Un conflit opposant la direction de la cimenterie du Groupe CRH Canada (anciennement Ciment St-Laurent) à Joliette et sa centaine de syndiqués a pris des proportions telles, selon la direction, que celle-ci a fait appel aux tribunaux la semaine dernière pour que cesse l’intimidation sur son site. Un jugement provisoire a ainsi été rendu jeudi afin que les attroupements, les manifestations et le piquetage soient contenus à l’extérieur de la ligne de propriété de la cimenterie.

Un juge a ordonné que les syndiqués et toute personne agissant selon leurs instructions cessent et s’abstiennent d’« entrer ou [de] se trouver en tout temps et pour quelque motif que ce soit à l’intérieur de la propriété » de Joliette « en franchissant les clôtures installées sur la ligne de propriété […] incluant le terrain, les stationnements et les voies d’accès et de circulation », lit-on dans un jugement provisoire en vigueur pour 10 jours jusqu’au 5 novembre.

Celui-ci précise également que les syndiqués doivent cesser et s’abstenir de bloquer, d’entraver et de nuire « directement ou indirectement au libre accès de toute personne ou véhicule entrant ou sortant » de la cimenterie. Le nombre de syndiqués qui peut se trouver aux limites de la cimenterie est aussi limité à 14.

Altercation

C’est que la direction du Groupe CRH rapporte des actes violents et de l’intimidation de la part de certains syndiqués et de collègues de syndicats affiliés depuis un lock-out survenu au printemps dernier à la cimenterie.

Les syndiqués sont sans convention collective depuis le 28 mai. Le syndicat affirme notamment que ce lock-out est illégal, comme la convention n’était pas échue et que les parties étaient en négociation.

Depuis des mois, soit depuis l’annonce en novembre 2020 de la fermeture de deux fours sur quatre à la cimenterie et des abolitions de postes éventuelles, l’employeur soutient qu’il règne un climat de désobéissance (absences non autorisées, refus de faire des heures supplémentaires, etc.) et fait état de menaces, de harcèlement et d’intimidation envers des cadres, selon ce qu’on peut lire dans une demande d’injonction déposée par le Groupe CRH.

La situation se serait particulièrement envenimée, le 22 octobre dernier, alors que des syndiqués auraient bloqué la route à des agents embauchés par CRH qui tentaient d’entrer sur le terrain de la cimenterie. L’un d’eux se serait fait frapper jusqu’à se faire briser une dent.

Plus tard, des dizaines de syndiqués se seraient rendus sur le terrain de la cimenterie, près d’un immeuble abritant la cafétéria où se trouvaient des cadres. Une dizaine de policiers auraient ensuite été demandés en renfort pour gérer la situation.

Cette altercation serait survenue le matin d’un regroupement de syndiqués où les délégués syndicaux et un député se sont adressés à eux devant les clôtures de la cimenterie. « Ça n’a pas de bon sens, ce qui se passe à la table de négociation, a alors clamé Renaud Gagné, directeur québécois du syndicat Unifor. Tout ce qu’on veut, c’est donner une occasion de faire reconnaître l’ancienneté et un droit à de la formation pour des postes que les employés n’ont jamais occupés. On n’est pas sur le [pécuniaire], mais sur la liste de rappel. Or, l’employeur prend tous les moyens pour ne pas recourir à la liste de rappel. Il veut appeler une agence. C’est bien moins de trouble… C’est inacceptable ! »

Jeudi, par courriel, car il était en voyage, Renaud Gagné s’est exprimé auprès de La Presse sur la raison des tensions. « Il faut quand même comprendre, après cinq mois jetés à la rue, qu’il y ait plus de tensions, écrit-il. Je vous rappelle que le service de la médiation du ministère du Travail a suspendu ses travaux après 13 jours de rencontres avec le nouveau porte-parole patronal Lucien Bouchard. Quand on n’est même pas capable de convenir d’un minimum de respect, [soit] de gérer une liste de rappel pour offrir le maximum de chances à ses employés afin de répondre aux besoins de l’entreprise… »

La Presse n’a pu parler à l’avocat du Groupe CRH, la cause étant encore devant les tribunaux.

Avec la collaboration de Louis-Samuel Perron, La Presse