(Mirabel) La Compagnie Électrique Lion implantera sa future usine de fabrication de batteries et son centre d’innovation dans l’Aérocité internationale de Mirabel, dans les Laurentides, au grand dam de la ville de Saint-Jérôme où est installé son siège social.

La proximité de l’usine d’assemblage de Saint-Jérôme de même que l’accès aux autoroutes et à l’aéroport ont favorisé la municipalité, a expliqué le fabricant de véhicules moyens et lourds entièrement électriques.

Ce qui a vraiment fait pencher la balance, c’est la présence d’un vaste terrain plat de 1,6 million de pieds carrés disponible dès maintenant pour la construction de deux bâtiments ainsi que de ce qui deviendra une piste d’essai d’environ 2 km.

Et cette piste, « c’est de l’or en barre », a illustré le président et fondateur de l’entreprise, Marc Bédard, lors d’une conférence de presse jeudi qu’il tenait symboliquement à cet endroit.

« Ça va nous permettre de pouvoir tester nos véhicules en tout temps, en toute sécurité, à l’abri des regards – ce qui est important pour garder un aspect de confidentialité – mais aussi à proximité de nos installations. »

L’usine de batteries aura environ 170 000 pieds carrés et elle sera hautement automatisée. Une batterie sera produite aux cinq minutes environ, suffisamment pour électrifier 14 000 véhicules Lion par année, a noté M. Bédard.

Le démarrage des travaux est imminent et devrait être rapide. Le fabricant espère que les premières batteries sortiront de l’usine dès le deuxième semestre de 2022.

Les gouvernements du Canada et du Québec ont chacun consenti à la compagnie un prêt pardonnable de 50 millions pour s’assurer que le nouveau complexe voit le jour dans les Laurentides au début de 2023 et crée 135 emplois. L’effectif pourrait atteindre 285 personnes à terme.

Émoi à Saint-Jérôme

La Ville de Saint-Jérôme, qui a fait des pieds et des mains dans l’espoir d’accueillir les nouvelles installations de la compagnie, ne digère pas les méthodes de l’entreprise.

Lion Électrique comptait en mars dernier 465 employés à Saint-Jérôme, où elle construit des autobus électriques et des camions urbains. Les installations ont la capacité de produire 2500 véhicules par an.

La mairesse, Janice Bélair-Rolland, ne décolérait toujours pas en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne. Elle s’est dite « déçue, profondément déçue » par l’entreprise qu’elle accuse de s’être servie de sa municipalité comme « levier de négociation ».

Lion n’a toujours pas informé formellement la Ville que l’« accord de principe » conclu en novembre pour l’implantation de la nouvelle usine est tombé à l’eau. Et c’est par une publication sur Facebook qu’elle a découvert que Mirabel était dans le décor.

En vertu de l’entente, un large territoire de près de cinq millions de pieds carrés dans le du parc industriel a été réservé, empêchant d’autres développements, y compris la construction d’une école secondaire, a-t-elle insisté.

Elle dit maintenant craindre pour la pérennité des emplois dans sa municipalité.

« Est-ce que Lion déménagera éventuellement l’ensemble de ses activités chez ADM ?, écrit-elle dans un communiqué. Quelles sont nos garanties de conserver chez nous les emplois de qualité qu’offre Lion Électrique ? »

« Il n’y a jamais rien de garanti dans la vie », a d’abord répondu du tac au tac le grand patron de Lion Électrique lorsque questionné à ce sujet.

L’entreprise dit vouloir créer un « écosystème » qui bénéficiera à la région et à l’ensemble du Québec, face à l’international. Ce ne sera pas une situation de « winner takes all », a insisté M. Bédard. Il y a de la place pour « plusieurs municipalités », dont Saint-Jérôme aux alentours du projet.

Un déménagement des installations de Saint-Jérôme vers Mirabel « n’est pas le plan », mais « un besoin d’expansion » se fera éventuellement sentir lorsque l’usine de Saint-Jérôme ne sera pas suffisamment grande.

L’entreprise assure maintenant avoir l’intention d’embaucher « plusieurs centaines de personnes supplémentaires » dans cette ville au cours des prochaines années.

Présent tout sourire lors de l’annonce, le maire suppléant de Mirabel, Patrick Charbonneau, a noté que le projet permet à la ville de poursuivre l’expansion de son parc industriel et de diversifier son assiette fiscale.

La mairesse de Saint-Jérôme continue d’accuser Aéroports de Montréal (ADM) de livrer à une concurrence déloyale à sa municipalité. Selon elle, les terrains que gère ADM sont de compétence fédérale et ils seraient détournés de leur usage principal en entrant en compétition avec des terrains municipaux.

« Ce ne sont pas des entreprises dans le milieu de l’aérospatiale, a-t-elle renchéri jeudi. On est dans le bois, dans le médical, dans la soudure et maintenant dans les batteries électriques. On n’est pas dans la mission. »

Mme Bélair-Rolland estime que ADM doit rendre publics ses contrats afin de révéler s’ils jouent selon « les mêmes règles » ou s’ils sont plutôt des « facilitateurs [qui] permettent ce déplacement de richesse foncière ».

Lors de l’annonce, le PDG de Lion a parlé d’un projet « win-win-win », puisqu’il inclut ADM, la ville de Mirabel et son entreprise. Le patron d’Aéroports de Montréal, Philippe Rainville, s’est pour sa part félicité d’avoir « réussi à positionner efficacement son site […] comme pôle aérologistique et industriel incontournable ».

En plus de l’usine de Saint-Jérôme, le fabricant dispose de deux autres sites dans les Laurentides : l’usine d’assemblage de minibus électriques à Mirabel et un centre de service, de formation et de distribution de pièces à Terrebonne.

La compagnie a annoncé récemment la construction d’une usine américaine à Joliet, en banlieue de la ville de Chicago, en Illinois, qui aura une capacité de production annuelle de 20 000 véhicules électriques.