(Pékin) Retour en Bourse, mais avenir incertain : le géant chinois de l’immobilier Evergrande, étranglé par un endettement abyssal, a annoncé la reprise jeudi à Hong Kong de la cotation de son titre, qui avait été suspendue début octobre.

L’un des plus gros promoteurs de Chine traîne une ardoise estimée à près de 260 milliards d’euros (303 milliards US), qui menace par effet de domino le reste de l’économie.

Malgré une tempête sur les marchés financiers en septembre, Pékin n’a toujours pas dit s’il se porterait ou non au secours de l’entreprise au bord de la faillite.  

Et le 4 octobre Evergrande avait suspendu sa cotation en Bourse, après plusieurs échéances manquées de remboursements de prêts.

La cotation reprendra jeudi à partir de 9 h locales, a indiqué le groupe dans un communiqué envoyé mercredi soir à la Bourse de Hong Kong.  

Evergrande avertit toutefois qu’il pourrait « ne pas pouvoir honorer ses obligations financières ».

D’autant que le groupe a annoncé l’échec de la vente de 50,1 % du capital de l’une de ses filiales au promoteur chinois Hopson. L’affaire aurait rapporté l’équivalent de 2,2 milliards d’euros.

Evergrande « va continuer à mettre en œuvre des mesures pour atténuer [ses] problèmes de liquidités », a assuré le promoteur immobilier.  

La firme avait reconnu en septembre qu’elle ne pourrait peut-être pas honorer tous ses engagements, mais se défendait d’être au bord de la faillite.

Des dizaines de propriétaires lésés et de fournisseurs non payés avaient néanmoins manifesté devant le siège du groupe à Shenzhen (sud de la Chine).

Foot, automobile et tourisme

L’annonce intervient alors que les prix des logements neufs dans le pays sont en repli pour la première fois en six ans, dans un contexte de méfiance des acheteurs face au risque de faillite de plusieurs promoteurs.

Dans 70 grandes et moyennes villes de Chine, les tarifs étaient ainsi orientés à la baisse sur un an en septembre, a indiqué mercredi le Bureau national des statistiques (BNS), sans donner de pourcentage précis.

Selon les calculs de l’agence d’information financière Bloomberg, les prix ont baissé en moyenne de près de 1 %.

Evergrande, qui s’est lancé ces dernières années dans une diversification tous azimuts, se débat depuis plusieurs semaines pour honorer ses paiements d’intérêts et ses livraisons d’appartements.

Outre l’immobilier, la firme a investi dans le tourisme, le numérique, les assurances, la santé… mais aussi la voiture électrique.

Fondée en 2019, Evergrande Auto avait ainsi pour ambition de révolutionner le secteur et de rivaliser avec l’américain Tesla. Il n’a pour l’heure toujours commercialisé aucun véhicule.

Evergrande est aussi connu en Chine pour son club de football : le Guangzhou FC (ex-Guangzhou Evergrande), entraîné un temps par le champion du monde italien Fabio Cannavaro.  

Le secteur immobilier a longtemps été l’une des locomotives de l’économie chinoise avec la construction de millions de logements.

Une frénésie stimulée notamment par le besoin de la plupart des Chinois d’accéder à la propriété, étape quasi obligée de la promotion sociale.

« Gérable »

Mais face au gonflement de la dette dans l’immobilier, les régulateurs ont imposé au secteur « trois lignes rouges », des ratios prudentiels qui visent à réduire le recours à l’emprunt des promoteurs.  

Les plus fragilisés peinent depuis à maintenir à flot leurs activités, alors que les ventes et prix dans l’immobilier ont fortement ralenti ces derniers mois.

Fin septembre, Evergrande a ainsi été dans l’incapacité d’honorer des remboursements d’emprunts, totalisant 131 millions de dollars US.

Et ce mois-ci, Evergrande n’a pu honorer un troisième prêt d’un montant de 148 millions de dollars US.

Le groupe dispose toutefois d’un délai de grâce de 30 jours pour chaque emprunt. La date butoir du premier paiement tombe le 23 octobre.

Vendredi, Pékin a toutefois tenté de rassurer.

La banque centrale chinoise a estimé que la situation d’Evergrande était certes délicate, mais assuré que le risque de contagion au système financier était « gérable ».

Plusieurs promoteurs se retrouvent cependant dans la tourmente.

L’un d’eux, Sinic, n’a pu rembourser en début de semaine un emprunt de 250 millions de dollars US, selon l’agence de notation S&P.  

En conséquence, elle a abaissé mercredi la note de solidité financière du groupe, qui est cependant bien moins important en taille qu’Evergrande.