(Montréal) Après Dollarama et Canadian Tire, c’est au tour du spécialiste du commerce en ligne Lightspeed d’être dans la mire de Spruce Point. Son action tombe en Bourse tandis que le vendeur à découvert américain accuse l’entreprise montréalaise d’exagérer la taille de son marché potentiel et de cacher le déclin de ses activités en enchaînant les acquisitions.

« Lightspeed attire les investisseurs avec le potentiel énorme de ses solutions de paiement, mais nous croyons qu’elle n’a pas été transparente au sujet de la pression concurrentielle et d’un déclin important de ses marges », peut-on lire dans le rapport de 125 pages rédigé par Ben Axler, fondateur de Spruce Point.

Spruce Point croit que la concurrence s’accentue contre Shopify et Amazon et que Lightspeed va ultimement « perdre » le combat tandis que le titre s’échange à un multiple « astronomique » de 23 fois les prévisions de ventes des analystes pour 2022.

M. Axler estime que le titre de Lightspeed pourrait perdre entre 60 % et 80 % de sa valeur. À la fermeture, mercredi, l’action reculait de 16,76 $, ou 11,74 %, à 126 $.

Dans un communiqué publié en début de soirée, la direction de Lightspeed a contre-attaqué en affirmant que « le rapport contient un grand nombre d’inexactitudes importantes et d’interprétations erronées qui […] sont trompeuses et clairement destinées à profiter à Spruce Point ».

La société montréalaise ajoute que « Spruce Point a elle-même révélé qu’elle pourrait tirer profit d’une éventuelle baisse du cours de l’action de Lightspeed. Lightspeed déconseille aux investisseurs de prendre des décisions basées sur ce rapport ».

Ce n’est pas la première fois que Spruce Point publie un rapport critique à l’endroit d’une société canadienne. La firme a fait le même exercice contre Dollarama en 2018 et contre Canadian Tire en 2019.

Dans les deux cas, les entreprises visées ont accusé le rapport de comporter des inexactitudes. Leurs actions ont subi une correction immédiate, mais ont repris le terrain perdu quelques mois plus tard, sans que l’affaire ait de suivi.

La firme a été critiquée par le passé parce qu’elle pouvait vendre à découvert certains des titres dans son collimateur. La vente à découvert permet à un investisseur de s’enrichir lorsque l’action d’une société recule en Bourse. Il n’a pas été possible d’avoir une réaction immédiate de Spruce Point.

M. Axler prétend avoir des preuves d’une baisse de la croissance des activités existantes et d’une détérioration de ces activités. Il accuse Lightspeed de changer les éléments inclus dans les indicateurs financiers dévoilés dans ses résultats afin de masquer ses difficultés. Il estime que le revenu moyen par utilisateur est en baisse, contrairement à ce qu’affirme la société.

Il accuse aussi Lightspeed d’avoir « massivement » exagéré ses résultats avant son introduction en Bourse. Le nombre de clients aurait été gonflé de 85 % et le volume de transaction de 10 %, prétend-il.

À cet égard, Lightspeed a pour sa part fait valoir qu’elle « a confiance en sa gouvernance, ses rapports financiers et ses pratiques commerciales ».

La société ajoute qu’elle « a systématiquement enregistré une croissance de ses revenus depuis son inscription à la Bourse de Toronto en mars 2019. Au cours du trimestre clos le 30 juin 2021, son chiffre d’affaires de 115,9 millions a augmenté de 220 % par rapport au trimestre de l’année précédente, avec une croissance interne de ses revenus basés sur les logiciels et les transactions de 78 %. »

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), le plus important actionnaire de l’entreprise technologique, n’a pas voulu commenter le rapport. L’institution détient plus de 24 millions d’actions, soit 16,99 % des titres en circulation, selon Refinitiv. Pour sa part, le fondateur et grand patron Dax Dasilva possède 13,9 millions d’actions, soit une participation de 9,74 %.

« Rien de nouveau »

Les allégations de Spruce Point n’ont pas modifié l’opinion favorable de Richard Tse, de Financière Banque Nationale, qui ne voit pas de raisons de modifier sa recommandation d’achat sur Lightspeed. « Nous ne voyons rien de dommageable à notre thèse d’investissement. »

M. Tse donne en exemple la critique sur une baisse des marges dans le segment du paiement en ligne. Il note que les revenus dans ce segment sont en hausse et permettent au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de croître. « C’est vrai, mais il n’y a rien de nouveau », conclut-il.

Quant à l’allégation selon laquelle la manière de rapporter le revenu moyen par utilisateur a changé à de multiples reprises, l’analyste de Financière Banque Nationale reconnaît que l’information est exacte tandis que la société a changé ses données pour prendre en compte les revenus par établissement plutôt que par client. Cette façon de comptabiliser permet, en fait, de meilleures comparaisons, selon lui.