(San Francisco) Uber continue de perdre des sommes abyssales, mais ses investissements dans les livraisons et d’autres mesures prises pendant la pandémie lui permettent de garder confiance dans sa capacité à atteindre son Graal, la rentabilité.

Sur toute l’année 2020, les pertes nettes d’Uber se sont élevées à 6,8 milliards de dollars, soit une amélioration de 20 % par rapport aux 8,5 milliards perdus en 2019, d’après ses résultats publiés mercredi.

La société basée à San Francisco, dont le nom est quasi synonyme des déplacements en VTC (voitures de tourisme avec chauffeur), a subi de plein fouet les restrictions de déplacement liées à la pandémie.  

Elle a en conséquence mis le paquet sur les livraisons de repas et de courses, très en vogue grâce aux confinements.

Uber Eats est monté en puissance, mais Uber s’est étendu bien au-delà ces derniers mois, avec les acquisitions de Postmates (plateforme de livraison de repas à domicile) l’été dernier, de Cornershop en Amérique latine et aussi, la semaine dernière, de Drizly, un leader de livraisons d’alcool à la demande aux États-Unis.

Au quatrième trimestre 2020, sa branche livraison a ainsi généré des recettes de 1,4 milliard de dollars, soit un bond de 224 % sur un an. Par contraste, son chiffre d’affaires pour sa branche mobilité – les courses de VTC – a plongé de 52 %, à 1,5 milliard.

D’après le cabinet Edison, DoorDash représentait 48 % du marché de livraison de repas aux États-Unis fin 2020, devant Uber Eats (35 % avec Postmates).

Restaurants et vaccination

Le leader mondial des VTC n’a jamais dégagé de profits. Avant la pandémie, il pensait atteindre la rentabilité au dernier trimestre 2020. Mais au printemps il a indiqué que cet objectif serait retardé de plusieurs trimestres, à cause de la crise sanitaire.

« Nous restons confiants dans la possibilité que notre branche de livraison devienne rentable en 2021 », a assuré Dara Khosrowshahi, le patron du groupe californien, lors d’une conférence téléphonique avec des analystes.

Il compte notamment sur l’immense base d’utilisateurs de son application de transports.

« Nous avons 90 millions de consommateurs actifs au moins une fois sur la plateforme. Et nous avons prouvé que nous étions capables d’amener les utilisateurs sur notre application de livraison, quasiment sans coût additionnel », a-t-il souligné.

Uber a aussi désormais 5 millions de membres pour ses programmes de fidélité (Uber Pass, Eats Pass et Postmates).

Mais attention, « les livraisons de repas de restaurants vont subir une comparaison difficile en 2021 avec l’année dernière », a prévenu Eric Haggstrom du cabinet d’analystes eMarketer.

Côté transport de voyageurs, l’entreprise et les analystes parient sur un fort rebond dès 2021, notamment grâce aux campagnes de vaccination et à l’espoir d’une véritable reprise des déplacements professionnels et personnels.

« Nous avons montré que sur des gros marchés comme le Brésil ou l’Australie, quand ils rouvrent, les affaires reprennent », a déclaré Dara Khosrowshahi. « Je n’ai donc aucun doute qu’en 2022 ou 2023, notre segment mobilité connaîtra des croissances substantielles, à deux chiffres ».

La voie est libre

D’octobre à décembre, Uber a réduit ses pertes nettes de 12 %, à 968 millions de dollars, malgré la baisse de ses revenus totaux de 16 %.

Un signe que le groupe avance dans la « bonne direction » pour l’analyste Dan Ives de Wedbush. « Il a posé le décor pour un retour à la croissance et un chemin vers la rentabilité d’ici la fin 2021 ou le début de 2022 », a-t-il commenté.  

« Wall Street continue de voir Uber et (son concurrent américain) Lyft comme les emblèmes de la reprise économique, car tous les deux sont renés de leurs cendres par comparaison avec les jours sombres de mars/avril. »

La plateforme a aussi désormais le champ libre sur le front social.

Alors que la Californie avait fait passer une loi qui devait la forcer, en 2020, à embaucher ses dizaines de milliers de chauffeurs dans cet État américain, les électeurs ont approuvé lors d’un référendum en novembre la « Proposition 22 », l’alternative formulée par Uber et ses alliés.

Selon cette loi, les conducteurs restent considérés comme des travailleurs indépendants, mais ils vont recevoir des compensations : un revenu minimum garanti, une contribution à une assurance maladie et d’autres assurances, en fonction du nombre d’heures travaillées par semaine.

Les coûts de cette mesure sont venus en bonne partie gonfler le prix des courses en Californie, ont admis les dirigeants mercredi.

La Cour suprême californienne a récemment refusé d’entendre la première tentative de contester la nouvelle loi, et Tony West, le directeur juridique du groupe, s’est dit « pas particulièrement inquiet » concernant d’autres potentiels recours.