Les amateurs de vin verront leur facture augmenter dès la semaine prochaine. La Société des alcools du Québec (SAQ) annoncera mardi une hausse de prix moyenne de 1,66 % applicable sur 1332 produits dès le 7 novembre. Les prix de certains vins issus de la région de la Bourgogne augmenteront de 11,8 %, une hausse inhabituelle, selon la présidente et chef de la direction de la SAQ, Catherine Dagenais. Au banc des accusés : les changements climatiques et les aléas de la météo de la dernière année.

Les hausses accordées sont toutefois jugées insuffisantes par les producteurs et les importateurs. Au cours d’une entrevue accordée à La Presse dans ses bureaux, Mme Dagenais a dit tenter d’atteindre « un équilibre entre les demandes justifiées des producteurs et les attentes des consommateurs ». L’objectif : « payer le meilleur prix au Canada ». À noter qu’une autre augmentation est prévue en mai. Les hausses ont lieu deux fois par année.

Les producteurs de vin de la Bourgogne et de la Gascogne, notamment, connaissent de leurs propre aveu une « année noire ». Leur production étant affectée par les aléas de la météo, une augmentation des prix devenait nécessaire pour eux, ont-ils plaidé lors de leurs discussions avec la société d’État.

« On n’a pas connu ça depuis 1991. On a eu un gel trois jours différents en avril. On ne pouvait absolument rien faire. La nature a été plus forte que tout le monde. C’est vraiment l’ensemble de notre domaine qui a été touché », raconte Ithier Bouchard, directeur commercial au Domaine Tariquet et Domaine La Hitaire, situés en Gascogne.

Joint au téléphone, il confirme avoir perdu la moitié de sa production, constat qu’il a fait la semaine dernière à la fin des vendanges. « On a fait des demandes à la SAQ beaucoup plus importantes que ce qu’on a fait dans le passé. Elles ont été partiellement acceptées. Bien entendu, on ne cherche pas à compenser la perte de 50 % », assure-t-il.

Or, M. Bouchard n’a pas réussi à obtenir les 15 % d’augmentation qu’il souhaitait. Sa bouteille de Domaine Tariquet passera de 12,35 $ à 12,85 $ en début de semaine prochaine. « On ne va pas le cacher, les augmentations qu’on a eues sont totalement insuffisantes pour permettre de couvrir [une partie des pertes] », indique celui qui produit environ 10 millions de bouteilles annuellement. De ce nombre, près de 7 % à 9 % prennent le chemin de la SAQ.

Perdre des acteurs

« Cette année, c’est la tempête parfaite », ajoute Roch Bissonnette, président d’A3 Québec, qui regroupe 75 agences de vins, bières et spiritueux qui totalisent plus de 97 % des ventes à la SAQ. « En France, en Italie, en Espagne, il y a eu des gels, des tempêtes, de la grêle, un problème de champignon qui attaque les raisins. C’est la pire année en France. »

Il est également d’avis que la société d’État n’accorde pas des hausses suffisantes. « La perception des Québécois demeure que la SAQ est plus chère, dit-il. La SAQ est frileuse d'octroyer des augmentations à leur juste valeur aux producteurs à cause de ça. Si les producteurs ne sont pas capables d’ajuster leurs prix, le Québec devient un marché pas ou moins intéressant », soutient-il, ajoutant dans la foulée que certains produits pourraient disparaître des tablettes des succursales.

Être compétitif

À ce sujet, Catherine Dagenais répond que c’est une « préoccupation » parce qu’elle ne voudrait pas décevoir les clients, friands de découvertes. Elle assure toutefois qu’aucun producteur n’a délaissé la SAQ pour ces raisons. « Ce n’est pas parce qu’un producteur nous dit qu’il veut nous vendre son produit plus cher qu’on va accepter ce qu’il nous propose. On négocie », explique-t-elle, tout en ajoutant être sensible aux « défis » auxquels les fournisseurs font face, particulièrement au cours de la dernière année.

Certains producteurs vont être déçus. Plus on augmente le prix, quand on se compare au marché mondial, à un moment donné, on risque d’être moins attractif.

Catherine Dagenais, présidente et chef de la direction de la SAQ

Elle rappelle néanmoins que les augmentations de 11,8 % pour le bourgogne blanc et de 7,5 % pour le bourgogne rouge – région durement touchée par les intempéries – sont des hausses « jamais vues » au cours des dernières années.

Pour les produits de spécialité – qui représentent moins de 10 % des ventes de la SAQ sur une base annuelle –, on calcule des hausses moyennes de 2,09 $. Ceux-ci ont un coût moyen de 63,38 $. Ce sont 619 produits qui seront touchés.

Une bonne année au Québec

Par ailleurs, au Québec, les changements de température n’ont pas amené que du mauvais aux vignerons, contrairement à leurs confrères européens. Avec les années, le réchauffement du climat et le prolongement de la saison ont permis de cultiver une plus grande variété de vignes, selon Matthieu Beauchemin, propriétaire du Domaine du Nival, à Saint-Louis.

« Ici, il y a un peu les deux côtés à la médaille. On a les conditions de base pour faire des vins plus équilibrés, de plus grande qualité, notamment avec un peu moins d’acidité, un peu plus de sucre, explique-t-il. Par contre, on doit faire face ici aussi à des épisodes de sécheresse durant l’été. Avec une plus grande variabilité du climat, avec parfois des vignes qui au printemps vont se réchauffer plus vite, suivi derrière ça d’une période de gel en mai. »

Si les producteurs européens souhaitent oublier 2021, la dernière année a été bonne de ce côté-ci de l’océan. « C’est probablement le plus beau millésime que le Québec a jamais connu, estime M. Beauchemin. C’est vraiment une année exceptionnelle. »

Augmentation des prix, selon la région viticole touchée

Bourgogne blanc : hausse de 11,8 %

Bourgogne rouge : hausse de 7,5 %

Beaujolais : hausse de 5,1 %

Loire : hausse de 3,6 %

Sud de la France : hausse de 2,1 %

Source : SAQ