Les ambitions canadiennes de la division défense et espace d’Airbus ont été dégonflées depuis un peu plus de deux ans. Les potentielles nouvelles usines québécoises évoquées en 2019 ne sortiront pas de terre, alors que c’est en Europe que le géant européen construit les avions qu’il livre à l’armée canadienne.

Simon Jacques, aux commandes de cette division au Canada, aimerait maintenant voir Ottawa « ouvrir ses portes correctement » afin de permettre à Airbus de solliciter de nouveaux contrats dans l’aérospatiale en matière de recherche.

« Nous voulons participer aux études, mais lorsqu’on met des seuils de contenu canadien d’environ 80 % dans les contrats, on se tire dans le pied, a-t-il expliqué à La Presse. On empêche des joueurs comme Airbus, qui veulent investir pour se positionner dans des contrats, de venir participer. »

M. Jacques prenait part à un évènement organisé par Airbus à Mirabel, où sont assemblés les A220, en compagnie du président-directeur général d’Airbus Canada, Benoît Schultz, et de Dwayne Charrette, à la tête de la division des hélicoptères.

Le principal intéressé mise beaucoup sur les contrats de satellites de communication et de surveillance de la Terre afin de faire croître les activités du créneau qu’il dirige.

Un scénario, sans suite

C’est M. Jacques qui avait lui-même évoqué la construction de deux usines au Québec si la multinationale parvenait à décrocher le contrat pour le remplacement de 88 chasseurs F-18 désuets de l’armée canadienne et une entente auprès de Télésat, un opérateur de satellites de communications. Les déclarations avaient été faites en 2019 dans le cadre d’un évènement similaire à celui organisé mardi.

Le géant européen n’a finalement rien obtenu. Télésat s’est tourné vers Thales Alenia et Airbus s’est retiré de l’appel d’offres des avions de chasse, auquel participent toujours Boeing, Lockheed Martin et Saab.

Interrogé à propos de la tournure des évènements, M. Jacques s’est montré prudent, se limitant à dire que la décision d’Airbus n’avait rien à voir avec la capacité à assembler des avions de chasse au Québec.

« Pour les programmes dont je m’occupe, il faut regarder ce qu’on peut construire et qui n’augmenterait pas les risques et les coûts », a-t-il affirmé, relancé sur la question lors d’un échange avec des membres des médias.

Contenu canadien

Airbus a jusqu’à présent livré à l’armée canadienne 7 des 16 avions de recherche et sauvetage CC-295 – un contrat de 2,4 milliards visant à remplacer d’anciens appareils de recherche et sauvetage Buffalo de l’armée de l’air ainsi qu’une vieille version de l’avion Hercules de l’armée.

Ces avions sont assemblés en Espagne, mais on y retrouve néanmoins beaucoup de contenu canadien, a souligné M. Jacques pour illustrer les retombées du contrat au pays.

« C’est un fuselage européen, mais un avion canadien, a-t-il dit. Les moteurs sont construits par Pratt & Whitney Canada, les simulateurs de vol proviennent de CAE et les capteurs ainsi que d’autres équipements sont fournis par L3Harris [présente au Québec]. »

L’autre contrat pour Airbus concerne le remplacement d’avions de transport militaire et de ravitaillement des Forces armées canadiennes. Un des avions est utilisé pour les déplacements du premier ministre. La multinationale a été l’unique entreprise retenue, en avril dernier, pour ce contrat dont la valeur devrait osciller entre 4 et 6 milliards. Les nouveaux appareils seront des A330 MRTT, qui peuvent transporter jusqu’à 110 tonnes de carburant.

S’il faut finaliser l’entente, une chose est sûre : l’appareil sera assemblé à Toulouse, avant de prendre le chemin de l’Espagne, où il sera transformé.

« On ne peut pas avoir une chaîne d’assemblage pour entre quatre et six avions », a affirmé le dirigeant d’Airbus défense et espace.

La question des retombées économiques au Canada en ce qui a trait au contrat des A330 MRTT doit également être finalisée avec Ottawa, a précisé M. Jacques.

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Un effectif qui devrait grimper à Mirabel

La pandémie avait entraîné l’élimination d’environ 350 postes à Mirabel, où quelque 2500 personnes travaillent sur l’A220. Airbus souhaite assembler 14 appareils par mois vers 2025 à Mobile, en Alabama, et à Mirabel, comparativement à 5 avions actuellement. Cette montée en cadence devrait s’accompagner d’embauches. « On franchira la barre des 3000 [employés] à terme, a dit M. Schultz, en parlant de Mirabel. On a un plan de croissance. »

Le plan avant la version allongée

Au début du mois d’octobre, le directeur commercial d’Airbus, Christian Scherer, avait affirmé qu’une version allongée était une question de « quand », mais pas de « si ». M. Schultz, lui, préfère parler de l’atteinte de l’équilibre – le programme est toujours déficitaire – avant de penser à un nouvel appareil. « Il [l’A220] a du potentiel pour aller au-delà [du segment], a répondu le patron d’Airbus Canada, lorsqu’on l’a interrogé. Ce n’est pas encore la décision du moment. »

De l’optimisme et une valeur à zéro

Québec détient 25 % de l’A220 en vertu de son investissement de 1 milliard US. Airbus peut racheter cette participation à compter de 2026. La « juste valeur » du placement était « nulle » au 31 mars dernier, selon un rapport gouvernemental. M. Schultz n’a pas voulu dire si Québec pourrait récupérer sa mise. « Le mandat qu’on m’a confié en est un de développement, dit-il, en ajoutant qu’il ne pouvait parler pour les actionnaires du programme. Les gens qui vendent l’avion sont optimistes. »

Voler en formation pour économiser

L’évènement d’Airbus s’accompagnait d’un essai particulier : un vol d’essai de deux A350 entre Toulouse et Montréal au cours duquel les deux appareils se trouvaient à trois kilomètres de distance pendant la phase de croisière. Grâce à l’effet de sillage, Airbus estime que faire voler des avions de ligne l’un derrière l’autre permettrait d’économiser plus de 5 % de carburant sur de longues distances. Airbus a développé des systèmes de contrôle en vol pour positionner l’avion suiveur de manière sécuritaire.