QScale, qui poursuit un projet multimilliardaire de centres de traitement de données, est en discussion avec les Serres Demers pour son campus de Lévis. Le cofondateur de QScale, Martin Bouchard, veut récupérer la chaleur dégagée par ses futurs centres de serveurs de calculs au service de l’intelligence artificielle pour chauffer des serres de fruits et légumes à un moment où le Québec souhaite augmenter son autonomie alimentaire.

« À un kilomètre et demi de notre site à Lévis, nous avons les Serres Demers avec qui on a eu des discussions sérieuses, effectivement, confie à La Presse celui qui a fondé le moteur de recherche Copernic. On pourrait travailler avec eux et se servir de ces serres-là déjà en place à un kilomètre et demi. L’énergie, ça circule bien dans les tuyaux. Sur notre image [du complexe de Lévis], on met les serres juste à côté, mais en théorie, on est capables d’aller un peu plus loin. »

Les Serres Demers ont fait parler d’elles dernièrement pour de mauvaises raisons. Un reportage de Radio-Canada montrait les piètres conditions d’hébergement de ses travailleurs étrangers. Face à la vindicte populaire, son propriétaire, Jacques Demers, a dû s’excuser publiquement et promettre de corriger la situation sans tarder.

La construction du complexe est commencée à Lévis depuis un mois. La livraison est prévue pour novembre 2022. Martin Bouchard et ses associés Dany Perron et Vincent Thibault, qui ont investi 30 millions dans le projet jusqu’à présent, ont bon espoir d’annoncer la phase 1 du centre de calcul du futur dans les prochains mois avec le dévoilement des partenaires et des détails du montage financier. Des centaines d’emplois pourraient être créés.

QScale est notamment en discussion avec Investissement Québec, bras financier du gouvernement, qui est à pied d’œuvre pour permettre au gouvernement d’atteindre son objectif de doubler la production serricole d’ici 2025. Le Québec comptait 123 hectares de serres de fruits et légumes en 2018.

« On a fait beaucoup d’investissement dans les serres au cours des derniers mois, dit Guy LeBlanc, PDG d’Investissement Québec, au moment du dévoilement des résultats financiers de son organisation la semaine dernière. La production va devenir plus variée, pas seulement des tomates et des concombres. Il va y avoir une plus grande variété de fruits et légumes. »

Producteur de serres verticales comme voisin

Comme un hasard ne vient jamais seul, le producteur de verdure Goodleaf, de Nouvelle-Écosse, convoite un terrain à proximité des futures installations de QScale dans l’Écoparc de Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud de Montréal.

La société qui a McCain comme principal actionnaire exploite un site en Nouvelle-Écosse qui lui sert de centre de recherche, et elle a ouvert sa première ferme commerciale verticale éclairée au système DEL à l’automne 2019 à Guelph, en Ontario.

« Je n’ai pas d’entente avec eux », dit, à propos de GoodLeaf, Martin Bouchard. On n’a pas eu de discussion avec des gens haut placés à ce stade-ci. On les connaît. Nos consultants qui travaillent sur le dossier les ont identifiés comme un joueur très important. »

L’un de ces consultants est André Gosselin, cofondateur de Savoura. M. Bouchard le présente comme une sommité internationale de la récupération d’énergie. M. Gosselin a aussi dirigé le département de phytologie de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.

« Je prévois les contacter sous peu pour mieux les connaître, dit pour sa part Jeff McKinnon, directeur financier de GoodLeaf, en parlant de QScale, dans un entretien téléphonique. Je pense qu’il y a beaucoup de synergies entre les deux entreprises pour ce qui est des produits. Eux et nous poursuivons l’objectif de construire des installations de production destinées à fournir des aliments de qualité au marché local. Nous sommes excités de les avoir comme voisins. »

Le terrain convoité se trouve à l’intersection du boulevard Clairevue et du rang des Vingt-Cinq Ouest, à moins de deux kilomètres du terrain de QScale. « Si tout se déroule comme prévu, nous nous installerons [là], indique M. McKinnon. Nous espérons acquérir le terrain d’ici la fin de l’été et pouvoir commencer la construction peu après. »

PHOTO FOURNIE PAR GOODLEAF

L’objectif est de construire un complexe par phases estimé à plus de 50 millions de dollars, selon M. McKinnon. Celui-ci dit discuter avec plusieurs partenaires québécois, dont Hydro-Québec, Investissement Québec et le ministère de l’Agriculture.

Questionné à propos de l’intérêt pour un producteur agricole de cultiver sur un terrain industriel hors de prix plutôt que sur une terre agricole, M. McKinnon a répondu en parlant de son modèle d’affaires qui mise sur la proximité entre la ferme et les consommateurs. Son modèle repose aussi sur la technologie. Environ la moitié des 70 futurs travailleurs seront des diplômés comme des ingénieurs et des scientifiques. « Être près de la ville, dit-il, nous donne accès à ces talents. »