(Montréal) Les usines de Michelin tournent aux alentours de 80 % à 85 % de leur capacité, confirme Florent Menegaux, le président de la multinationale française, qui a rencontré La Presse Canadienne lors d’un récent passage à Montréal. « C’est un problème que nous avons à travers le monde. »

Lorsque le président a visité les installations de l’entreprise à Laval et Magog pour la première fois depuis le début de la pandémie, les gestionnaires lui ont tous dit que la difficulté à recruter était un enjeu. « C’est vraiment difficile de recruter. J’ai vu tous ces signes sur le bord de l’autoroute “nous embauchons ». Nous vivons la même difficulté que les entreprises à travers le pays. »

Les postes non comblés dans l’entreprise au Canada représentent environ « 7 % du total ou moins, selon les installations », précise une porte-parole de l’entreprise après l’entrevue.

Auparavant, Michelin ne diffusait jamais ses offres d’emploi pour ses deux usines en Nouvelle-Écosse, car elle recevait plus de candidatures que nécessaire, donne en exemple M. Menegaux. La société a commencé à annoncer ses besoins de recrutement, car elle reçoit seulement la moitié des candidatures dont elle aurait besoin. « Cette situation est complètement nouvelle, s’étonne le dirigeant. Normalement, le nombre de candidatures reçues est grandement supérieur à nos besoins. »

Chaîne d’approvisionnement

Les choses ne sont pas plus simples du côté de la chaîne d’approvisionnement qui est un « fouillis total », déplore le président de la multinationale présente dans 170 pays. « Il n’y a pas de pénurie de caoutchouc pour nous, mais il y a pénurie de bateaux, de conteneurs, de camions et de conducteurs. »

« Normalement », Michelin doit faire entre une ou deux interventions d’urgence dans la chaîne d’approvisionnement par période de deux mois. « Maintenant, c’est de 10 à 15 par jour. Nous devons envoyer des tissus par avion, car notre fournisseur ne peut pas nous l’envoyer dans les temps. »

Certains bateaux ne font même pas les arrêts aux ports qui étaient prévus, poursuit le dirigeant. Toutes ces complications ont amené une explosion des coûts de transports, constate M. Menegaux. Transporter un conteneur des États-Unis vers la Chine coûtait en moyenne 2400 $. Aujourd’hui, ce prix est de 13 000 $.

Des pneus durables grâce au Québec

Les activités québécoises de Michelin jouent un rôle central dans le développement du pneu durable. Michelin veut que 100 % du contenu de ses pneus et chenillettes proviennent de matériaux durables (naturels ou recyclés).

Acquis en 2018 pour un montant de 1,7 milliard US, le spécialiste des produits pneumatiques hors route Camso a une longueur d’avance sur les autres divisions de la multinationale française à cet égard.

Pour le moment, près de 28 % de la composition des produits pneumatiques de Michelin est faite de matières durables, affirme M. Menegaux. Chez Camso, ce seuil est de 52 %. Entre-temps, Michelin veut atteindre le seuil de 40 % d’ici 2030. Ce seuil devrait être de 60 % en 2030 pour Camso. « On veut les pousser à aller encore plus vite [que l’ensemble du groupe]. »

M. Menegaux assure que l’intégration de Camso se passe « très bien ». L’acquisition est désormais responsable de l’ensemble des activités mondiales de Michelin dans les produits pneumatiques hors routes (secteurs de la construction, de l’agriculture ou militaire, notamment) à partir de son siège social de Magog. « Mis à part quelques petites anicroches avec les technologies d’information, ça s’est passé relativement rondement. »

La société travaille également avec la société montréalaise Pyrowave afin de réduire son empreinte environnementale. Pyrowave a développé un procédé qui permet de recycler le polystyrène (plastique) en monomère de styrène, « qui pourra être réutilisé dans nos pneus ».

Si Michelin veut atténuer son empreinte environnementale, son président affirme qu’il est illusoire de prôner une réduction de la mobilité pour atteindre cet objectif. « Le nombre de véhicules sur la route devrait doubler d’ici 20 ans, car le parc automobile dans les pays en développement est moins grand qu’au Canada. Ces gens doivent se déplacer. La mobilité est un droit fondamental pour les êtres humains. »