Le Québec doit miser davantage sur l’industrie de la transformation alimentaire parce qu’il a les atouts essentiels pour se démarquer dans ce secteur — soit de l’eau en abondance et de l’électricité accessible en quantité — et surtout parce qu’il s’agit d’un secteur d’activité créateur de forte valeur ajoutée, estime Jean Gattuso, président et chef de l’exploitation d’Industries Lassonde, qui quittera l’entreprise après 34 ans, mais qui souhaite rester encore associé au développement de l’industrie agroalimentaire québécoise.

Jean Gattuso a passé toute sa vie dans l’industrie de la transformation alimentaire. D’abord dans l’entreprise familiale, Industries Gattuso, lorsqu’il était étudiant, puis chez Catelli, après avoir décroché son diplôme universitaire en commerce, avant d’entreprendre une carrière de 34 années chez Industries Lassonde.

Lorsqu’il est entré en fonction chez Lassonde en 1987 à titre de directeur du marketing d’A. Lassonde, la plus importante division du groupe, celle qui fabrique les jus de fruits qui ont fait sa renommée, l’entreprise réalisait des revenus annuels de 80 millions.

Trente-quatre ans plus tard, Industries Lassonde affiche un chiffre d’affaires de près de 2 milliards, s’est hissée au premier rang des producteurs canadiens des jus de marques nationales et occupe le deuxième rang aux États-Unis comme producteur de jus de fruits de marques privées pour les grandes chaînes telles que Costco ou Walmart.

« J’ai commencé à penser à la retraite il y a un an. J’ai 65 ans et j’avais le goût de passer à autre chose, de m’occuper davantage de ma famille et de mes petits-enfants, mais je vais rester associé à l’industrie agroalimentaire parce que j’ai joint le conseil d’administration d’Investissement Québec qui souhaite renforcer la filière de la transformation alimentaire québécoise », m’explique le gestionnaire.

André Caillé, ex-PDG d’Hydro-Québec, m’avait un jour expliqué que l’industrie de la transformation alimentaire était le secteur industriel qui produisait le plus de valeur ajoutée à l’économie québécoise tout en consommant le moins d’énergie, ce que me confirme Jean Gattuso.

« On a deux richesses incroyables au Québec. On a de l’eau et de l’électricité à bon marché. Ce sont les deux ingrédients essentiels à l’industrie agroalimentaire. On est actif dans un secteur qui ne souffre pas des cycles économiques. Les gens doivent toujours se nourrir, qu’on soit en récession ou non », souligne-t-il.

Un phénomène que Lassonde a été pleinement en mesure d’observer l’an dernier puisque ses revenus ont augmenté de 7 % durant la pandémie alors que les consommateurs ont modifié leurs habitudes alimentaires et acheté davantage de jus de fruits.

« Et on permet aux producteurs agricoles d’écouler la totalité de leurs récoltes. Peu importe la forme du fruit ou du légume, en les transformant, on les utilise tous. Et dans certaines catégories de produits, on va jusqu’à absorber 80 % de la production annuelle des agriculteurs », enchaîne le président de Lassonde.

Jean Gattuso insiste sur le fait que le Québec a acquis une expertise solide en matière de transformation agroalimentaire avec des entreprises comme Saputo, Agropur et, bien sûr, Lassonde.

Sur une lancée nord-américaine

Au cours des cinq dernières années, Jean Gattuso s’est assuré de consolider l’équipe de direction pour assurer la transition. « On a des équipes entrepreneuriales dans chacune de nos divisions et nos gens voient grand tout en gardant les deux pieds sur terre », résume Jean Gattuso.

Le groupe a recruté l’an dernier Vincent Timpano, qui a notamment été président de Coca-Cola Canada et PDG de The Minute Maid Company Canada, pour assurer la présidence de la division américaine Lassonde Pappas Company. Il succédera à Jean Gattuso en septembre prochain comme président et chef de l’exploitation de Lassonde.

Étant lui-même le fils d’un entrepreneur, son père et ses deux oncles ayant fondé l’entreprise Gattuso en 1946, vendue en 1985, Jean Gattuso s’est toujours bien entendu avec Jean-Paul Lassonde, l’actionnaire majoritaire d’Industries Lassonde qui lui a donné la latitude nécessaire pour permettre au groupe d’élargir son empreinte à l’échelle nord-américaine.

« M. Lassonde m’a toujours donné son support. En 30 ans, on a réalisé 16 acquisitions, d’abord au Canada pour devenir un joueur national et nous assurer d’approvisionner les grandes chaînes, puis aux États-Unis, où notre réseau d’usines couvre aujourd’hui l’ensemble du territoire », explique Jean Gattuso, qui a participé la semaine dernière à sa dernière assemblée annuelle de Lassonde.

Comment entrevoit-il l’avenir de l’industrie des jus de fruits, qui a enregistré un certain déclin au cours des dernières années depuis qu’on a remis en question le taux de sucre élevé qu’ils pouvaient contenir ?

« On répond par l’innovation. On travaille sans arrêt à développer des nouveaux produits qui répondent aux besoins et aux goûts des consommateurs, des gammes de produits plus santé. On vient d’investir 30 millions dans notre division de sauces pour pâtes à Boisbriand et Saint-Damase. Des divisions qui exportent aux États-Unis 60 % de la production », expose-t-il.

Dans l’immédiat, Jean Gattuso a surtout hâte de recommencer à jouer au hockey deux fois par semaine, comme gardien de but dans sa ligue de garage, une activité qu’il pratique depuis qu’il est enfant et que la pandémie a mise sur pause depuis l’an dernier.