(Tarbes) Au pied des Pyrénées aux sommets enneigés, des dizaines d’avions du monde entier sont minutieusement alignés comme des jouets sur un stationnement géant. Depuis la crise de la COVID-19, la société Tarmac Aerosave croule sous les demandes de stockage des compagnies aériennes.

« Depuis le premier confinement, il a fallu pousser les murs » des sites de Tarmac Aerosave déjà existants à Tarbes (Hautes-Pyrénées), Teruel (en Espagne) et Toulouse, et un nouveau site a été ouvert en juin à Vatry (Marne), explique à l’AFP Patrick Lecer, le président de la société, leader européen en stockage.

Aujourd’hui Tarmac Aerosave accueille près de 230 avions sur ses quatre sites, contre 150 en 2019. « Et la liste d’attente est encore longue », précise M. Lecer.

Sur le stationnement du site de Tarbes, un A380 de la compagnie émiratie Etihad est tiré par un véhicule qui semble minuscule à côté du géant des airs.

« Quand un avion est en stockage, on est loin de le laisser à l’abandon. Il faut dans un premier temps colmater tous les orifices et protéger les zones sensibles. On va ensuite tester les systèmes électroniques et effectuer l’entretien nécessaire pour le maintenir navigable », explique Sébastien Demouron, chef d’équipe stockage.

« Aujourd’hui on arrive à saturation du site. Il faut trouver à chaque avion la bonne place, comme au jeu de Tetris », lance-t-il en riant.

Sur une carte « à l’échelle parfaite », Yannick Stefanelli, le responsable des opérations du site déplace en effet des aimants d’avions de différentes tailles « pour rationaliser au mieux l’espace ».

Diversification

Filiale d’Airbus, Safran et Suez, Tarmac Aerosave s’était donné pour mission à sa création en 2007 de recycler de façon écoresponsable les premiers Airbus livrés dans les années 1970 et qui arrivaient en fin de vie.

Puis, très vite, la nécessité de se diversifier s’est faite sentir, avec des demandes de stockage et de maintenance de la part des clients.

A l’été 2019, le trafic aérien atteignait des pics et les prévisions pour les compagnies aériennes étaient au beau fixe. Alors pour 2020, Tarmac Aerosave avait embauché 150 personnes supplémentaires et prévu une hausse de 20 % du chiffre d’affaires. Qui ne s’est jamais produite.

« On a certes eu une demande croissante de stockage, mais on a perdu 40 % de chiffre d’affaires sur la maintenance », activité la plus rentable de l’entreprise, souligne le président de Tarmac.

Et pour cause : les compagnies aériennes ayant très peu de visibilité sur la reprise du trafic aérien remettent la maintenance lourde de leurs appareils à plus tard.

« Certaines, même, qui étaient sous perfusion grâce aux aides des États, ne vont pas réussir à passer la vague », et des avions stockés pourraient ne jamais redécoller, selon M. Lecer.

Sa société, elle, « n’a pas bénéficié de la crise », insiste-t-il. Mais elle n’a pas non plus sombré. « On a réussi à se maintenir au niveau de 2019, grâce notamment à nos quatre piliers d’activité-stockage, maintenance, transition et recyclage- » pouvant être exploités individuellement, selon la conjoncture.

« Belle fin de vie »

Alors aujourd’hui, pour les avions qui attendent patiemment de savoir s’ils vont un jour revoler ou pas, en fonction de l’évolution de la crise sanitaire, « il est important d’accomplir toutes les petites activités de maintenance », explique M. Stefanelli, le responsable des opérations du site.

Et si une mise à la retraite était décidée, « plus de 90 % de l’appareil serait recyclé », une spécificité de Tarmac, précise Arthur Rondeau, responsable de projet pour le service démantèlement.

Un démantèlement « classique » - hors A380 -, peut prendre six à sept semaines. Le client récupère certaines pièces qu’il pourra revendre, puis l’avion est « nettoyé » avant de passer à la découpe.  

« On a souvent l’image d’avions entassés et laissés à l’abandon dans des déserts aux États-Unis qui peuvent s’apparenter à des cimetières. Ici, on va traiter l’avion du début jusqu’à la fin pour le valoriser au maximum », est-il fier de souligner.

Occupé à démonter un écran dans les entrailles d’un A380 dépouillé de ses sièges et aux mille câbles et fils électriques qui pendent du plafond, Teddy Saves, un mécanicien de 23 ans est passionné par son travail. « On a tendance à l’oublier, mais ce sont des avions qui ont traversé le monde. J’aime penser qu’ils auront ici une belle fin de vie ».