Bombardier a réalisé des avancées dans le cadre de son plus récent plan de redressement quinquennal – ce qui a fait décoller son action depuis le début de l’année –, mais en dépit des progrès, l’avionneur n’est pas encore sorti de la zone de turbulences, préviennent les analystes financiers.

Si la reprise plus vigoureuse que prévu dans l’aviation d’affaires a permis à la multinationale québécoise de relever ses prévisions à mi-chemin dans son exercice, elle demeure lourdement endettée et se concentre maintenant dans un créneau vulnérable aux aléas de l’économie. La plupart des analystes ont souligné le travail de la haute direction de l’entreprise depuis le début de l’année, mais maintiennent les yeux rivés sur certains indicateurs.

« Nous sommes satisfaits du niveau d’exécution depuis le déploiement du plan de redressement, mais nous préférons demeurer sur les lignes de côté, car nous estimons que le niveau d’endettement est encore trop élevé », a souligné Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins, dans un rapport où il se penche sur les résultats du deuxième trimestre de l’entreprise.

À la fin du deuxième trimestre, au 30 juin, la dette brute de Bombardier s’établissait à environ 7,4 milliards US. Depuis le début de l’année, elle a été réduite de 2,7 milliards US.

En s’adressant aux analystes financiers, jeudi, le président et chef de la direction du constructeur de jets d’affaires, Éric Martel, a voulu se montrer rassurant sur ce point en expliquant qu’à court terme, c’est un peu plus de 1 milliard US (une tranche de dette de 514 millions US qui arrive à échéance en octobre 2022 et une autre de 534 millions US en janvier 2023) qu’il fallait rembourser ou refinancer.

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Éric Martel, président et chef de la direction de Bombardier

« Cela nous placera dans une excellente position parce que si nous y parvenons, et c’est notre objectif, la prochaine échéance sera en décembre 2024 », avait souligné M. Martel.

À la Banque Scotia, Konark Gupta prévoit que le ratio d’endettement de Bombardier sera approximativement quatre fois le bénéfice d’exploitation ajusté en 2025 – l’année où le plan de M. Martel doit culminer –, tandis que l’entreprise prévoit qu’il sera de trois fois le bénéfice d’exploitation ajusté.

De l’avis de l’analyste, cela demeure trop élevé. Un niveau acceptable ne devrait pas dépasser deux fois les profits ajustés, croit M. Gupta.

Nous croyons qu’une entreprise exclusivement présente dans le segment des avions d’affaires et qui n’a pas encore établi sa crédibilité auprès des investisseurs ne peut [avoir un ratio aussi élevé] dans un contexte où la concurrence augmente.

Konark Gupta, analyste à la Banque Scotia, dans un rapport à ses clients

Bonne poussée

Malgré tout, depuis le début de l’année, Bombardier profite de l’intérêt grandissant que portent les ultrariches et les voyageurs fortunés à ces produits. C’est ce qui permet à l’avionneur de s’attendre à livrer 120 appareils d’ici la fin de décembre, tandis que sa prévision précédente oscillait entre 110 et 120 jets.

Des livraisons supplémentaires ainsi qu’une croissance de ses activités de service après-vente constituent des éléments qui devraient ajouter 200 millions US à son chiffre d’affaires annuel, qui passera à 5,8 milliards US.

À la Bourse de Toronto, vendredi, l’action de catégorie B de Bombardier a touché un sommet des 52 dernières semaines en se négociant temporairement à 1,75 $. Elle a clôturé à 1,72 $, en hausse de 12 cents, ou 7,5 %. En début d’année, le titre valait 47 cents.

Selon la firme WingX, à l’échelle mondiale, en juillet, l’activité a affiché une croissance de 13 % par rapport à la même période en 2019 – avant la pandémie de COVID-19. Aux États-Unis, principal marché de l’avionneur, la croissance du nombre de vols était estimée à 25 %.

La crise sanitaire a bénéficié à l’aviation d’affaires, puisque des ultrariches se sont tournés vers les jets d’affaires pour se déplacer, ce qui stimule les ventes. Bon nombre de compagnies aériennes ayant réduit leurs services, les voyageurs mieux nantis ont fait appel aux exploitants de flottes d’avions d’affaires qui louent des appareils à l’heure.

Mais au fur et à mesure que les compagnies aériennes se relèveront de la pandémie, cette tendance se maintiendra-t-elle ? Cette question préoccupe M. Gupta.

« Nous sommes préoccupés d’une inversion des conditions », a relevé l’analyste.

Chez ATB Capital, Chris Murray a rappelé que le marché des avions d’affaires ne tardait pas à ressentir les soubresauts de l’économie.

Bombardier pourrait ainsi être touchée plus rapidement que ses principaux concurrents, comme General Dynamics (Gulfstream), Dassault (Falcon) et Textron, également présents dans d’autres secteurs, comme la défense, ce qui leur permet de mieux résister aux turbulences économiques.

En moyenne, le cours cible des analystes qui suivent les activités de Bombardier est d’environ 1,62 $ l’action, selon la firme de données financières Refinitiv. La cible était aux alentours de 1 $ au début du mois de juillet.