Bombardier a une occasion en or cette semaine d’influencer les investisseurs, de rétablir certains faits ou de changer les perceptions avec la présentation d’un nouveau plan de redressement.

Le PDG Eric Martel et ses collègues de la haute direction présenteront jeudi des mises à jour sur les perspectives de marché des jets d’affaires, la stratégie de gestion de la dette (visant à minimiser les coûts d’intérêt) et les mesures de réduction des coûts.

Cette journée virtuelle pour investisseurs sera suivie avec intérêt par gestionnaires de portefeuille, analystes et petits investisseurs, mais aussi par des concurrents comme General Dynamics (constructeur des jets Gulfstream) et Textron (constructeur des avions Cessna et Beechcraft).

« C’est un moment décisif pour l’avenir de Bombardier en tant qu’entreprise publique », soutient l’analyste Chris Murray, chez ATB Capital Markets. D’autres solutions devront être contemplées si les réponses aux questions ne satisfont pas, dit-il en entrevue téléphonique.

Si l’approche entourant le remboursement de la dette n’est pas suffisamment crédible et qu’elle n’apporte pas un niveau de confiance assez élevé, précise Chris Murray, la vente de Bombardier à un concurrent ou la fermeture du capital pourraient devenir des options à envisager.

Il croit que la famille Beaudoin-Bombardier pourrait, par exemple, faire la même chose qu’elle a fait pour BRP avec Bain Capital et la Caisse de dépôt et placement en 2003. « Bombardier pourrait peut-être mieux performer en tant qu’entreprise privée. Les firmes privées d’investissement sont parfois très efficaces pour donner à une entreprise le temps dont elle a besoin pour se redresser », dit-il.

La grande question reste de savoir comment restaurer la rentabilité et gérer la dette laissée par les échecs du passé.

Chris Murray, analyste chez ATB Capital Markets

Pour sa part, Walter Spracklin, de RBC, pense que la journée de jeudi agira à titre de catalyseur à court terme pour l’action de Bombardier, et il s’attend à ce que le sentiment des investisseurs se réchauffe après l’évènement. « En tant qu’entreprise qui se consacre uniquement aux jets d’affaires, la prévisibilité des bénéfices devient beaucoup plus claire. »

Rebâtir la confiance des investisseurs

Pour Tim James, de la TD, la journée de jeudi revêt son importance afin de mieux saisir le potentiel à long terme des marges et du désendettement, mais également pour façonner la direction qui sera donnée au titre de Bombardier en Bourse pour le reste de l’année.

« La mission est de rebâtir la confiance des investisseurs », affirme de son côté Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans une note rédigée en février.

Bombardier doit maintenant démontrer des progrès concrets dans l’amélioration de ses marges bénéficiaires, des flux de trésorerie et dans l’allègement de sa dette avant que le titre puisse devenir plus investissable.

Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale

Les initiatives annoncées le mois dernier pour améliorer la rentabilité et la productivité ont pour objectif de générer des économies annuelles récurrentes de 400 millions US d’ici 2023. Les mesures prises pour y arriver comprennent notamment l’élimination de 1600 emplois et la fin de la production des avions Learjet plus tard cette année.

Même après les annonces de février, le fardeau de la dette restera élevé, dit Cameron Doerksen. « Bien que la vente de la division Transport réduise l’endettement, la dette demeure trop élevée pour une entreprise d’une industrie cyclique. C’est ma principale inquiétude pour le titre. »

Bombardier a commencé l’année avec une dette nette d’environ 4,7 milliards, c’est-à-dire une dette à long terme de 10,1 milliards US moins la trésorerie de 1,8 milliard US et le produit net de 3,6 milliards US tiré de la vente de la division Transport.

Les concurrents en meilleure position

Bombardier semble avoir été en restructuration perpétuelle depuis 2014, remarque Kevin Chiang, de Marchés mondiaux CIBC. « Les concurrents sont mieux capitalisés. Textron et General Dynamics bénéficient de meilleurs bilans financiers et génèrent de plus importants flux de trésorerie », dit-il.

« Cette situation place Bombardier en position désavantageuse alors que les carnets de commandes doivent être regarnis. Bien que Bombardier ait des produits concurrentiels, on a une impression de déjà-vu. Bombardier a été forcée d’abandonner la C Series il y a trois ans même s’il s’agissait d’un appareil technologiquement avancé, étant donné que l’entreprise ne pouvait concurrencer Airbus et Boeing. Les constructeurs de jets d’affaires ont les moyens de forcer Bombardier à faire le choix difficile de boucler des ventes avec des marges sous-optimales ou maintenir sa discipline de prix. Ces scénarios auront des impacts qui alimenteront les craintes entourant la capacité à naviguer un cycle économique au complet. »

Bombardier n’a pas souhaité apporter de précisions ou émettre de commentaires pour ce reportage.

Le titre de Bombardier a clôturé la semaine à 56 cents à Toronto. L’action est en hausse de 17 % cette année, ce qui donne toujours à l’entreprise une capitalisation boursière supérieure à 1 milliard. Seulement 3 des 18 analystes intéressés par Bombardier suggèrent l’achat de l’action présentement. Le cours cible moyen des experts d’ici 12 mois est à 59 cents.

Bombardier a perdu 337 millions US sur des revenus de 2,3 milliards US au cours des trois derniers mois de 2020.