Est-ce le canari dans la mine ? Aux prises avec une hausse des coûts, Cascades prévient que ses résultats seront moins forts qu’anticipé, un phénomène qui risque de s’étendre à de nombreuses entreprises.

La papetière de la région de Victoriaville anticipe que sa performance de fin d’exercice sera inférieure d’environ 20 % à ce qu’elle prévoyait, en raison de la pression inflationniste « persistante » sur les coûts, en particulier en matière de logistique, d’énergie et de main-d’œuvre.

La direction note que les pressions exercées sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment en ce qui concerne la disponibilité des transports et de la main-d’œuvre, demeurent difficiles, leurs conséquences perturbant les délais de livraison des produits.

Le gestionnaire de portefeuille montréalais Philippe Hynes, de la firme Tonus Capital, dit ne pas être étonné par cette annonce.

« Je m’attends à entendre un message similaire de la part de plusieurs entreprises au cours des trois prochains mois », affirme le financier.

« Sans surprise, le message qui se dégage de nos discussions avec des entreprises publiques et surtout privées dans les dernières semaines est qu’il est difficile et dispendieux de recruter suffisamment d’employés, et que les coûts des transports et de logistique ont explosé depuis l’été », précise-t-il.

« Dans le cas de Cascades, puisqu’elle avait déjà parlé en novembre d’une augmentation des coûts, nous pouvons penser que ces augmentations se sont accélérées dans les six dernières semaines. Je crois qu’ultimement, elle sera en mesure d’augmenter ses prix si ces coûts élevés persistent, mais la majorité de ses contrats ne lui permettent pas d’augmenter ses prix rapidement. Il y aura donc un délai et cela impacte négativement les marges et les profits à court terme. »

Philippe Hynes dit qu’il n’est pas actionnaire de Cascades actuellement, mais que cette nouvelle ne changerait pas son évaluation de l’entreprise à long terme.

PHOTO SONIA GUERTIN, FOURNIE PAR PHILIPPE HYNES

Philippe Hynes, gestionnaire de portefeuille de la firme Tonus Capital

C’est la nature de son industrie et de son business, et un actionnaire de Cascades sait que les résultats à court terme sont souvent volatiles. Cascades n’est pas une entreprise avec un haut multiple d’évaluation historiquement, principalement en raison de cette incertitude et de cette volatilité.

Philippe Hynes, gestionnaire de portefeuille de la firme Tonus Capital

« Avec l’inflation qui trône à des niveaux que plusieurs n’avaient jamais vus, il est important pour l’investisseur de se questionner sur la capacité de chaque entreprise à refiler l’augmentation des coûts au client et de se demander à quelle vitesse cela pourra être accompli », ajoute le gestionnaire d’actifs.

« Après une année record d’augmentation des profits pour les entreprises de façon générale, l’inflation jouera certainement les trouble-fêtes dans les prochains mois. L’annonce de Cascades nous rappelle que la flambée des coûts n’a pas ralenti. »

« Pas encore ! »

Le grand patron de Cascades, Mario Plourde, soutient de son côté que la pandémie a toujours de « vastes répercussions » sur tous les secteurs d’activité de l’entreprise.

Cascades présentera ses résultats de fin d’exercice le 24 février. La direction dévoilera aussi ce jour-là une mise à jour de son plan stratégique pour les trois prochaines années.

En septembre, Cascades avait aussi révisé à la baisse ses prévisions trimestrielles, mais en raison d’une réduction de production temporaire touchant le secteur du carton-caisse. Un avertissement est donc lancé pour le deuxième trimestre de suite.

« Pas encore ! », a lancé l’analyste Paul Quinn, chez RBC, en apprenant la nouvelle.

« Est-ce une tendance ou simplement transitoire ? », demande-t-il.

« C’est assurément décevant pour les investisseurs », souligne-t-il, espérant que les récentes hausses de prix annoncées suffiront pour couvrir la pression continue sur les coûts.

Son collègue Sean Steuart, de la TD, a retiré jeudi sa recommandation d’achat.

Les autres entreprises du secteur font face à des obstacles similaires, mais c’est quand même la quatrième fois d’affilée que Cascades abaisse ses prévisions ou rate la cible en présentant ses résultats.

Sean Steuart, analyste de la TD

À la BMO, Mark Wilde croit que Cascades est durement frappée par les effets d’entraînement liés au transport dans l’Ouest canadien.

Il continue de penser que Cascades devrait essaimer le Groupe Tissu pour concentrer ses efforts dans le carton et l’emballage.

Paul Quinn continue de proposer l’achat de l’action et affirme que Cascades a fait un bon travail d’allocation du capital récemment. Il croit que la pression sur les coûts pourrait commencer à s’atténuer, mais qu’il faudra quelques trimestres de performances constantes pour que Cascades regagne la confiance des investisseurs.

S’il maintient sa recommandation d’achat, Paul Quinn dit comprendre qu’il demeure difficile à l’heure actuelle d’« aimer » Cascades. Il souligne cependant que l’évaluation relative du titre par rapport à ses comparables est très attrayante. « De plus, j’aime l’équipe de gestionnaires malgré leurs problèmes actuels. Super Mario et compagnie livreront la marchandise », dit-il.

L’effet de la nouvelle s’est fait ressentir en Bourse. L’action de Cascades a perdu 3 % pour clôturer à 13,37 $ à Toronto. Le titre valait 18 $ en février.