(Toronto) Des problèmes d’approvisionnement compliquent de plus en plus l’existence des petites entreprises au pays.

Non seulement elles doivent composer sur un manque de main-d’œuvre, les petites entreprises subissent aussi de nombreux problèmes d’approvisionnement : pénuries de semiconducteurs, hausses des frais de livraison, délais dans les ports et inondations en Colombie-Britannique. Elles n’ont pas l’argent nécessaire pour s’en sortir.

Ces ennuis ne pouvaient pas arriver à un pire moment. Le temps des Fêtes approchant à grands pas, des retards de livraison et des tablettes vides peuvent être désastreux pendant la période la plus occupée de l’année pour nombre de commerces.

Plusieurs entreprises comptaient sur les Fêtes pour se relancer après plusieurs mois de pandémie. Certaines espéraient même en profiter pour éviter la faillite.

« C’est une question de survie ! », lance Helmi Ansari, le propriétaire d’une entreprise qui fabrique des machines à expresso et des bouteilles en acier inoxydable.

Les problèmes d’approvisionnement l’ont poussé à demander un premier prêt bancaire, 15 ans après la fondation de son entreprise.

« Il y a des gens qui dépendent de nous pour mettre de la nourriture sur leur table. On doit s’assurer que mon entreprise survive, mais sans inventaire, il faudra que je licencie des employés. »

M. Ansari a résisté à l’idée d’augmenter le prix de ses produits. Il dit connaître d’autres entreprises qui ont dû s’y résoudre parce que la demande en approvisionnement n’a jamais été aussi forte. Plusieurs sociétés de livraison en profitent pour augmenter leurs prix. Dans certains cas, ceux-ci ont même triplé.

L’indice Drewry World Container Index indique que le coût de transport d’un conteneur de 40 pieds de Rotterdam à New York a atteint 6214 $ US au début de décembre, une hausse de 208 % depuis l’an dernier. Le trajet Shanghai-Rotterdam est encore plus onéreux puisque le prix a bondi à 13 500 $, une augmentation de 283 % en un an.

L’inflation s’en mêle. Selon Statistique Canada, le taux d’inflation annualisé s’est élevé à 4,7 % le mois dernier, la hausse la plus importante depuis février 2003.

Les aliments ont subi en moyenne une hausse de 4 % le mois dernier.

« La viande a grimpé jusqu’à deux dollars la livre alors qu’elle augmentait, selon mon coemballeur, la hausse était habituellement de 25 cents », signale Lola Adeyemi, fondatrice de « It’s Souper », une entreprise torontoise qui fait des soupes « afrofusion ».

Elle explique avoir dû augmenter ses prix pour faire face à l’inflation et à la pénurie de main-d’œuvre qui a affecté les activités de l’usine qui fabrique sa nouvelle ligne de sauce.

Mme Adeyemi n’a pas eu le choix de louer une cuisine, d’entreposer ses fournitures et de demander à des amis à l’aider à préparer et embouteiller des sauces piri-piri et de piment vert

« J’ignore toujours si je serais capable de produire par l’entremise d’un manufacturier ou si je devrais continuer à les préparer moi-même », se demande-t-elle.

Des entreprises choisissaient des produits étrangers avant la pandémie à cause des coûts inférieurs. Mais les prix ont si augmenté que les entreprises n’épargnent plus autant qu’auparavant, constate David Yeaman, le président de Molded Precision Components, qui cherche à relocaliser sa production.

Myriam Maguire, une des fondatrices de Maguire Boutique, à Montréal, comprend la situation.

Elle a dû créer des listes d’attente pour des articles après que de nombreuses usines européennes eurent fermé leurs portes pendant la pandémie. Si ces manufactures ont rouvert, le même problème guette le marché asiatique.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Myriam Maguire, une des fondatrices de Maguire Boutique

La livraison de ses bottes de combat à 300 $ fabriquées à la main à Florence, en Italie, a été repoussée quatre fois parce que son fournisseur n’a pu obtenir un produit importé de Chine.

« Même si elles sont fabriquées en Italie, la principale composante chimique vient de Chine. Aujourd’hui, la Chine garde tout ce qu’elle peut pour elle-même, alors mon fabricant traverse des temps difficiles », raconte Mme Maguire.

Elle doit faire venir ses produits par avion, faire de la prévente et habituer sa clientèle à se montrer patiente. Environ 300 personnes se retrouvent sur la liste d’attente pour les bottes de combat. Mme Maguire dit n’avoir reçu aucune plainte à ce sujet.

« Depuis le début de la pandémie, les gens ont commandé des trucs sur Amazon qui leur sont livrés d’un à deux mois plus tard. Les gens sont habitués à ces délais, ajoute-t-elle. Le fait qu’ils soient plus patients aide vraiment les petites entreprises. »