Bien que les clients soient nombreux et que les tables se réservent rapidement, les restaurants, qui ont recommencé à accueillir des gens depuis près d’un mois, mettront environ un an à redevenir rentables, selon Restaurants Canada.

Pour maximiser les sources de revenus, certains établissements, même haut de gamme, continueront à préparer des plats à emporter, une habitude maintenant ancrée chez les consommateurs, estime-t-on.

« Ça va prendre à un restaurant moyen environ 12 mois juste pour revenir à la rentabilité. Les restaurants sont encore à risque », soutient Olivier Bourbeau, vice-président, affaires fédérales et Québec, de Restaurants Canada, qui compte 32 000 membres, dont 6400 dans la Belle Province.

Les dettes accumulées pendant la pandémie et les mesures sanitaires, qui obligent notamment les restaurateurs à observer une distance de deux mètres entre chaque table, expliquent en partie cette difficulté à se maintenir la tête hors de l’eau, selon M. Bourbeau.

Les marges bénéficiaires sont tellement petites que lorsqu’on est limités à 50 % de notre clientèle, c’est sûr qu’on n’arrive pas. Les restaurateurs ont pris des prêts par-dessus des prêts par-dessus des prêts pour survivre. Des restaurateurs m’appelaient en pleurs, découragés, en me disant : “Je paye de ma poche le salaire de mes employés et je veux garder mon monde.”

Olivier Bourbeau, vice-président, affaires fédérales et Québec, de Restaurants Canada

C’est ce qui explique pourquoi il est parfois difficile d’obtenir une table à la dernière minute. « Les gens réservent, mais on refuse beaucoup parce qu’on fonctionne à 50 %, 60 % de notre capacité », souligne le chef Normand Laprise, propriétaire du Toqué !, de la Brasserie T ! et du Beau Mont. Il croit pouvoir redevenir rentable lorsque ses restaurants fonctionneront selon une certaine « normalité », donc au moment où il pourra occuper 100 % de l’espace de ses salles à manger.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Normand Laprise, propriétaire du Toqué !, de la Brasserie T ! et du Beau Mont

Pour ajouter au supplice, la pénurie de main-d’œuvre fait en sorte que certains établissements doivent ouvrir selon un horaire réduit, ce qui diminue encore les possibilités de faire des ventes.

« [Au Portus], je ne suis pas capable d’ouvrir le midi, je n’ai pas assez de staff, explique Helena Loureiro, chef propriétaire du Portus et de l’Helena. Je suis à 40 % de ma capacité parce que je manque de main-d’œuvre. »

Les commandes à emporter vont rester

Histoire d’aller chercher des revenus ailleurs, Helena Loureiro a donc décidé de continuer à préparer des commandes à emporter. Toutefois, elle a cessé ses livraisons. « Je vais essayer de garder cette formule-là. C’est quand même intéressant pour moi. Il y a encore des gens qui ont peur d’aller au restaurant, croit-elle. Je pense que je vais garder ça au moins jusqu’au printemps l’année prochaine. Il y a une demande pour ça. »

Le Groupe ZIBO ! (10 restaurants ZIBO ! et Vertigo), qui vient tout juste d’ouvrir un restaurant-bar Vertigo à Brossard et qui comptera un nouvel établissement ZIBO ! aux Promenades St-Bruno à l’automne, continuera également à prendre les commandes des clients qui désirent emporter des plats à la maison. « On ne peut renier qu’on a passé 12 mois à faire du take out. C’est une expérience acquise qui n’est pas négligeable, explique Hugues Bourque, président du Groupe ZIBO ! C’est une business qu’on ne veut pas laisser de côté. »

Selon lui, les gens vont commander plus qu’avant la crise, mais moins que pendant la pandémie.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Marc Tremblay, propriétaire et président du conseil d’administration des restaurants Pacini

« Je pense que c’est une habitude qui a été créée et qui va être là pour longtemps, ajoute pour sa part Pierre-Marc Tremblay, propriétaire et président du conseil d’administration des restaurants Pacini. Sauf que dans de nombreux restaurants, on n’a plus les ressources humaines pour faire les deux. [Dans ces établissements-là], on ne peut pas prendre de commandes à emporter pendant un certain temps. »

D’autres restaurateurs ont toutefois décidé de mettre un frein à ce service qu’ils ont momentanément offert. C’est le cas de Normand Laprise, qui va toutefois continuer à faire fonctionner son comptoir d’épicerie, mis en place pendant la pandémie. « Pour l’instant, on va juste restructurer nos restaurants, c’est déjà pas mal, dit-il. [Pour les restaurateurs] qui sont dans les quartiers résidentiels, il y a un côté intéressant aux commandes à emporter parce que les gens se sont habitués à ça. Après, c’est de voir comment ils vont pouvoir le faire avec leur service, selon l’espace qu’ils ont. Ça reste que ça prend beaucoup d’espace. Ce sont des boîtes. Je n’ai jamais vu autant de boîtes de ma vie. »