Je ne sais pas si c’est une mauvaise nouvelle pour les boutiques Renaissance, le Village des Valeurs et l’Armée du Salut. Mais le géant européen Vinted arrive au Canada.

Grosso modo, il s’agit d’un Kijiji spécialisé dans les vêtements et les accessoires. Mais son modèle d’affaires facilite davantage les transactions entre les particuliers. Vinted sécurise les paiements, gère la livraison et permet même les retours et les remboursements.

Depuis sa fondation en Lituanie en 2008, la plateforme a fait ses preuves. Elle compte aujourd’hui 45 millions de membres dans 14 pays, dont la France, l’Espagne et l’Allemagne. Cela en fait la leader européenne dans son créneau.

« Le Canada est notre plus grande priorité à l’extérieur de l’Europe », m’a dit Maud Behaghel, directrice de la stratégie globale. Car même si l’application Vinted est présente aux États-Unis depuis 2013, ce marché ne bénéficie pas d’investissements pour son développement.

PHOTO FOURNIE PAR VINTED

La plateforme Vinted compte aujourd’hui 45 millions de membres dans 14 pays, dont la France, l’Espagne et l’Allemagne.

S’il fut une époque où porter des vêtements usagés était gênant, ce n’est clairement plus le cas aujourd’hui. C’est plutôt vu comme étant écologique, économique, moderne. Noble, même.

Résultat, c’est en explosion. Autant en Europe qu’aux États-Unis et ici.

Il faut dire que les modèles d’affaires se multiplient, se raffinent. Il y a des boutiques, des sites web, des applications, des systèmes d’échange, de location, de consigne. Même Simons a sauté dans le bateau.

Vinted profite de l’engouement. Elle compte désormais 700 employés. Début mai, la licorne lituanienne a levé 250 millions d’euros (370 millions $ CAN) pour soutenir son expansion internationale, notamment. Sa valeur dépasse les 5 milliards de dollars. Six grandes sociétés de capital-risque la soutiennent.

On y trouve des vêtements et accessoires pour femmes, hommes et enfants. Les prix sont raisonnables. Car on n’est pas dans le luxe, ici, comme c’est le cas sur Vestiaire Collective ou The RealReal qui font un tabac avec des escarpins Louboutin et des créations signées Chanel.

L’avantage de ces sites consacrés au haut de gamme – hormis les aubaines qu’on peut y dénicher –, c’est qu’ils assurent l’authenticité de la marchandise. C’est aussi l’argument de vente de LXRandCo, spécialisée dans les sacs à main d’occasion. Avant d’acquérir en ligne un modèle Birkin d’Hermès à 20 995 $, on veut avoir l’assurance que c’est un vrai.

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Maud Behaghel, directrice de la stratégie globale de Vinted

Du côté de Vinted, c’est différent. La plateforme joue essentiellement le rôle de l’entremetteuse technologique, comme le font aussi LesPAC, eBay et Facebook.

Mais elle va plus loin en ajoutant une couche de « professionnalisme » aux transactions. « Notre offre est unique », soutient Maud Behaghel, en ce sens que Vinted assure le service à la clientèle et des paiements sécurisés. Cela coûte aux acheteurs 5 % du prix de l’article et une somme fixe de 1,10 $.

Pour la livraison, le vendeur n’a qu’à imprimer l’étiquette d’envoi transmise par Vinted pour expédier sans frais son colis (la facture est assumée par l’acheteur). « Les frais de port sont élevés au Canada. Nous avons travaillé énormément pour offrir des frais raisonnables à 99 ¢ », précise Maud Behaghel.

Il n’y a pas à dire, grâce aux nouvelles technologies et aux enjeux environnementaux, l’économie circulaire se démocratise à toute vitesse.

Dans la mode, son poids économique est déjà grand. Un récent rapport d’experts en évaluait la valeur potentielle à 5300 milliards de dollars américains1. Le document a été réalisé en collaboration avec le magazine Vogue Business. Même les fashionistas ne snobent plus les vêtements d’occasion.

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L’idée d’optimiser les ressources gagne petit à petit toutes sortes de domaines. Y compris celui de la construction.

Au début de l’hiver, BizBiz Global et l’APCHQ ont lancé une plateforme unique en son genre qui permet aux entrepreneurs de vendre leurs surplus de matériaux ou de louer leur équipement inutilisé. Appelé BizBiz Construction, le site est aussi une nouvelle solution de rechange pour les entreprises qui font de la déconstruction.

« Il n’y avait pas de marché secondaire pour les rebuts de déconstruction, fait valoir Pierre Daigneault, chef de la stratégie chez BizBiz Global. Une entreprise va déconstruire un hôpital, par exemple. Elle va récupérer tout plein de portes. Des centaines de portes. Normalement, elles iraient à l’enfouissement. Mais elles peuvent être réutilisées, elles peuvent servir à d’autres entreprises ! »

Même chose pour les matériaux achetés en trop. À la fin des travaux, ils prenaient généralement le chemin du dépotoir. Misère…

Ce qui est bien, dans le contexte actuel, c’est que BizBiz Construction ne s’attaque pas uniquement à des enjeux environnementaux. C’est un outil « puissant pour répondre aux problèmes de pénurie de matériaux », souligne Pierre Daigneault. Et pour réduire les coûts de construction.

La plateforme BizBiz Share, de la même PME, permet pour sa part aux entreprises manufacturières de tous les horizons (transport, pharmaceutique, agroalimentaire) de louer leur équipement qui dort entre deux projets. Le modèle est calqué sur Airbnb.

Dans la mode comme dans la construction, l’optimisation des ressources est une question de gros bon sens.

Consultez Circular Fashion Report 2020 – Year Zero (en anglais)