(San Francisco) Intel, qui a battu son record de chiffre d’affaires en 2020, est sur le point de changer de dirigeant, mais pas forcément de modèle économique, augurant de potentielles tensions en 2021 avec le financier activiste Dan Loeb, qui réclame une scission du géant des microprocesseurs.

Le groupe a déjà connu une fin d’année mouvementée. Le milliardaire américain Dan Loeb, dont le fonds spéculatif Third point détient une participation évaluée à un milliard de dollars dans Intel, a en effet demandé fin décembre à l’entreprise de se séparer de ses activités de production pour se concentrer sur la conception des puces.

Son coup d’éclat a eu pour effet quasi immédiat de conduire le conseil d’administration à remercier Bob Swan, 60 ans et PDG depuis janvier 2019.

Pat Gelsinger, patron du groupe informatique VMware depuis 2012, mais fort d’une expérience de 30 ans chez Intel, doit lui succéder le 15 février.

« C’est un privilège et un honneur de revenir dans cette entreprise pour occuper le poste de mes rêves », a-t-il déclaré jeudi, lors d’une conférence pour les analystes sur les résultats annuels.

Il a expliqué qu’Intel comptait bien délocaliser une partie de sa production de puces pour devenir plus « agile », sans pour autant évoquer une scission.

« Je suis certain que la majorité de nos produits d’ici 2023 seront produits en interne », a-t-il détaillé. « En même temps, étant donnée l’étendue de notre portfolio, il est probable que nous devrons renforcer notre recours à des fonderies externes pour certaines technologies et certains produits ».

Chaîne d’approvisionnement

« Nous pensons que nous avons la bonne combinaison pour satisfaire nos clients en utilisant nos capacités internes et externes, que nos concurrents n’ont pas », a-t-il encore assuré.

« Third Point n’a rien apporté de nouveau que les autres investisseurs n’aient pas déjà dit », a commenté l’analyste Patrick Moorhead. Et « Intel a répété que […] les fonderies externes peuvent se révéler une bonne tactique quand leurs propres usines ne peuvent pas suivre la cadence ».

Bob Swan, qui s’est dit « fier » des accomplissements de son équipe ces deux dernières années, a rappelé le contexte de guerre commerciale avec la Chine pendant le mandat de Donald Trump.

« Le message du gouvernement c’était que nous avons besoin d’une plus grande base industrielle ici aux États-Unis, et d’une chaîne d’approvisionnement sûre », a-t-il souligné.

L’année 2020 d’Intel a été marquée par un environnement favorable en termes de demande, avec le déploiement de la 5G et les besoins décuplés en produits électroniques et informatiques liés à la pandémie.

Mais le groupe a dû annoncer un fort retard dans la production de son processeur de dernière génération, plus performant. Un délai qui creuse l’écart avec son concurrent AMD, dont le produit équivalent est déjà disponible.

« Nous devons regagner la confiance de nos clients dans notre chaîne d’approvisionnement », a admis Pat Gelsinger.

Il ne s’est pas étendu sur ses objectifs, mais a insisté sur les opportunités que représente l’avènement de la 5G, qui va bientôt constituer « une source de revenus majeure ».

« Cette entreprise a besoin d’être en forme pour toute l’industrie des technologies en Amérique », a-t-il insisté.

« Les traînards de la tech »

Dans sa lettre, Dan Loeb déplorait qu’Intel, autrefois leader dans la production des microprocesseurs, ait perdu du terrain face aux concurrents asiatiques comme Samsung et Taiwan Semiconductor Manufacturing (TSMC).

Il y fustigeait aussi le fait que le groupe ne soit plus aux avant-postes dans les puces destinées aux ordinateurs et aux centres de données, devancé désormais par AMD, et regrettait que l’intelligence artificielle soit dominée par Nvidia.

« Dan Loeb est un colosse. Quand il parle, les autres écoutent », a commenté l’analyste Dan Ives de Wedbush. « Il y a une frustration croissante dans ce marché vis-à-vis des traînards de la tech, comme Intel, IBM et d’autres ».

Le fabricant de puces technologiques a réalisé un chiffre d’affaires de près de 78 milliards de dollars sur l’année (+8 %), son record, dont 20 milliards au quatrième trimestre, soit 2,6 milliards de plus que prévu, selon son communiqué de résultats publié jeudi.  

Son bénéfice net a diminué de 15 % pour s’établir à près de 6 milliards de dollars sur la période, et s’élève à 21 milliards sur l’année.

Le titre d’Intel perdait environ 1,5 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse de Wall Street, malgré une annonce favorable aux actionnaires : le conseil d’administration du groupe a décidé une hausse du dividende annuel de 5 % à 1,39 dollar par action.