Est-ce que l’aviation d’affaires pourrait perdre de l’altitude en raison des pressions inflationnistes et d’un ralentissement du rythme de la reprise économique ? Si des analystes voient quelques nuages poindre à l’horizon, Bombardier s’estime capable de réagir aux soubresauts.

Après une décennie de stagnation, le marché des luxueux jets d’affaires a repris du poil de la bête depuis le début de la pandémie. Les mieux nantis et les ultrariches ont opté pour ce moyen de transport pour se déplacer, ce qui stimule les ventes.

La preuve : Bombardier a annoncé jeudi sa plus importante commande de l’année, évaluée à 534 millions US selon les prix affichés, pour 20 jets d’affaires Challenger 3500 – modèle présenté il y a environ deux semaines, dont la cabine a subi une cure de rajeunissement.

« Des commandes de 20 avions, ça n’arrive pas tous les jours », a lancé le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, qui participait à un évènement organisé par le Cercle canadien de Montréal.

Toutefois, quelques heures auparavant, WingX, une firme d’analyse et d’information sur l’aviation, soulignait que la reprise de l’activité dans l’aviation d’affaires entrait « dans une phase incertaine » en dévoilant ses plus récentes données.

Elle s’attend toujours à ce que le niveau d’activité surpasse le volume enregistré en 2019, année où le marché a finalement dépassé les niveaux records enregistrés en 2008, mais avec quelques bémols.

« Le rythme de la reprise économique ralentit et les risques inflationnistes augmentent alors que les perturbations des chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus apparentes », souligne WingX.

En dépit de signes encourageants depuis le début de la crise sanitaire, Richard Aboulafia, de la firme américaine Teal Group, a abondé dans le même sens en soulignant que tous les constructeurs jouaient de prudence.

Au cours d’un entretien téléphonique, il a souligné que les pressions inflationnistes risquaient d’avoir une incidence négative sur les profits des entreprises, un indicateur de la vigueur du marché des avions d’affaires.

« Il y a également beaucoup de tensions géopolitiques avec la Chine, ce qui peut avoir une incidence sur le contexte économique, a dit M. Aboulafia. Le marché se porte bien, mais plusieurs facteurs nous entraînent dans une période d’incertitude, je crois. »

Conscient, mais pas inquiet

En marge de sa participation à l’évènement du Cercle canadien, M. Martel a reconnu que l’on « vit dans un monde plus complexe », dans lequel il y a des tensions géopolitiques et une « menace d’inflation qui point à l’horizon ».

À court terme, il n’entrevoit toutefois pas de « développements défavorables ».

« La beauté de notre modèle d’affaires, présentement, c’est qu’on a bâti notre plan sur les cinq prochaines années et non pas avec des augmentations de volume considérables, a dit M. Martel, au cours d’une mêlée de presse. Cela nous donne la marge de manœuvre pour réagir à des soubresauts que le marché pourrait avoir. »

En août dernier, Bombardier avait relevé sa prévision de livraison, qui table sur 120 appareils, par rapport à une fourchette allant de 110 à 120 avions auparavant.

Après une douloureuse restructuration qui s’est échelonnée sur plusieurs années et qui s’est soldée par une sortie de l’aviation commerciale et de la fabrication de matériel roulant, la multinationale est recentrée exclusivement sur les jets d’affaires – un secteur vulnérable aux aléas de l’économie – depuis janvier dernier.

Tous les concurrents de Bombardier dans l’industrie des luxueux jets d’affaires, comme les constructeurs des Gulfstream et Falcon, sont également présents dans d’autres secteurs, comme la défense, ce qui leur permet de mieux résister aux périodes de turbulences.

Le contexte économique peut avoir une incidence sur la demande pour les appareils de taille intermédiaire comme les Challenger, populaires auprès des entreprises, a reconnu M. Martel.

Il estime toutefois que le segment des jets à grande cabine, comme ceux de la famille Global, est plus résilient, tout comme les activités de maintenance et de service après-vente.

À la Bourse de Toronto, l’action de Bombardier a grimpé de 7 cents, ou 3,5 %, jeudi, pour clôturer à 2,16 $. Cela confère une valeur boursière d’environ 5,3 milliards à l’entreprise. Le titre de catégorie B de l’avionneur avait amorcé l’année à 48 cents.