L’affrontement entre les deux plus grands chemins de fer du pays pour l’acquisition de Kansas City Southern (KCS) a été remporté par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) puisque l’entreprise américaine a retenu son offre, même si la transaction devra franchir des obstacles avant d’arriver à destination.

Après le refus du CP de bonifier l’accord de 25,2 milliards US annoncé le 21 mars dernier, le transporteur ferroviaire américain l’a résilié, vendredi, en optant pour la proposition du CN qui lui confère une valeur de 33,7 milliards US.

Cette transaction, si elle se concrétise, permettra à l’entreprise établie à Montréal d’être le premier transporteur ferroviaire nord-américain à exploiter un réseau reliant le Canada, les États-Unis et le Mexique.

« Nous sommes ravis que KCS ait accepté de se regrouper avec le CN pour créer le premier chemin de fer du 21siècle », a indiqué le président-directeur général du transporteur ferroviaire montréalais, Jean-Jacques Ruest, dans un communiqué.

Le sort de la transaction se trouve maintenant entre les mains du Surface Transportation Board – le responsable des fusions de chemins de fer aux États-Unis –, une incertitude qui a incité le CP à demeurer dans le décor en cas d’échec du regroupement.

Le CN devra maintenant convaincre l’organisme de réglementation d’accepter sa proposition visant à mettre sur pied une fiducie avec droit de vote dans laquelle elle détiendrait les actions de KCS pendant que la transaction est examinée.

Une fiducie avec droit de vote permettrait aux actionnaires de KCS de recevoir un paiement de contrepartie complet sans avoir à attendre l’approbation du regroupement proposé par l’organisme américain, qui pourrait s’échelonner jusqu’au début de 2023.

Une nouvelle requête devait être déposée vendredi auprès du STB. La demande initiale du CN avait été rejetée.

« Le CN a estimé qu’il s’agissait de quelque chose de relativement routinier, mais à notre avis, cela est encore loin d’être assuré », a souligné l’analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, dans une note envoyée à ses clients.

Même s’il a été coiffé par son rival, le président et chef de la direction du CP, Keith Creel, qui a exprimé à plus d’une reprise des doutes sur les chances qu’un regroupement entre le CN et KCS se concrétise, n’a pas baissé les bras.

Le CP reste attentif

Dans une lettre envoyée vendredi au STB, celui-ci a indiqué qu’il était prêt à y aller d’une nouvelle offre en rappelant que l’organisme américain avait déjà accepté la demande du CP à propos de la fiducie avec droit de vote.

Le CP sera disponible pour conclure un nouvel accord afin d’acquérir KCS.

Keith Creel, président et chef de la direction du CP

L’entreprise albertaine se prépare ainsi à aller de l’avant sans délai en cas d’échec de la transaction. M. Creel a souligné que plusieurs évènements récents, notamment l’opposition du département américain de la Justice et la décision du STB d’évaluer l’offre en vertu de règles plus strictes, devraient suffire à KCS pour repousser le CN.

Le STB ne s’est pas penché sur un projet de fusion dans le secteur ferroviaire depuis les années 1990. Le contexte réglementaire a été resserré en 2001, mais les nouvelles règles n’ont pas encore été mises à l’épreuve depuis.

Entre-temps, le CN devra assumer la facture des frais de résiliation estimés à 700 millions US qui devront être versés au CP puisque son accord avec le transporteur américain a été résilié. L’entreprise montréalaise devra également verser 1 milliard US à KCS si le STB bloque le regroupement.

« Bien qu’une fusion avec KCS serait sans aucun doute positive stratégiquement pour le CN, nous estimons néanmoins que l’entreprise prend des risques financiers significatifs », a écrit M. Doerksen.

À la Bourse de Toronto, vendredi après-midi, le titre du CN se négociait à 126,14 $, en baisse de 2,13 $, ou 1,66 %. Celui du CP s’appréciait de 1 %, à 81,39 $. À la Bourse de New York, l’action de KCS gagnait 1,40 $ US, à 295,01 $ US.

Portrait du CN et de KCS

CN

  • Réseau de 31 500 km au Canada et aux États-Unis
  • Revenus de 13,8 milliards en 2020
  • Effectif de 24 577 employés

KCS

  • Réseau de 11 400 km qui s’étend jusqu’au Mexique
  • Chiffre d’affaires de 3,25 milliards l’an dernier
  • Environ 6500 travailleurs
  • Plus petit chemin de fer de classe 1 aux États-Unis (les transporteurs qui généraient des recettes d’environ 505 millions US et plus en 2019)