L’élégant bâtiment Art déco sera transformé de l’intérieur en édifice de bureaux, aux étages, au terme d’un chantier de 20 millions entrepris par le nouveau propriétaire, le Groupe Quint. La vocation commerciale de la prestigieuse adresse se limitera dorénavant au rez-de-chaussée et au sous-sol. Ce projet survient au moment où la vitalité du centre-ville est chancelante en raison de la généralisation du travail à domicile.

Inauguré en 1937, le bâtiment signé par les architectes montréalais Ross & McDonald ne sera pas transformé, à l’exception de deux rangées de fenêtres aux derniers étages sur la façade donnant sur la rue Sherbrooke. Quint a payé 25 millions pour acquérir l’ancien magasin, selon l’acte de vente déposé au registre foncier.

Ce dénouement rassurera ceux qui s’inquiétaient de l’avenir de l’immeuble depuis le déménagement du magasin de luxe rue Sainte-Catherine dans l’ancien Ogilvy, devenu depuis Holt Renfrew Ogilvy.

Le projet du Groupe Quint au 1300, rue Sherbrooke Ouest ajoutera quelque 74 000 pieds carrés de bureaux au centre-ville alors que la vitalité de ce dernier suscite des inquiétudes en raison de la popularité du télétravail. Les locaux seront prêts à aménager dès l’automne.

Une récente étude de marché d’Avison Young indique que 16 immeubles de bureaux sont en chantier dans le Grand Montréal, totalisant 3,6 millions de pieds carrés. De ce nombre, cinq sont au centre-ville, dont le futur siège social de la Banque Nationale.

Ce décompte exclut toutefois le projet de La Baie d’aménager jusqu’à 1 million de pieds carrés de bureaux à l’arrière de son magasin amiral de la rue Sainte-Catherine. Si la Ville y donne le feu vert, la tour de 25 étages serait livrée en 2027.

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La Baie entretient l’idée d’aménager jusqu’à 1 million de pieds carrés de bureaux à l’arrière de son magasin amiral de la rue Sainte-Catherine.

D’après Avison Young, le taux de disponibilité au centre-ville a atteint 12,8 % à la fin du premier trimestre de 2021, contre 8,8 % 12 mois auparavant. La croissance des locaux offerts en sous-location a considérablement ralenti durant le trimestre. Toujours selon cette agence, le secteur du centre-ville affiche le taux de disponibilité le plus faible de tous les secteurs de la région, y compris la Rive-Sud qui s’était démarquée jusqu’alors. Le centre-ville de Montréal réagit mieux également que la plupart de ceux des grandes villes nord-américaines.

Un signal de transformation

Mais pourquoi toutes ces constructions neuves alors que la disponibilité atteint son niveau le plus élevé des dernières années ?

« C’est à la fois un signal de transition et de transformation dicté par l’environnement, explique Jean Laurin, président d’Avison Young à Montréal. On voit deux bâtiments commerciaux [ceux de La Baie et de l’ancien Holt Renfrew] où l’on propose une nouvelle vision avec des activités de bureaux. »

Ça signifie que les investisseurs immobiliers ne croient pas à l’effondrement du marché des bureaux. À long terme, ils pensent que les travailleurs vont revenir au bureau.

Jean Laurin, président d’Avison Young à Montréal

Quand on analyse les signatures de baux depuis le début de la pandémie, on constate que les utilisateurs réduisent leur empreinte de 10 à 40 % selon les cas, en privilégiant des bureaux de meilleure qualité, des immeubles de catégorie A, plus modernes et plus luxueux que ceux de catégorie B.

« Nos bureaux seront uniques, dit Ian Quint, président du Groupe Quint. On va louer par étages. On vise à louer un étage par utilisateur. Les locataires vont avoir chacun leur propre lobby. On cherche à avoir de un à trois locataires maximum de façon à s’adapter aux nouvelles façons d’interagir, en évitant les interactions inutiles entre locataires dans les ascenseurs et ailleurs. »

Le Groupe Quint multiplie les acquisitions

Le groupe de M. Quint a multiplié les acquisitions dans le secteur commercial. L’homme d’affaires de 41 ans vient d’acquérir les Factoreries Tanger Saint-Sauveur pour 9,5 millions. L’endroit a été renommé Quartier Saint-Sauveur. Ian Quint entend réduire le nombre de magasins axés sur la mode pour faire place à des restaurants et à des entreprises de services. Il propose de revendre certains des immeubles aux occupants qui le souhaitent.

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Le Groupe Quint vient d’acquérir les Factoreries Tanger Saint-Sauveur pour 9,5 millions.

La même stratégie avait été suivie aux Factoreries Tanger de Bromont, maintenant Quartier Bromont, que Quint a acquis pour 8,9 millions en 2019. Son groupe est aussi devenu propriétaire d’un mail linéaire du boulevard Langelier acquis de Petra pour 7,8 millions.

Mais le Groupe Quint est tout aussi actif dans l’industriel, un secteur qui a le vent dans les voiles avec des loyers et des valeurs en forte progression. Il a acheté coup sur coup le 10251, boulevard Ray-Lawson dans le parc industriel d’Anjou pour 11,2 millions et le 721, rue Roland-Godard à Saint-Jérôme pour 30 millions. Ce dernier immeuble est occupé par le fabricant de mobilier de résidences étudiantes et d’hôtels Foliot.

Ian Quint a également conclu l’achat d’un terrain industriel de 2,5 millions de pieds carrés appartenant à la Ville de Salaberry-de-Valleyfield, près de l’autoroute 30. Le premier immeuble de 300 000 pieds carrés devrait être livré en 2022.

M. Quint, qui reste discret sur ses partenaires financiers, souhaite acquérir 2 millions de pieds carrés de bâtiments d’ici la fin de 2021. Il est rendu à l’étape de la vérification préalable à l’achat pour des propriétés totalisant 1 million de pieds carrés.

Le Groupe Quint en un coup d’œil

Ian Quint, président
Siège social : Westmount
Création : 2015
Effectif : 50 personnes
Taille du portefeuille : 10 millions de pieds carrés
Valeur de l’actif : plus de 1 milliard de dollars