L’ancien premier ministre du Québec Philippe Couillard aide quatre anciens dirigeants de Bitfarms à faire lever leur nouveau projet à forte consommation d’électricité : la construction de centres de données.

Conseiller principal au sein du cabinet d’avocats Dentons, Philippe Couillard est inscrit au registre des lobbyistes de Terre-Neuve-et-Labrador, où de jeunes entrepreneurs québécois aimeraient installer les activités de leur entreprise.

Le mandat provient d’Enovum, une entreprise créée par Pierre-Luc Quimper et soutenue par Louis Valois, Anthony Lévesque et Bahador Zabihiyan. Ces quatre ex-dirigeants de Bitfarms ont tous quitté l’entreprise de Brossard spécialisée dans le minage de bitcoins en même temps à l’automne 2019, trois mois après l’entrée en Bourse de Bitfarms.

Philippe Couillard explique que ses clients ont retenu les services de Dentons pour des services légaux et stratégiques liés à l’utilisation d’électricité notamment pour les centres de données et les ordinateurs à haute puissance.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Philippe Couillard, ex-premier ministre du Québec

« Quand des industries se présentent avec un profil de consommation d’électricité très élevé, il y a des tarifs spécifiques pour ces industries et c’est le genre d’approche qui se fait, mais c’est aussi pour éveiller l’attention au fait qu’il s’agit d’une façon parmi d’autres d’utiliser l’électricité disponible », ajoute l’ex-premier ministre québécois.

Philippe Couillard dit avoir eu quelques conversations avec des gens du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. « C’est uniquement pour leur dire : “Voilà une façon d’utiliser l’électricité économiquement productive avec les centres de données et également avec les ordinateurs à très haute puissance.” »

Décret

Ironiquement, Philippe Couillard était premier ministre du Québec il y a trois ans lorsqu’un décret a été imposé pour « limiter » le développement d’entreprises comme Bitfarms.

En juin 2018, Hydro-Québec avait demandé à la Régie de l’énergie d’encadrer l’usage cryptographique appliqué aux chaînes de blocs à la lumière des préoccupations exprimées par le gouvernement.

À l’époque, le bloc d’énergie demandé pour le bitcoin était très élevé même par rapport à la production potentielle d’Hydro-Québec. Ce n’est peut-être pas la meilleure façon d’utiliser la vaste quantité d’énergie disponible du Québec. Il y a d’autres utilisations possibles. Les centres de données sont à mon avis plus positifs sur le plan économique que la cryptomonnaie.

Philippe Couillard

L’ancien premier ministre concède que, tout comme pour les cryptomonnaies, la consommation d’électricité des centres de données est élevée. « Mais il faut voir quelle activité économique on retire et comment on peut concurrencer les grandes firmes comme les GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft] qui contrôlent la plupart de ces grands centres de données. C’est le genre d’initiative qui peut être intéressante à étudier », dit-il.

Hydro-Québec fait d’ailleurs elle-même la promotion des centres de données. En leur souhaitant la « bienvenue » sur son site, Hydro-Québec souligne que ses tarifs offerts sont « abordables et stables ».

Au Labrador ?

Si Enovum a manifestement l’intention de se développer au Québec, ses dirigeants évaluent d’autres options. « Le Labrador a une tarification d’environ le tiers de celle du Québec, mais il y a des problèmes de connectivité. On se dit que dans cinq ans, des choses auront peut-être changé en matière de connectivité à l’internet », dit Bahador Zabihiyan.

Enovum est l’extension de Globotech, la société d’hébergement web de Pierre-Luc Quimper. « On veut aller plus loin, et rendre ça beaucoup, beaucoup plus gros, forts de notre expérience avec Bitfarms », précise Bahador Zabihiyan.

« Ce n’est pas certain que ça va marcher au Labrador. C’est un long shot. Ce qui est certain, par contre, c’est qu’on veut bâtir des centres de données. Si ça ne fonctionne pas au Labrador, ça va fonctionner ailleurs parce qu’il y a une demande phénoménale pour des centres de données traditionnels au Canada », poursuit Bahador Zabihiyan.

« Les gens veulent savoir où sont leurs serveurs, si les lois les protègent bien, et si ça consomme de l’énergie propre. Les clients sont mal servis actuellement, car certains gros centres de données sont tout simplement devenus des véhicules financiers pour les fonds et le service à la clientèle est devenu très impersonnel avec l’augmentation de la taille », ajoute Bahador Zabihiyan.

« Les centres de données sont l’épine dorsale de l’internet. On sent qu’on a l’occasion d’une vie, en ce moment, de bâtir un gros joueur. »