De l’autoroute 40, à votre gauche quand vous arrivez à Trois-Rivières en provenance de Montréal, l’usine La Fernandière ne paie pas de mine. Une façade avec une rangée de fenêtres à l’étage, bordée par un terrain boisé et une entreprise de climatisation.

Et pourtant... Si la saucisse était au menu d’un de vos barbecues cet été, les probabilités sont fortes qu’elle ait été hachée, assaisonnée et poussée dans des boyaux à cette usine. C’est ici, dans cette usine acquise par Olymel en 2016, mais dont les origines remontent à 1948, qu’on fabrique les saucisses La Fernandière et Lafleur qu’on retrouve dans presque tous les supermarchés québécois.

26 saucisses par Québécois

« C’est très grand, il y a énormément de saucisses qui sortent de l’usine tous les jours », précise Yanick Gervais, qui a été copropriétaire et PDG de La Fernandière de 2005 à 2016 et est le petit-fils du cofondateur Fernand Colbert.

Beaucoup de technologie a été installée, de la robotisation pour les tâches les plus routinières. C’est l’usine en Amérique du Nord qui doit avoir le plus de chaînes automatisées.

Yanick Gervais, vice-président principal, opérations, chez Olymel et petit-fils du fondateur de La Fernandière

PHOTO FRANÇOIS GERVAIS, LE NOUVELLISTE

L’usine La Fernandière, à Trois-Rivières, c’est 35 saveurs, 185 employés, 31 000 pieds carrés. Et 222 millions de saucisses produites chaque année, soit 26 saucisses en moyenne par Québécois.

Des chiffres ? 35 saveurs, 185 employés, 31 000 pieds carrés. Et 222 millions de saucisses produites chaque année, soit 26 saucisses en moyenne par Québécois.

Mais La Fernandière, c’est d’abord et avant tout une histoire de famille. Fondée il y a trois quarts de siècle par deux associés et amis, Fernand Colbert et Fernand Pratte (d’où son nom), l’entreprise s’est d’abord installée dans une ancienne pâtisserie où on produisait du boudin. Elle passe aux mains du fils de M. Colbert, Jimmy, en 1982, et se diversifie dans la saucisse, la tête fromagée, les cretons et d’autres charcuteries.

Yanick Gervais, lui, travaillait dans la première usine de son grand-père maternel, boulevard des Récollets à Trois-Rivières, dès l’âge de 12 ans. Il y est revenu en 2005 à titre de copropriétaire et, fort de son expertise en comptabilité et en fiscalité, en est devenu le PDG.

Vente-surprise

PHOTO FOURNIE PAR OLYMEL

Compte tenu des consignes sanitaires liées à la COVID-19, aucun visiteur n’est autorisé depuis mars 2020.

Ce n’est qu’en 2012 qu’on a déménagé l’usine à son emplacement actuel, boulevard Louis-Loranger en bordure de l’autoroute 40. Et c’est en 2016 qu’on a accepté l’offre d’achat d’Olymel. Aujourd’hui, La Fernandière est un des 35 établissements du géant québécois de la charcuterie, qui a confié à M. Gervais la supervision de ses usines et centres de distribution à titre de vice-président principal aux opérations.

La vente à Olymel en 2016, se rappelle-t-il, « était vraiment une surprise, ce n’était pas dans les plans ».

« Il n’y a rien à vendre jusqu’à ce que le prix soit bon, dit-il en riant. Ce qui nous a séduits, c’était que ça garantissait les emplois à Trois-Rivières, ça permettait un agrandissement. Ils ont maintenu la marque, la totalité des emplois et en ont créé. »

La majorité des dirigeants et employés de l’époque sont toujours là, précise-t-il. « La vice-présidente est aujourd’hui directrice de l’usine. Les gens sont restés, les valeurs sont très similaires, ça allait au-delà de l’argent. »

Un des employés fête ses quatre décennies de service, plusieurs comptent également leur ancienneté en dizaines d’années, ajoute-t-il. Comme le fait le Canadien de Montréal, on a institué la tradition d’accrocher en hauteur les vestes d’employés fidèles. Ce « panthéon » compte jusqu’à maintenant six membres.

Saucisses et légendes urbaines

Et à quoi ça ressemble, une usine de production de saucisses ? Compte tenu des consignes sanitaires liées à la COVID-19, aucun visiteur n’est autorisé depuis mars 2020, de sorte que La Presse n’a pu accéder aux installations. Olymel a transmis une vidéo qui montre des installations qui ressemblent à des laboratoires, avec des kilomètres de saucisses défilant à toute allure devant des employés vêtus de vestes blanches.

Le grand public, en passant, n’y était pas admis même avant la pandémie, et aucune vente au détail n’est effectuée sur place. Inutile donc de s’y arrêter dans l’espoir de mettre la main sur la plus récente cargaison de saucisses bacon-cheddar ou à l’érable.

M. Gervais évoque avec amusement les légendes urbaines concernant la confection des saucisses. Il précise d’entrée de jeu qu’à cette usine, la méthode demeure artisanale malgré l’automatisation. Ce n’est pas ici, notamment, qu’on fabrique les fameuses et mystérieuses saucisses à hot-dog fumées.

« C’est de la viande avec des épices, ce n’est pas plus mystérieux, dit le vice-président. Du bœuf, de l’agneau ou du porc qu’on assaisonne, pour lequel on a toujours préconisé les meilleurs ingrédients. On ne tombe pas dans “l’assaisonnement à saveur de”... On achète notre érable au Québec, le bacon, c’est du vrai bacon. »

La viande, une fois hachée, est de la même qualité que celle qu’on vend telle quelle dans les supermarchés. « On se fait des hamburgers avec cette viande-là. La qualité est très bonne, c’est normalisé. Si c’est écrit “porc”, c’est du porc, pas une patente bizarre. »

Et on en mange beaucoup, des saucisses, quand on travaille dans ce domaine ? « J’ai des filles de 10, 12 et 14 ans, c’était le repas le plus populaire et c’est encore le cas, répond M. Gervais. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un dont les enfants n’aimaient pas la saucisse, c’est universel. »

Quant aux employés, précise-t-il, ils ont droit à des rabais sur les produits et, surtout, à de fréquentes séances d’essai volontaire. « On est souvent en rencontre, quelqu’un arrive avec une assiette de saucisses pour faire des tests. Disons qu’ils ont l’occasion d’en goûter souvent ! »

Usine La Fernandière

Trois-Rivières 
185 employés
31 000 pieds carrés