Les magasins Dollarama sont responsables de 21 % de toutes les infractions aux règles sanitaires en milieu de travail constatées entre mars et décembre dernier. Les 11 infractions aux règles de la CNESST ont toutes eu lieu entre novembre et décembre.

La Presse a obtenu un document de la Commission des normes, de l’équité et de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui recense 53 constats d’infraction remis pour non-respect des règles sanitaires dans tous les milieux de travail de la province entre mars et décembre 2020. Onze de ces constats, soit 21 %, ont été distribués à des magasins de la chaîne de produits à bas prix Dollarama.

Des entreprises de construction ont aussi reçu entre elles une douzaine de constats de la CNESST. Des CHSLD publics et privés en ont reçu cinq. Les autres constats ont été remis à des entreprises de différents secteurs comme l’excavation, l’alimentation, la réparation automobile et le commerce de détail. Deux entreprises ont reçu deux constats chacune. C’est donc dire que Dollarama est dans une classe à part.

Le 15 janvier dernier, la CNESST a d’ailleurs publié un communiqué sur son site web afin d’annoncer le nombre élevé d’infractions recensées dans des magasins de l’entreprise montréalaise. La Commission rapportait avoir visité 68 magasins Dollarama et avoir remis 124 avis demandant la correction d’une situation. De ces 124 avis, 11 ont mené à des constats d’infraction.

Nous avons été surpris et déçus d’être visés de cette façon.

Lyla Radmanovich, porte-parole de Dollarama, par courriel vendredi

L’entreprise dit collaborer avec la CNESST et avoir mis en œuvre des protocoles de façon rigoureuse et conformément aux directives.

L’entreprise affirme également avoir reçu les constats d’infraction seulement après la publication du communiqué de la CNESST et être toujours en attente d’une réponse quant à la nature des faits qui lui sont reprochés.

La CNESST n’a pas répondu aux questions de La Presse vendredi après-midi.

Seulement cinq entreprises ont plaidé coupable et quatre d’entre elles ont écopé d’amendes de 2628 $. Une entreprise n’a eu qu’à payer 1171 $. Les autres ont plaidé non coupable ou n’ont pas encore reconnu ou nié leur culpabilité. Selon les documents consultés, Dollarama n’a pas donné de réponse pour ses constats.

Trois régions ciblées pendant un mois

Les constats d’infraction sont concentrés à la fois dans le temps et dans l’espace. Cinq constats ont été donnés à des magasins de la Montérégie, quatre dans la région de la Capitale-Nationale et deux en Gaspésie. Ils ont tous été dressés sur une période d’un mois précédant la période des Fêtes, soit entre le 12 novembre et le 14 décembre.

Un rapport d’inspection de la CNESST que La Presse a pu consulter témoigne de la situation dans un magasin Dollarama de Saint-Jean-sur-Richelieu en Montérégie.

L’inspecteur Martin Bergeron de la CNESST a d’abord rendu visite au magasin du boulevard du Séminaire Nord le 10 décembre.

Il remarque que les employés ne portent pas de masques médicaux (dits de « procédure »), mais plutôt des couvre-visages en tissu, ce qui contrevient aux règles sanitaires. Des employés qui ne respectent pas la distanciation de 2 mètres avec les clients travaillent également sans avoir les lunettes de protection requises.

M. Bergeron informe les responsables du magasin et leur donne jusqu’au 13 décembre pour corriger ces deux infractions.

Le 14 décembre, l’inspecteur revient sur les lieux. Il remarque que les employés portent désormais des masques d’intervention (de « procédure »), mais toujours pas de lunettes de protection.

Les responsables du magasin informent l’inspecteur qu’ils « ont reçu une directive de la maison mère d’attendre avant d’effectuer les correctifs demandés à la suite de [son] intervention du 10 décembre ».

Les gérants du magasin et la superviseure suppléante pour la région de la Montérégie chez Dollarama n’ont pas voulu confirmer que le magasin de Saint-Jean-sur-Richelieu avait bien reçu des constats d’infraction, ni si la situation avait été réglée depuis.

Situations problématiques au centre de distribution l’été dernier

Dollarama avait également fait les manchettes l’été dernier alors que des organisations de défense des droits des travailleurs dénonçaient les conditions de travail des employés de son centre de distribution situé dans le quartier industriel de Mont-Royal.

« C’est impossible de respecter la question des deux mètres dans le centre de distribution » où sont employées environ 1000 personnes, explique Mostafa Henaway, organisateur communautaire au Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI), en entrevue.

« C’est un modèle similaire à Amazon qui exploite les travailleurs. Ici à Montréal, ce sont surtout des personnes racisées, sans statut, embauchées par des agences de placement », expliquait Mohammed Barry, ancien travailleur de Dollarama et instigateur de la campagne Statut pour les Guinéens, l’été dernier.

Il affirmait alors que les conditions de travail étaient précaires et que la sécurité des salariés n’était pas prise au sérieux.

La cause a fait l’objet de plusieurs manifestations et actions citoyennes depuis le début du confinement, en mars 2020.

En juin dernier, une soixantaine d’employés de Dollarama et de manifestants réclamaient de meilleures mesures de santé et de sécurité afin de lutter contre la COVID-19.

Avec Mayssa Ferah et William Leclerc, La Presse