Bluewake est un appareil qui émet une lumière bleue dont l’intensité varie selon l’éclairage ambiant. Il permet aux travailleurs de nuit de rester alertes et de mieux dormir le jour, tout en diminuant les risques d’accident.

Qui ?

Il faut remonter à 2009, alors qu’un professeur de l’Université Laval et chercheur au centre de recherche CERVO, Marc Hébert, fonde la société Chronophotonix. Spécialiste de la chronobiologie, de l’ophtalmologie et des cycles circadiens, il a conçu un appareil, le Bluewake, décrit comme un « stimulateur biologique de l’éveil ».

En mars 2016, Jacques Dénommée, qui a notamment travaillé pendant 18 ans en capital-risque pour la Banque de développement du Canada (BDC), devient président de Chronophotonix. La petite entreprise prend ensuite le nom de son produit vedette, Bluewake, et entre en phase de commercialisation active en janvier 2020. Aujourd’hui, M. Dénommée en est le seul employé à temps plein dans les locaux de l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal. Il compte sur trois équipes distinctes, à forfait, pour l’ingénierie, la recherche et les ventes totalisant quelque 25 personnes.

Le produit

Le Bluewake ressemble à un téléphone cellulaire qui ne ferait qu’une seule chose : afficher de la lumière bleue de courte longueur d’ondes, entre 435 et 540 nanomètres, à une intensité variable selon la luminosité ambiante détectée par ses capteurs. Il est vendu environ 750 $ avec son support et son adaptateur pour être branché sur l’allume-cigare.

L’appareil est conçu pour être placé à moins d’un mètre de tout travailleur de nuit, camionneur, opérateur en usine ou dans une mine. Il simule la lumière bleue naturelle, envoyée par le soleil surtout entre 4 h du matin et 16 h, dont sont privés ces travailleurs.

« On a 150 rythmes qui sont affectés quand la lumière bleue apparaît, explique Jacques Dénommée. La mélatonine, l’hormone du sommeil, cesse d’être produite, la digestion démarre, on devient performant, alerte, éveillé. »

À l’opposé, les travailleurs de nuit souffrent d’un déficit de lumière bleue qui les rend moins attentifs, complique leur digestion et les met parfois dans un état de demi-sommeil. « On estime que le travail de nuit coûte 150 milliards par année en Amérique du Nord à cause du nombre plus élevé d’erreurs, d’accidents, de maladies chez les travailleurs », précise le PDG.

Des études, dont plusieurs signées par le DHébert et publiées dans des revues scientifiques, ont permis d’établir que l’utilisation de la lumière bleue permettait de réduire significativement l’incidence d’accidents au travail.

Conséquence intéressante, un éveil plus complet de nuit favorise par la suite un meilleur sommeil de jour.

Mon père était travailleur de nuit, je l’ai vu arriver toute sa vie complètement beurré le matin, mais il avait de la misère à s’endormir de jour après avoir passé toute la nuit à moitié endormi.

Jacques Dénommée, PDG de Bluewake

Pour l’instant, le Bluewake n’est offert qu’à des entreprises. Huit ont déjà passé une commande, dont la plus récente est Canadian Malartic, qui exploite en Abitibi la plus grande mine d’or à ciel ouvert du Canada.

On prévoit l’offrir au simple consommateur à moyen terme.

Les défis

Il a fallu quelques années pour finaliser l’aspect technique du Bluewake, une étape officiellement franchie depuis un an, alors qu’on a commencé à le commercialiser.

Le principal défi, maintenant, est de le faire connaître. « C’est une nouvelle technologie, rappelle le PDG. J’ai vécu ça avec beaucoup de clients en tant qu’investisseur en capital-risque. Maintenant, je le vis en expérience directe. »

L’autre complication, surtout lourde pour une PME, c’est l’approvisionnement en composants. « On n’a pas un gros fonds de roulement et, en ce moment, il peut y avoir jusqu’à 52 semaines de délai. C’est quelque chose que les petites entreprises n’ont peut-être pas les moyens d’absorber. »

L’avenir

La commercialisation à l’étranger va bon train, avec des clients qui se sont manifestés en France, au Mexique et, tout récemment, en Afrique du Sud. L’entreprise espère compter un millier d’appareils installés en 2021.

La prochaine évolution technologique, pour laquelle on a déjà conçu un prototype, consiste à proposer un « Bluewake connecté ». « Il sera configurable selon l’individu, d’après sa tolérance à la fatigue, pourra être couplé à des systèmes de télémétrie, tenir compte de changements dans les conditions météo, par exemple, explique M. Dénommée. À travers une architecture connectée, on veut prendre en temps réel le pouls de l’individu. »