Le spécialiste de la gouvernance Michel Nadeau suggère à la direction d’Agropur de discuter avec Québec, la Caisse de dépôt et le Fonds FTQ pour revoir à la baisse le rendement exigé sur les parts privilégiées que ces investisseurs détiennent.

La coop agricole ayant des revenus annuels de 7,7 milliards connaît des ennuis financiers causés par un surendettement découlant d’une série d’acquisitions réalisées sous le règne de Robert Coallier à titre de grand patron.

« Il faudra renégocier ces parts privilégiées, a proposé M. Nadeau. C’est humiliant. Il faut se mettre à genou, un peu, devant la Caisse et le Fonds de solidarité et leur dire “Regardez, on ne peut pas vous payer du 6-7-8 % par an”. »

L’ancien numéro deux de la Caisse de dépôt a partagé cette piste de solution dans le cadre d’une interview télévisée sur la chaîne internet de l’Institut Jean-Garon, diffusée mercredi et disponible en ligne. L’institut se veut un lieu d’échanges pour mieux développer un modèle agroalimentaire à la mesure des besoins des Québécois.

Dans un entretien d’une trentaine de minutes, M. Nadeau a souligné que le transformateur laitier devait consacrer une part trop grande de ses bénéfices tirés de l’exploitation au paiement des frais financiers et de dividendes sur les parts privilégiées.

« Le volume d’affaires va bien avec un excédent d’exploitation de 459 millions en 2020, fait-il valoir. Là où le bât blesse, c’est la gestion de l’endettement. Depuis 5 ans, près du tiers des revenus de 2,2 milliards tirés de l’exploitation est allé aux prêteurs, soit 737 millions. Il y a un problème avec la structure de la dette, qui a été mal bâtie et qui coûte trop cher. »

Au départ, le taux annuel du dividende sur les deux séries de parts privilégiées était de 5,9 % et de 6,55 %. En manque de liquidités, Agropur a reporté le paiement des dividendes en 2020, une échappatoire prévue, mais qui entraîne des pénalités d’un point de pourcentage par semestre de retard. Le rendement annuel des dividendes est ainsi passé de 5,9 à 8,9 % et de 6,55 à 9,55 %, alourdissant la facture à payer.

Ces parts privilégiées sont détenues par Investissement Québec, Caisse de dépôt, Fonds FTQ, Fondaction CSN, Capital coopératif Desjardins et Banque Nationale. « Ce sont des chums », a résumé M. Nadeau, ancien numéro du gestionnaire d’actif des régimes publics de retraite et d’assurance des Québécois.

Agropur doit racheter 470 millions de ces parts privilégiées d’ici avril 2022 à défaut de quoi une nouvelle pénalité d’au moins 1,25 % sera applicable sur le taux du dividende semestriel. Le propriétaire des marques Québon, Natrel et Oka doit aussi refinancer des dettes de 878 millions d’ici août 2022.

Fin 2020, Agropur a vendu coup sur coup une usine au Michigan et sa division de yaourts Iögo dans le but de réduire ses dettes.

Québec aux aguets

Dans un courriel envoyé jeudi dernier, le cabinet du ministre de l’Agriculture (MAPAQ) André Lamontagne a dit parler à la direction d’Agropur et suivre la situation de près.

« Le gouvernement du Québec est conscient de l’importance d’Agropur pour l’économie de la province et de nos régions. Il est attentif à la situation d’Agropur qui contribue à soutenir l’autonomie alimentaire du Québec. Le MAPAQ continuera de suivre de près la situation et d’accompagner Agropur dans la poursuite de ses objectifs, en collaboration avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation. »