En lançant mercredi une offre publique d’acquisition amicale sur le constructeur suédois Handicare, l’entreprise lavalloise Savaria est en voie de devenir le leader mondial des solutions d’accessibilité pour personnes à mobilité réduite. En doublant pratiquement ses revenus et en élargissant de façon considérable son réseau de distribution, Savaria sera en mesure d’offrir la gamme de ses produits qui sont complémentaires à ceux de son ancien concurrent.

Je n’avais jamais entendu parler de Savaria avant d’assister, il y a cinq ans, à l’assemblée annuelle de ses actionnaires. Je m’y étais rendu parce que j’étais curieux de savoir ce qui expliquait que la valeur de son titre boursier avait explosé de 500 % en cinq ans.

Son PDG, Marcel Bourassa, m’avait expliqué simplement que les analystes et les investisseurs commençaient à comprendre et à s’intéresser à son entreprise parce que ses activités étaient directement liées au phénomène du vieillissement de la population.

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Marcel Bourassa, PDG de Savaria

Il y a 30 ans, Marcel Bourassa a payé 200 000 $ pour faire l’acquisition d’une entreprise qui construisait des plateformes élévatrices et qui réalisait des revenus annuels de 200 000 $.

Aujourd’hui, Savaria fabrique et commercialise une gamme de produits pour les personnes qui souffrent de problèmes de mobilité. Outre les plateformes élévatrices, Savaria fabrique des ascenseurs résidentiels et commerciaux, des sièges d’escalier qui permettent à leurs utilisateurs de se mouvoir d’un étage à l’autre, des lits d’hôpital, des systèmes de lève-patient et des véhicules adaptés pour handicapés.

L’entreprise compte sur un réseau de 10 usines en Amérique, en Italie, en Angleterre et en Chine, et a enregistré l’an dernier des revenus de plus de 350 millions. La valeur de son action a triplé au cours des cinq dernières années.

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« On voulait faire une acquisition qui nous permettrait de nous imposer mondialement, et l’entreprise suédoise Handicare nous intéressait, mais elle avait des problèmes de rentabilité. L’an dernier, la direction a mis en place un plan de rationalisation et elle a amélioré de façon marquée son bilan financier », m’a expliqué Marcel Bourassa, jeudi matin, le lendemain du lancement de son OPA sur Handicare.

Fleuron en marche

Marcel Bourassa n’a jamais voulu endetter son entreprise, mais l’occasion qui se présentait en valait le coup. Savaria déboursera 520 millions pour faire l’acquisition du manufacturier suédois, dont l’actionnaire majoritaire depuis les 10 dernières années est le fonds d’investissement Nordic Capital Fund VII.

« Nordic Capital Fund VII était rendu au terme de son cycle d’investissement et il a accepté notre offre. On a fait un placement privé de 200 millions, et la Caisse de dépôt [et placement du Québec] est devenu un actionnaire important de Savaria en prenant une participation de 80 millions. On va financer le reste de la transaction avec un endettement de 300 millions, c’est très vivable », souligne l’entrepreneur, dont le contrôle familial exercé sur l’entreprise chutera de 30 % à 24 %.

« Cette dilution ne m’inquiète pas. On devient le leader mondial dans le domaine de la mobilité et on a la Caisse de dépôt comme partenaire à long terme. J’ai trois enfants qui travaillent pour l’entreprise, dont mes fils Sébastien, responsable des opérations, et Alexandre, responsable des ventes. On est là à long terme », assure Marcel Bourassa.

L’intégration de Handicare, qui a réalisé des ventes de 317 millions l’an dernier, permettra à Savaria de devenir le plus important constructeur de sièges d’escalier au monde. Savaria fabrique 4000 sièges par année, contre 45 000 pour Handicare.

« On a un réseau de 400 distributeurs, principalement en Amérique du Nord et en Europe. Avec Handicare, notre réseau va en compter plus de 1000 dans le monde, avec 30 bureaux commerciaux de vente directe. On va pouvoir introduire nos produits dans le réseau de Handicare, comme nos ascenseurs résidentiels, que l’on fabrique aujourd’hui à une cadence de 150 par mois », souligne l’entrepreneur.

La nouvelle entité, qui affichera des revenus combinés de près de 700 millions et un bénéfice d’exploitation de 100 millions, réalisera 50 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis, 40 % en Europe et 10 % au Canada.

Loin d’être saturé, le secteur d’affaires de Savaria est en pleine croissance. Au-delà du vieillissement de la population, la crise de la COVID-19 a aussi mis en évidence les besoins grandissants d’autonomie des personnes âgées, qui préféreront – et de loin – vieillir chez elles plutôt que d’emménager dans des centres pour aînés où les risques de contamination sont beaucoup plus grands.

On a beaucoup déploré au cours des dernières années la vente de fleurons de l’économie québécoise. On les connaît : Alcan, Rona, Van Houtte, Cossette, le Cirque du Soleil, les rôtisseries St-Hubert, la C Series, Camso, Bombardier Transport et très prochainement Transat. Mais il y a aussi des Savaria qui, discrètement, émergent et s’affirment sur la scène mondiale, tout en gardant au Québec une présente forte et structurante.