« Oh, mon Dieu, qu’on n’a pas le goût de vivre ça ! » Ce sont les mots échangés entre Pierre-Marc Tremblay, propriétaire et président du conseil d’administration de Pacini, et ses collègues pendant le point de presse où le premier ministre Legault annonçait que les restaurants et les bars, tout comme les commerces, devraient fonctionner à 50 % de leur capacité à compter de lundi afin de « réduire les contacts ».

En plus de faire une croix sur un temps des Fêtes qui s’annonçait plus lucratif que l’an dernier, alors qu’ils étaient fermés, certains restaurateurs craignent également de perdre le peu d’employés qu’il leur reste « pour toujours » en raison de l’instabilité qui frappe une fois de plus l’industrie. Une situation préoccupante pour l’Association Restauration Québec (ARQ), qui estime qu’avec les nouvelles règles, le gouvernement, après avoir procédé à deux fermetures, vient de donner « un troisième coup dans les jambes » des restaurateurs. L’Association réclame par ailleurs une aide gouvernementale sous forme de subventions.

Déjà en début de semaine, la demande de Québec faite aux employeurs pour réinstaurer le télétravail ainsi qu’un appel à de plus petits rassemblements avait frappé durement plusieurs restaurateurs qui se sont retrouvés avec de nombreuses annulations de repas de Noël entre collègues de bureau.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Marc Tremblay, propriétaire et président du conseil d’administration de Pacini

« Tout ce qu’on a fait pour se préparer au temps des Fêtes vient de tomber à l’eau, laisse pour sa part tomber Pierre-Marc Tremblay, qui ne cache pas son découragement. On a formé des employés, il y avait beaucoup de réservations, on a des stocks. On avait accumulé du vin. On était contents. C’est un dur moment à passer. »

Si M. Tremblay assure qu’il comprend les mesures annoncées, il souligne néanmoins que celles-ci lui feront perdre des ventes qu’il ne récupérera jamais. « Il n’y aura pas un autre party pour remplacer le party de Noël quand [les choses vont revenir à la normale]. C’est là que ça se passe. Ce sont des pertes sèches. »

Coup dur pour les employés

M. Tremblay s’inquiète également pour de nombreux employés qui avaient fait un retour en salle à manger et en cuisine, ayant bon espoir que la situation irait en s’améliorant. « Leur salaire à Noël va être coupé. C’est ça que je trouve le plus triste. Je vois tous nos employés qui tout d’un coup vont avoir des heures coupées, des semaines incomplètes. Ce n’est pas facile. »

On trouve ça de plus en plus difficile d’accepter de nouvelles restrictions. Le message [que ça] envoie, c’est qu’on n’est pas stables comme secteur. On voit qu’il y a de très bons programmes de requalification. On a peur de perdre notre main-d’œuvre pour toujours.

Martin Vézina, directeur des affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ

Au centre-ville de Montréal, Cédric Saint-Onge, propriétaire du restaurant Le Speakeasy, décrit les annonces de la dernière semaine comme une « douche froide ». Selon lui, elles portent un coup dur aux employés du secteur. « Ce qui est difficile, ce n’est pas le steak ou la bouteille de champagne avec lesquels tu es pris, ce n’est pas grave. Ce qui est grave, c’est que tu crées de l’emploi, tu donnes de l’espoir, les gens travaillent fort, et tu vas leur dire qu’ils vont peut-être retourner sur le chômage dans un mois. Ce n’est pas motivant pour personne », déplore-t-il.

Les prochaines semaines s’annoncent également difficiles pour les propriétaires de bar, soumis aux mêmes règles. Les discothèques et les établissements où il y a des soirées de karaoké devront pour leur part cesser leurs activités. La danse et le karaoké seront interdits à partir de lundi. « On est [extrêmement] déçus, a déclaré Renaud Poulin, président de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec, qui représente 1127 établissements. Déjà, c’était difficile financièrement. On ne sait pas ce qui va se passer. On ne sait pas quand ça va reprendre. »

Les commerçants

Du côté des magasins, les clients risquent de renouer avec les files d’attente. « Déçu » par les règles annoncées, le directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), Jean-Guy Côté rappelle toutefois que les commerçants commencent à avoir l’habitude de ce genre de restriction.

« C’est la meilleure période de l’année, rappelle-t-il. Mais ce qui m’encourage, c’est qu’on n’en est pas à notre premier rodéo. On l’a déjà fait, on va être capables de l’appliquer. On souhaite que les gens soient compréhensifs et patients. Ça va peut-être être un peu plus long que d’habitude. »

« Mais c’est sûr qu’on a une crainte [que les gens viennent moins]. Ça envoie un drôle de message aux consommateurs. »