(New York) Les déconvenues se multiplient pour Boeing : après les déboires du 737 MAX et la chute du trafic aérien liée à la pandémie, qui ont plombé les résultats de 2020, le groupe a encore retardé les premières livraisons du 777X, à fin 2023.  

Ces revers se traduisent pour le constructeur aéronautique par une perte nette de 8,4 milliards de dollars au seul quatrième trimestre, de 11,9 milliards de dollars en 2020.  

C’est la plus importante perte annuelle jamais enregistrée par la compagnie.

Le report des premières livraisons du 777X, le plus gros avion au monde, a eu comme conséquence financière une charge de 6,5 milliards de dollars dans les comptes du quatrième trimestre de l’entreprise.  

C’est au moins la troisième fois que la société retarde les premières livraisons de l’appareil. En octobre, le directeur général, Dave Calhoun, affirmait encore qu’il serait acheminé aux clients dès 2022.  

Pour Michel Merluzeau, expert du cabinet AIR, ce report n’est pas surprenant.  

« La demande au niveau des déplacements internationaux entre les grands aéroports comme Londres, New York ou Tokyo s’est évaporée avec la pandémie », a-t-il expliqué à l’AFP. Les sociétés de transport aérien préfèrent pour l’instant utiliser des avions plus petits comme le Boeing 787 ou l’Airbus 350.  

Par ailleurs, touchées par l’effondrement des ventes de billets depuis le début de la pandémie, « les compagnies n’ont pas actuellement les moyens financiers ».  

Des compagnies comme Emirates ou Lufthansa « préfèrent attendre que la demande se redynamise » avant de prendre possession des nouveaux 777X.  

De plus, remarque M. Merluzeau, depuis les deux accidents rapprochés du 737 MAX ayant fait 346 morts, l’autorité américaine de l’aviation « a imposé des conditions beaucoup plus strictes au niveau de la certification et des essais en vol ».  

Problèmes sur le 787

À la charge sur le nouveau retard du 777X s’est ajoutée au quatrième trimestre une provision de 468 millions de dollars pour le 737 MAX, de retour dans le ciel depuis novembre après avoir été cloué au sol pendant 20 mois.

Le groupe a aussi encaissé une charge de 275 millions de dollars en raison de problèmes de production sur l’avion ravitailleur KC-46A, une autre de 290 millions liée aux stocks de l’offre de services de Boeing ainsi qu’une charge de 744 millions de dollars, déjà dévoilée lors de l’annonce d’un accord avec le ministère de la Justice, destiné à solder des poursuites liées au 737 MAX.  

Le chiffre d’affaires du groupe a reculé de 24 % en 2020 pour s’établir à 58,2 milliards de dollars, une baisse liée à l’effondrement de 59 % des livraisons d’avions commerciaux.

Entre octobre et décembre, le chiffre d’affaires a diminué de 15 % à 15,3 milliards de dollars.

Boeing a aussi fait face aux problèmes du long-courrier 787 « Dreamliner », dont les livraisons ont été retardées après la découverte de défauts de fabrication à l’été. Or c’est au moment de la livraison que les compagnies paient l’essentiel de la commande.   

« Malgré de solides progrès sur le front des vaccins, les six à neuf prochains mois resteront très difficiles pour nos clients aériens et l’ensemble du secteur », a souligné M. Calhoun lors d’une conférence téléphonique.  

« Il faudra environ trois ans pour que les voyages reviennent au niveau de 2019 et quelques années au-delà pour revenir à nos tendances de croissance à long terme », a-t-il aussi noté.

Boeing prévoit de supprimer au total 30 000 emplois entre 2020 et 2021 et a diminué la cadence de production de plusieurs de ses avions.

Le constructeur a pu compter sur la solidité de son activité dans les domaines de la défense, de l’espace et des services de maintenance, ainsi que la demande accrue pour les avions-cargos avec l’explosion du commerce en ligne depuis le début de la pandémie, pour contrecarrer la faiblesse du transport de passagers, a-t-il relevé.  

Mais Boeing mise aussi sur la remise en service du 737 MAX, autorisé à retourner dans le ciel en novembre par les autorités américaines puis par d’autres régulateurs.  

Les autorités européenne et britannique de l’aviation sont les dernières en date à avoir donné leur feu vert, mercredi. M. Calhoun a indiqué s’attendre à recevoir l’approbation de toutes les autorités mondiales d’ici fin juin.

Depuis la première levée d’interdiction de vol en novembre, le constructeur a livré 40 appareils et cinq compagnies l’ont remis dans leurs programmes de vol.