Même si la Santé publique n’a pas donné son accord officiel à un retour au bureau à temps plein pour tous, bien des entreprises ont rouvert leurs portes et réaménagé leur aire de travail pour accueillir des employés. La Presse a interrogé des employeurs qui ont franchi cette étape à la fin de l’été pour savoir de quelles façons on prépare un tel retour alors que la pandémie fait toujours rage.

Les activités de consolidation d’équipe et autres jeux d’évasion avaient fait leur temps. L’esprit d’équipe s’effritait. Le contact humain était de plus en plus souhaité. La direction de Coboom a donc décidé, au cours de l’été, de donner une date de retour au bureau à sa douzaine d’employés : le 1er août.

« Fixer une telle date a permis de voir le bout du tunnel, note Catherine Dubé, coassociée du cabinet-conseil en management d’impact. Les collègues manquaient même à ceux qui aiment le télétravail. Le travail à distance avait atteint ses limites. »

Dès lors, ceux qui se sentaient à l’aise avec un retour en présentiel et qui étaient adéquatement vaccinés ont pu se présenter au bureau. « On a demandé un retour les mêmes journées, lundi et jeudi, pour créer un esprit d’équipe, explique Catherine Dubé. Après, liberté de choix pour les autres jours de la semaine. Le lundi, on planifie toutes les réunions. Les gens apprécient, car ça démarre bien la semaine. »

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Catherine Dubé, coassociée de Coboom

Tout le monde a répondu présent. Même si on a noté un gain de productivité en télétravail, la mobilisation des employés est un lot plus précieux. « On a de l’espace pour 30 personnes assises, donc les distances sont respectées, note Catherine Dubé. Certains viennent plus souvent. Les gens peuvent choisir leur heure d’arrivée, question de ne pas engorger les ascenseurs le matin et le soir. Les gens aiment manger ensemble, les contacts à la machine à café, les conversations face à face. C’est le fun en réunion d’être debout devant un tableau blanc ! »

L’espace qui ne manque pas a aussi permis un retour au bureau des 23 employés d’Axial, à Sherbrooke. « On a opté pour un retour progressif et la flexibilité, mais depuis le début de septembre, tout le monde est revenu à temps plein, sans se faire prier, dit Daniel Giroux, président de l’agence de marketing numérique et de développement web. Tout est respecté, la distanciation, les plexis, l’espace entre les bureaux. C’est toutefois plus compliqué pour les salles de réunion. »

C’est en août que la direction d’Axial a signifié à ses troupes qu’elles pouvaient revenir au bureau sur une base volontaire.

On voyait que l’esprit d’équipe et la collaboration manquaient grandement. La culture d’entreprise s’étiolait. On sentait que certains avaient moins de plaisir dans le travail. Ça devenait plus difficile de motiver tout le monde.

Daniel Giroux, président d’Axial

Écoute et flexibilité

Les dirigeants le disent en chœur : les mots d’ordre dans cette nouvelle normalité, alors que le variant Delta rôde toujours, sont flexibilité et écoute. Les désirs des employés diffèrent et l’anxiété peut être glaçante pour certains, même si on peut penser a priori que les gens seuls, par exemple, vont retourner au bureau en courant. « La meilleure façon de procéder est de prendre le temps d’informer les employés, d’être à l’écoute et d’offrir plusieurs possibilités », énumère Maxime Boissonneault, gestionnaire généraliste, gestion municipale de la Ville de Dunham.

En juillet, celui-ci a suggéré à sa dizaine d’employés de retourner au travail à temps plein, notamment pour permettre un contact avec les citoyens de la municipalité. Mais si les employés avaient des craintes, ils pouvaient planifier leur horaire entre eux, pour assurer une présence d’au minimum deux personnes au bureau afin de servir la population. « Celle-ci est âgée, 20 % ont plus de 65 ans, et ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise avec l’internet », dit Maxime Boissonneault.

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Maxime Boissonneault, gestionnaire généraliste, gestion municipale de la Ville de Dunham

Tout le monde a eu hâte de revenir, selon lui. Pour des raisons tant de relations humaines que de logistique. « Les gens avaient plus de difficulté à collaborer, dit-il. On n’avait pas l’équipement adéquat pour travailler à la maison. L’internet haute vitesse n’est pas disponible sur l’ensemble du territoire. »

Finalement, tous sont retournés à temps plein. Cependant, il a fallu des ajustements, organiser des activités pour réapprendre à travailler en groupe et à gérer une fois de plus le changement.

On doit s’adapter à une nouvelle réalité. Ce n’est pas un retour comme avant.

Maxime Boissonneault, gestionnaire généraliste, gestion municipale de la Ville de Dunham

Les organisations doivent être prêtes à s’adapter selon le profil de leurs salariés, leur âge et leur situation familiale. Pour y arriver, les rencontrer est primordial. « Il n’y a pas une bonne solution, mais une qui va refléter la réalité de l’entreprise, dit Vicky Marier, coordonnatrice marketing d’Openmind Technologies. Je compare ça à une danse. Un pas en avant, un pas en arrière, et on se marche parfois sur les pieds. Il faut se laisser du temps. »

Dans le cas de l’entreprise de création de logiciels et de gestion de parc informatique, située à Blainville, il y a eu tout un casse-tête à gérer, selon Vicky Marier. « On ne voulait pas vivre dans un environnement de plexiglas, explique-t-elle. On a aménagé des espaces fixes et flottants. Ç’a été un jeu de Tetris ! »

Mais le jeu en valait la chandelle, car les 50 employés ne se sont pas fait prier pour revenir. « J’ai toujours aimé le télétravail, admet Vicky Marier. Mais j’ai changé mon fusil d’épaule. Le contact humain m’a manqué pendant tous ces mois. »

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L'équipe d'Openmind Technologies à Blainville, lors d'une journée jeudi chic

Une tendance se dessine depuis le retour planifié au bureau : les mardis, mercredis et jeudis sont plus animés chez Openmind. « Quoique de plus en plus de gens viennent le vendredi. Depuis trois semaines, on voit les 50 personnes au bureau. On est agréablement surpris de voir autant de gens. On a planifié des activités pour leur donner envie de venir. Le jeudi, c’est une thématique chic. Ça met de la vie ! »

Recette gagnante à venir

« On connaîtra la recette du succès dans quelques mois », a dit Karl Tabbakh, avocat en droit des affaires, associé directeur régional, Québec, de McCarthy Tétreault, vendredi, lors d’une conférence de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain baptisée Réussir le retour des travailleurs au centre-ville.

À cette occasion, des entreprises ont dévoilé leurs plans de retour au travail. « On a établi certains principes de base, a expliqué MTabbakh. Les avocats se forment en présentiel. C’est très important de garder ça. On a donc annoncé un retour progressif d’un jour par semaine en octobre, deux jours en novembre, trois en décembre et un retour à notre normale en janvier avec un maximum de deux jours par semaine en télétravail. »

« On n’a jamais fermé nos bureaux, a aussi indiqué vendredi Myriam Crevier, associée de la firme Syrus Réputation, qui compte 15 employés. On a un très grand bureau. On n’a jamais senti la coupure. Le retour s’est fait de façon graduelle au fil de la vaccination. Les gens viennent sur une base régulière, mais à géométrie variable. »