sur la base des chiffres de 2020.