La mise en location de 30 % des bureaux inaugurés en 2016 s’inscrit dans une stratégie de réduction des dépenses

L’austérité est à l’ordre du jour chez Agropur. La coopérative met en location 30 % de la superficie de son siège social bâti à grands frais il n’y a pas cinq ans.

« On parle de superficie représentant jusqu’à 84 290 pieds carrés de bureaux sur deux étages dans deux ailes distinctes pouvant accueillir un ou plusieurs locataires », indique dans un courriel Diane Jubinville, directrice des communications externes et des affaires publiques chez Agropur. « Cette avenue fait suite à l’augmentation du télétravail chez Agropur comme au sein de plusieurs entreprises », poursuit-elle.

Dans son prospectus de mise en marché, le courtier Avison Young parle d’une superficie suffisante pour accommoder jusqu’à 600 employés. Le mobilier est compris dans la location.

Un siège social luxueux

Quand Agropur, sous la direction de Robert Coallier, en poste de 2012 à 2019, a pris la décision de bâtir un nouveau siège social, la coop a visé grand. Aujourd’hui évalué à 89 millions par la Ville de Longueuil, le bâtiment vaut encore plus cher que le majestueux campus Aldo de l’arrondissement de Saint-Laurent (voir tableau), considéré comme l’un des plus beaux sièges sociaux à Montréal. Aux prises avec des problèmes financiers, Aldo a depuis déménagé dans un bâtiment plus modeste.

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À l’époque, le grand patron voulait faire d’Agropur un second Saputo et avait l’ambition d’entrer dans le club des 10 plus grands transformateurs laitiers de la planète. Le nouveau siège social devait refléter ces visées.

« Le siège social s’inscrit dans la transformation de notre entreprise : récentes fusions et acquisitions, investissements majeurs dans nos usines, importance que nous accordons à la recherche et au développement, et amélioration de nos façons de faire. Notre siège social reflète la réalité de notre entreprise et nous en sommes fiers », déclarait M. Coallier, dans un communiqué marquant l’inauguration du nouveau siège social en juin 2016. Le campus prévoyait loger 800 employés à terme.

Entre autres particularités, Agropur a fait construire à son nouveau siège social un stationnement intérieur de plus de 660 cases et 50 bornes de recharge électrique au coût de 22 millions. « Un stationnement souterrain dans un parc industriel à Saint-Hubert, personne ne fait ça », critique un ancien cadre de la coopérative, en poste au moment de l’inauguration. Il souhaite garder l’anonymat pour ne pas s’attirer d’ennuis avec son ancien employeur.

L’entrée du siège social est majestueuse. L’aire de réception a été aménagée avec des matériaux nobles — bois, pierre, céramique, maçonnerie — mis en valeur par des fenêtres panoramiques.

Pour qu’il soit reconnu comme un bâtiment vert, un système de cinq grues a permis de conserver les arbres pendant la construction. L’actif a une consommation d’énergie et d’eau des plus performantes. Le campus a d’ailleurs été certifié LEED-NC, niveau Argent, en avril 2017.

Objectif : réduire la dette

L’objectif de rapetisser le siège social est de réaliser des économies dans le cadre d’une stratégie de réduction du passif d’Agropur, qui atteint 2,4 milliards, dont 1,1 milliard de dettes à long terme.

Récemment, l’entreprise a vendu sa division de yaourts Iögo à Lactalis. La semaine dernière, la lecture de ses résultats financiers 2020 nous apprenait que le transformateur laitier avait reporté le paiement de dividendes de quelque 60 millions sur les parts privilégiées pour mieux réduire sa dette. Ces parts appartiennent à la Caisse de dépôt et placement, au Fonds de solidarité FTQ, à Investissement Québec, à la Banque Nationale et à Desjardins, entre autres.

Le propriétaire de la marque Oka n’a pas le choix. Son endettement lui coûte de plus en plus cher : 79 millions en 2020 comparativement à 68 millions en 2019. « Nos taux d’emprunt sont composés du taux de base auquel s’ajoute une marge. Les marges payées ont été plus élevées en raison du ratio d’endettement plus élevé de la coopérative en début d’exercice et de conditions défavorables au niveau du marché des liquidités », explique Mme Jubinville.

Autrement dit, Agropur paie plus d’intérêts parce que le risque s’est accru. Le ratio du fonds de roulement s’est dégradé (actif court terme/passif court terme) en un an, passant de 1,45 à 1,31, et sa marge bénéficiaire nette reste lilliputienne à 0,5 %, soit un excédent net de 39 millions sur un chiffre d’affaires de 7,7 milliards.

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