(Montréal) En tardant à octroyer une aide spécifique aux compagnies aériennes et à l’industrie aéronautique dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Ottawa envoie un signal « très dangereux » qui pourrait avoir des répercussions à long terme, estime Airbus Canada.

Alors que les transporteurs canadiens risquent d’avoir des difficultés à rivaliser avec leurs concurrents internationaux ayant bénéficié d’un soutien financier, les grands donneurs d’ouvrage, comme le géant européen Airbus, pourraient hésiter à investir davantage au pays.

« Pour le monde aéronautique, on voit que le Canada est le seul pays qui a la chance d’avoir une industrie aéronautique performante qu’il ne soutient pas », a lancé le président-directeur général d’Airbus Canada, Philippe Balducchi, jeudi, alors qu’il témoignait, en compagnie d’autres acteurs du milieu, devant un comité des Communes.

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Philippe Balducchi

Pour l’entreprise, qui contrôle l’A220 — l’ex-C Series de Bombardier — et qui assemble les appareils à Mirabel ainsi qu’à Mobile, en Alabama, il faut d’abord venir en aide aux compagnies aériennes, « parce que c’est par elles que passe la demande ».

Plusieurs dizaines de milliers de licenciements ont eu lieu chez les principaux transporteurs depuis le début de la crise sanitaire à la suite de l’imposition de restrictions visant à limiter la propagation du nouveau coronavirus, ce qui a fait plonger la demande. En octobre dernier, Air Canada avait également annulé 12 des 45 commandes fermes d’A220-300 assemblés à Mirabel. WestJet vient de faire de même avec un contrat pour 15 avions Boeing 737 Max.

Le patron d’Airbus Canada a également suggéré au comité des aides d’urgence aux fournisseurs de l’industrie qui sont plus « fragiles », de soutenir la recherche et le développement et de consentir, par exemple, à des reports de remboursements pour des prêts gouvernementaux.

Le Canada demeure le seul pays du G7 à ne pas offrir une aide spécifique à l’industrie aérienne.

« Il est certain que le manque d’aide et de support à l’industrie de manière générale n’est pas un facteur encourageant pour le développement d’Airbus au Canada spécifiquement », a relaté M. Balducchi, qui n’a pas réclamé directement une aide pour Airbus Canada.

Après un départ laborieux il y a près de quatre mois, les discussions à propos d’une aide sectorielle se sont récemment accentuées, atteignant une allure permettant qu’on les qualifie de négociations. Toute entente comprendrait une résolution sur les remboursements des passagers, un plan pour le retour en service sur les marchés régionaux et un soutien financier pour le secteur aéronautique.

Selon l’Association du transport aérien international (IATA), qui représente 290 compagnies aériennes à travers le monde, les transporteurs devraient perdre entre 75 milliards US et 95 milliards US cette année en dépit des espoirs suscités par la vaccination massive.

Malgré la crise, a ajouté M. Balducchi, le géant européen a décidé d’aller de l’avant avec certains projets, comme une version de luxe de l’A220 destinée aux mieux nantis ainsi que l’ajout d’activités de préassemblage à Mirabel.

Par ailleurs, M. Balducchi a expliqué que pour l’A220, la crise a fait reculer le programme « d’approximativement deux ans, en plus d’avoir un impact » sur les ventes.

Trois appareils sont mensuellement produits à Mirabel, a-t-il expliqué, en ajoutant que la cadence devrait augmenter cette année. On retrouve environ 2500 travailleurs sur le site, soit environ 300 de moins qu’avant la crise sanitaire. Depuis l’an dernier, le couperet est également tombé chez d’autres joueurs d’envergure comme Bombardier et Pratt & Whitney Canada (P&WC).

À la fin de 2019, environ 43 100 personnes travaillaient dans l’industrie aérospatiale québécoise. Plus de 4500 postes se sont envolés en raison de la pandémie.

En 2020, Airbus a livré 38 appareils A220, par rapport à 48 l’année précédente.

Le mois dernier, dans le cadre d’une conférence téléphonique visant à discuter des résultats annuels, la haute direction d’Airbus avait indiqué que l’objectif de rentabilité pour l’A220 avait été repoussé d’un an, soit à 2026.

Il faudra encore injecter plusieurs centaines de millions de dollars dans le programme, selon l’avionneur.